Tribunal judiciaire de Grenoble, le 5 septembre 2025, n°25/00144

Tribunal judiciaire de Grenoble, pôle social, ordonnance du 5 septembre 2025 (RG 25/00144). L’ordonnance statue en premier ressort sur l’opposition à une contrainte décernée pour 1 211 euros. La contrainte a été décernée le 1er juin 2023 et signifiée le 23 juin 2023 par acte d’huissier. L’opposition a été introduite par requête déposée au greffe le 5 février 2025. Le dispositif énonce d’abord: « PAR CES MOTIFS, ». Il décide ensuite: « DECLARE irrecevable l’opposition formée […] à l’encontre de la contrainte […] le 01 juin 2023 […] signifiée par acte d’huissier du 23 juin 2023, par requête déposée au greffe le 05 février 2025. » Il ajoute encore: « DIT que […] conservera la charge des dépens. » Enfin, l’ordonnance rappelle que « la décision peut faire l’objet d’un appel, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision » sur le fondement de l’article 538 du code de procédure civile.

La question de droit tient aux conditions de recevabilité de l’opposition à contrainte, et spécialement à la sanction attachée au non-respect du délai légal courant à compter de la signification. La solution retenue par la juridiction est nette: l’opposition tardive est irrecevable, ce qui maintient la pleine efficacité de la contrainte non contestée dans le délai.

I. Le sens de l’ordonnance: une irrecevabilité pour tardiveté

A. Les conditions légales de l’opposition à contrainte et leur sanction
La procédure de contrainte en recouvrement social confère à l’acte, à défaut d’opposition, les effets d’un jugement, sous réserve d’un recours dans un bref délai. Le code de la sécurité sociale impose que l’opposition soit formée, à peine d’irrecevabilité, dans les quinze jours suivant la signification. La règle est d’ordre public de procédure, car elle conditionne l’équilibre entre efficacité du recouvrement et droit au juge. Elle commande un contrôle préalable et objectif par le juge saisi, indépendamment du bien-fondé des cotisations. L’office du président du pôle social inclut ainsi l’examen liminaire de la date de saisine au regard de l’acte de signification.

Cette économie explique que la sanction de la tardiveté prenne la forme d’une irrecevabilité, non d’un rejet au fond. L’irrecevabilité neutralise d’emblée le débat sur le principal et préserve la stabilité de la contrainte devenue définitive. Elle s’attache à la seule constatation d’un dépassement du délai, sauf cause d’interruption ou de nullité de la signification, lesquelles doivent être alléguées et, le cas échéant, démontrées par l’opposant.

B. L’application au cas d’espèce: une tardiveté manifeste
Les dates retenues au dispositif révèlent un dépassement considérable du délai. La signification est intervenue le 23 juin 2023; la requête d’opposition porte la date du 5 février 2025. L’écart excède très largement les quinze jours légaux, sans qu’aucune circonstance interruptive ne ressorte du dispositif, les motifs étant occultés. Le juge pouvait donc statuer sans examiner le fond, la tardiveté constituant un obstacle procédural dirimant. Le dispositif le consacre, en termes dépourvus d’ambiguïté: « DECLARE irrecevable l’opposition formée […] », puis « DIT que […] conservera la charge des dépens. »

La mention finale relative à l’appel parachève la logique de la décision. En rappelant l’article 538 du code de procédure civile, l’ordonnance indique la voie de recours utile contre l’irrecevabilité, dans le délai d’un mois à compter de la notification. Le contrôle de la régularité de la signification et du point de départ du délai pourra, le cas échéant, s’y déployer.

II. La valeur et la portée de l’ordonnance: sécurité du recouvrement et vigilance procédurale

A. Conformité au droit positif et exigence de sécurité juridique
La solution s’accorde avec la jurisprudence constante selon laquelle l’opposition formée hors délai est irrecevable, la contrainte acquérant les effets d’un jugement passé en force de chose jugée. Le rappel des dates au dispositif suffit à fonder la décision, l’exigence de célérité procédurale présidant à ce contentieux spécialisé. Le choix de l’irrecevabilité, plutôt qu’un examen sommaire du fond, protège la sécurité juridique des créances sociales et évite de déplacer le débat vers la matérialité de l’assiette ou du calcul.

La valeur de l’ordonnance tient aussi à la clarté de son dispositif. L’énoncé « PAR CES MOTIFS, » puis la décision d’irrecevabilité, permettent d’identifier la cause exclusive de la solution et d’en déduire l’économie des motifs. Cette sobriété, fréquente en matière d’incidents de recevabilité, respecte l’exigence de motivation en retenant les indications temporelles nécessaires et suffisantes à la compréhension.

B. Portée pratique: contrôle de la signification, discipline des délais et voies de recours
L’ordonnance rappelle aux justiciables l’importance déterminante de la signification dans le déclenchement des délais d’opposition. La vérification de la régularité de cet acte demeure décisive, car une irrégularité, si elle est invoquée et constatée, influe sur le point de départ du délai et peut rétablir l’accès au juge du fond. À défaut d’un tel grief, la tardiveté ferme la voie de l’opposition et confère à la contrainte sa pleine force exécutoire.

La portée de la décision se mesure enfin à l’articulation avec l’appel. L’indication expresse selon laquelle « la décision peut faire l’objet d’un appel, dans un délai d’un mois » précise l’ultime espace de contestation. L’appel permettra d’examiner la computation du délai, la validité de la signification et l’éventuelle incidence d’un empêchement légitime. En pratique, l’ordonnance incite à une vigilance procédurale constante et promeut la sécurité des recouvrements, sans méconnaître le droit d’accès au juge dès lors que les délais sont observés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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