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La nationalité française peut être acquise par différentes voies, parmi lesquelles la déclaration de nationalité qui permet à certaines catégories de personnes de revendiquer leur appartenance à la communauté nationale. Le tribunal judiciaire de Lille, par un jugement rendu le 13 juin 2025, a eu à connaître d’une telle demande.
Une personne née le 14 juillet 2006 à Lille a souscrit une déclaration de nationalité française le 11 janvier 2023. Face à l’absence d’enregistrement de cette déclaration par l’autorité administrative compétente, elle a saisi le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir reconnaître sa nationalité française.
Le ministère public, partie défenderesse en cette matière de nationalité, a été appelé à la procédure. L’affaire a été instruite et plaidée en chambre du conseil le 11 mars 2025, avant que le délibéré ne soit prononcé le 13 juin 2025. Le tribunal a statué par jugement contradictoire en premier ressort.
La question posée au tribunal était de déterminer si la demanderesse remplissait les conditions légales pour être reconnue française par voie de déclaration et si, dans l’affirmative, il convenait d’ordonner l’enregistrement de cette déclaration ainsi que les mentions prévues par la loi.
Le tribunal judiciaire de Lille a fait droit à la demande. Il a dit que la requérante est française, ordonné « en tant que de besoin » l’enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 11 janvier 2023, prescrit les mentions prévues à l’article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision illustre le rôle du juge judiciaire en matière de contentieux de la nationalité. Elle appelle une analyse portant d’abord sur la compétence du tribunal et la nature du contrôle exercé (I), puis sur les effets du jugement et ses conséquences pratiques (II).
I. La compétence judiciaire en matière de nationalité et la nature du contrôle exercé
A. Le tribunal judiciaire, juge naturel du contentieux de la nationalité
Le contentieux de la nationalité française relève de la compétence exclusive du juge judiciaire. L’article 29 du code civil dispose que la juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française. Cette attribution de compétence se justifie par la nature éminemment personnelle de l’état des personnes, dont la nationalité constitue un élément fondamental.
En l’espèce, le tribunal judiciaire de Lille a été saisi par une personne ayant souscrit une déclaration de nationalité française. La procédure de déclaration, prévue aux articles 21-2 et suivants du code civil selon les hypothèses, permet à certaines catégories de personnes d’acquérir la nationalité française sans passer par une procédure de naturalisation. Lorsque l’autorité administrative refuse d’enregistrer la déclaration ou tarde à le faire, le déclarant peut saisir le tribunal judiciaire pour faire constater qu’il remplit les conditions légales.
Le tribunal a exercé sa compétence pleine et entière en la matière. La procédure s’est déroulée en chambre du conseil, conformément aux dispositions applicables au contentieux de l’état des personnes qui exigent une certaine confidentialité. La décision a toutefois été prononcée publiquement, ce qui assure le respect du principe de publicité des jugements tout en préservant l’intimité des débats.
B. L’étendue du pouvoir juridictionnel sur la déclaration de nationalité
Le juge judiciaire dispose d’un pouvoir de contrôle complet sur les conditions d’acquisition de la nationalité par déclaration. Ce contrôle porte tant sur les conditions de fond que sur les conditions de forme prévues par la loi.
Le jugement du tribunal judiciaire de Lille « dit que » la requérante « est française ». Cette formulation déclarative traduit la nature du contrôle exercé. Le tribunal ne confère pas la nationalité, il constate que les conditions légales sont réunies. La nationalité acquise par déclaration prend effet à la date de souscription de celle-ci, sous réserve de son enregistrement.
La formule « en tant que de besoin » employée par le tribunal pour ordonner l’enregistrement de la déclaration révèle la portée de l’intervention judiciaire. Elle signifie que si l’autorité administrative n’a pas procédé à cet enregistrement, le jugement y supplée. Le tribunal se substitue ainsi à l’administration défaillante pour parfaire la procédure d’acquisition de la nationalité.
II. Les effets du jugement déclaratif de nationalité
A. L’opposabilité erga omnes de la décision et les mentions d’état civil
Le jugement rendu en matière de nationalité produit des effets à l’égard de tous. L’article 29-3 du code civil confère aux décisions définitives rendues en matière de nationalité l’autorité de la chose jugée erga omnes. Cette opposabilité absolue distingue le contentieux de la nationalité du droit commun des jugements civils, dont l’autorité est en principe relative aux parties.
Le tribunal de Lille a ordonné « les mentions prévues à l’article 28 du code civil ». Cet article impose que toute décision juridictionnelle ayant trait à la nationalité fasse l’objet d’une mention en marge des actes de l’état civil. Cette publicité assure l’information des tiers et garantit l’effectivité de la décision. Elle permet également d’éviter toute contestation ultérieure de la nationalité de l’intéressée.
L’enregistrement de la déclaration et les mentions d’état civil constituent les instruments de la sécurité juridique en matière de nationalité. Ils permettent à toute personne de justifier de sa qualité de Français par la production d’un certificat de nationalité française délivré par le greffier en chef du tribunal judiciaire.
B. Les conséquences indemnitaires de la procédure contentieuse
Le tribunal a condamné le Trésor public aux dépens et au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette condamnation appelle une observation particulière.
En matière de nationalité, le ministère public est partie principale au procès. Il défend les intérêts de la collectivité nationale et veille au respect des conditions légales d’accès à la nationalité française. Lorsque la demande prospère, la charge des frais de justice incombe au Trésor public, qui supporte les conséquences financières de la procédure.
La condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile indemnise les frais irrépétibles exposés par le demandeur. Le montant de 1 500 euros accordé par le tribunal traduit une appréciation équitable des frais engagés par la requérante pour faire valoir ses droits. Cette indemnisation trouve sa justification dans le fait que la personne a dû recourir à une procédure contentieuse pour obtenir la reconnaissance d’une nationalité à laquelle elle avait droit.
Cette décision du tribunal judiciaire de Lille s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence en matière de nationalité. Elle rappelle le rôle essentiel du juge judiciaire comme gardien de l’état des personnes et illustre les garanties procédurales entourant l’acquisition de la nationalité française par déclaration.