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Le jugement rendu le 19 juin 2025 par le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Laval porte sur le partage d’une indivision née de l’acquisition en commun d’un bien immobilier par deux concubins. En l’espèce, deux personnes vivant en concubinage avaient acquis en indivision une maison d’habitation par acte notarié du 22 juin 2017. Leur séparation est intervenue en 2019.
Par un précédent jugement du 22 avril 2021, le même tribunal avait ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de cette indivision et désigné un notaire pour y procéder. Le défendeur avait alors été condamné aux dépens. Le 31 janvier 2025, le notaire désigné a dressé un procès-verbal de carence, le défendeur ne s’étant pas présenté malgré sommation. Le juge commis a ensuite renvoyé les parties devant le juge de la mise en état.
La demanderesse sollicitait l’homologation de l’état liquidatif établi par le notaire, le renvoi devant ce dernier aux fins d’établissement de l’acte de partage, ainsi que la condamnation du défendeur au paiement de frais irrépétibles et aux dépens. Elle exposait que son ancien concubin, demeuré seul dans le bien indivis après la séparation, avait cessé de régler les mensualités des prêts et refusait toute discussion. Le bien avait finalement été vendu, permettant le remboursement des emprunts avec un solde résiduel conservé à l’étude notariale.
Le défendeur n’a pas constitué avocat et n’a formulé aucune contestation.
La question posée au juge était celle de savoir si le projet de partage établi par le notaire devait être homologué en l’absence de toute contestation du coïndivisaire défaillant.
Le tribunal a fait droit à la demande d’homologation, condamné le défendeur aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Cette décision appelle un examen de l’office du juge dans le partage judiciaire en présence d’un indivisaire défaillant (I), avant d’envisager les conséquences procédurales et financières de cette défaillance (II).
I. L’homologation du projet de partage face à la carence de l’indivisaire
Le tribunal procède à une qualification rigoureuse de l’acte notarié soumis à son contrôle (A) avant de tirer les conséquences de l’absence de contestation (B).
A. La qualification de l’acte notarié soumis à homologation
Le juge relève une discordance dans les écritures de la demanderesse. Celle-ci sollicitait dans son dispositif « l’homologation de l’état liquidatif » alors que sa discussion mentionnait « le projet de partage ». Le tribunal opère une rectification en constatant que « c’est bien un projet de partage qu’a établi » le notaire. Cette précision terminologique n’est pas anodine.
La distinction entre état liquidatif et projet de partage renvoie à l’article 1375 du Code de procédure civile. Cet article prévoit que le tribunal « homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage ». L’état liquidatif fixe les comptes entre copartageants et détermine les droits de chacun. Le projet de partage va plus loin en proposant une répartition concrète des biens ou des sommes.
En l’espèce, le bien indivis avait été vendu. Le produit de la vente avait servi à rembourser les emprunts indivis. Il ne restait qu’un solde de 3 903,75 euros à partager. Le notaire avait donc établi un véritable projet de partage portant sur cette somme résiduelle.
La rectification opérée par le juge témoigne de son pouvoir d’interprétation des demandes. La jurisprudence admet que le juge puisse requalifier une demande lorsque son objet réel ne fait aucun doute. Cette souplesse évite un formalisme excessif qui aurait pu conduire au rejet de la demande pour erreur de qualification.
B. L’effet de l’absence de contestation sur le contrôle juridictionnel
Le tribunal constate qu’« aucune contestation du projet établi » n’a été formulée. Il en déduit qu’« il convient de faire droit à la demande d’homologation ». Cette motivation laconique interroge sur l’étendue du contrôle exercé par le juge.
L’article 1375 du Code de procédure civile dispose que le tribunal « statue sur les points de désaccord ». En l’absence de désaccord exprimé, le juge paraît dispensé d’un examen approfondi du fond. La Cour de cassation a cependant rappelé que l’homologation suppose un contrôle de régularité de l’acte soumis au juge.
La carence du défendeur ne saurait donc conduire à une homologation automatique. Le juge conserve un pouvoir de vérification des éléments essentiels du partage : respect du principe d’égalité, exactitude des comptes, conformité aux règles d’ordre public.
En l’espèce, le tribunal ne détaille pas son contrôle. La simplicité de la situation explique cette économie de motifs. L’indivision portait sur un seul bien, vendu et dont le prix avait permis de solder les dettes communes. Le partage se réduisait à la répartition d’un reliquat entre deux coïndivisaires détenant des droits égaux.
Cette décision illustre une conception pragmatique de l’office du juge. En l’absence de difficulté apparente et de contestation, un contrôle formel suffit. Cette approche favorise l’efficacité de la procédure sans sacrifier les garanties fondamentales du partage.
II. Les conséquences de l’inertie de l’indivisaire dans la procédure de partage
La défaillance procédurale du défendeur emporte des conséquences sur la charge des frais (A) et révèle les limites de la protection de l’indivisaire passif (B).
A. La sanction financière de la défaillance procédurale
Le tribunal condamne le défendeur aux dépens et au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Ces condamnations sanctionnent son « inertie » ayant « empêché la signature de l’acte de partage ».
Le fondement de la condamnation aux dépens est classique. L’article 696 du Code de procédure civile met les dépens à la charge de la partie perdante. En matière de partage, la jurisprudence traditionnelle répartissait souvent les dépens entre copartageants par application de l’article 1368 du même code. Cette solution se justifiait par l’idée que le partage profite à tous.
Le tribunal s’écarte de cette tradition en faisant peser l’intégralité des dépens sur le défendeur. Cette décision s’explique par le caractère fautif de son comportement. Il ne s’agit pas d’un simple désaccord sur les modalités du partage mais d’une obstruction délibérée aux opérations.
La condamnation au titre de l’article 700 obéit à des considérations d’équité. Le tribunal fixe cette indemnité au montant demandé, soit 2 000 euros. Cette somme compense les frais exposés par la demanderesse pour contraindre son ancien concubin à participer au partage.
La double condamnation financière remplit une fonction punitive. Elle dissuade les coïndivisaires de bloquer les opérations de liquidation par leur passivité. Cette sévérité se justifie d’autant plus que l’inertie du défendeur avait contraint la demanderesse à déposer un dossier de surendettement.
B. Les limites de la protection de l’indivisaire défaillant
Le jugement est rendu de manière réputée contradictoire. Le défendeur, régulièrement assigné, n’a pas comparu et n’a pas constitué avocat. Cette défaillance procédurale ne l’a pas privé de toute protection. La procédure de partage comporte des garanties destinées à protéger l’indivisaire même passif.
Le notaire avait notifié le projet d’état liquidatif par lettre recommandée avant de convoquer le défendeur à son étude. Cette formalité garantit l’information de l’indivisaire sur les propositions de partage. Le procès-verbal de carence dressé le 31 janvier 2025 atteste de la régularité de cette convocation.
La signification des conclusions de la demanderesse le 23 avril 2025 a ensuite permis au défendeur de connaître les demandes formées contre lui. Il disposait du temps nécessaire pour constituer avocat et contester le projet de partage.
Ces garanties procédurales préservent le droit au procès équitable de l’indivisaire défaillant. Elles lui permettent d’exercer un recours contre le jugement d’homologation. En l’espèce, le jugement étant rendu en premier ressort, le défendeur conserve la faculté d’interjeter appel.
La protection de l’indivisaire défaillant trouve cependant ses limites. Le droit au partage, consacré par l’article 815 du Code civil, ne saurait être paralysé indéfiniment par l’inaction d’un coïndivisaire. Le tribunal apporte ici une réponse équilibrée : il homologue le partage tout en préservant les voies de recours du défendeur.