Tribunal judiciaire de Lille, le 16 juin 2025, n°25/01813

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, par jugement du 16 juin 2025, s’est prononcé sur la résiliation d’un bail portant sur une place de parking et ses conséquences indemnitaires. Cette décision illustre l’application rigoureuse du mécanisme de la clause résolutoire dans les baux ne relevant pas du statut protecteur des baux d’habitation.

Par acte sous seing privé du 3 août 2023, des bailleurs ont donné à bail une place de parking située à Roubaix moyennant un loyer mensuel de 120 euros. Le locataire ayant cessé de régler ses loyers, un commandement de payer visant la clause résolutoire lui a été signifié le 20 février 2024 pour une somme de 480 euros. Demeuré infructueux, ce commandement a conduit les bailleurs à assigner le preneur le 17 juillet 2024 aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l’expulsion et obtenir condamnation au paiement des arriérés.

À l’audience du 6 janvier 2025, aucune partie n’ayant comparu, l’assignation a été déclarée caduque. Les demandeurs ont sollicité d’être relevés de cette caducité par courrier du 24 janvier 2025. Convoquées à nouveau, les parties ont été appelées à l’audience du 31 mars 2025 où seuls les bailleurs ont comparu, actualisant leur créance à 2 040 euros. Le défendeur, régulièrement convoqué, n’a pas comparu.

La question posée au juge était de déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies et quelles conséquences en tirer sur le plan de l’expulsion et de l’indemnisation des bailleurs.

Le tribunal a constaté la résiliation du bail à la date du 20 mars 2024, ordonné l’expulsion du locataire et l’a condamné au paiement de 2 040 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés, outre une indemnité mensuelle d’occupation de 120 euros jusqu’à libération des lieux.

Le jugement commenté présente un double intérêt. Il rappelle d’abord le régime de la clause résolutoire applicable aux baux de stationnement (I). Il précise ensuite le fondement et le régime de l’indemnité d’occupation due par l’occupant sans titre (II).

I. L’acquisition de la clause résolutoire dans les baux de stationnement

Le tribunal applique avec rigueur le mécanisme contractuel de résiliation de plein droit (A), dans un cadre juridique dépourvu des tempéraments propres aux baux d’habitation (B).

A. Le mécanisme contractuel de la résiliation de plein droit

Le tribunal fonde sa décision sur les articles 1728 et 1224 du code civil. Le premier impose au preneur de « payer le prix du bail aux termes convenus ». Le second dispose que « la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ».

Le juge relève que « le bail conclu entre les parties contient une clause résolutoire aux termes de laquelle le contrat sera résolu de plein droit un mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». Il constate ensuite que le commandement a été signifié le 20 février 2024 et qu’« il résulte du décompte des loyers impayés que [le locataire] ne s’est pas acquitté, dans ce délai, du montant des loyers impayés ».

Cette motivation illustre le caractère automatique de la clause résolutoire. Dès lors que les conditions contractuelles sont remplies, le juge se borne à constater la résiliation intervenue de plein droit. Il ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de prononcer cette sanction. Le tribunal fixe avec précision le moment de l’acquisition de la clause : « la résiliation du contrat de bail à la date du 20 mars 2024, 24h00 », soit exactement un mois après la signification du commandement.

B. L’absence de protection spécifique du locataire

La solution retenue s’explique par la nature du bien loué. Une place de parking ne constitue pas un local d’habitation au sens de la loi du 6 juillet 1989. Elle échappe donc aux dispositions protectrices de ce texte, notamment à son article 24 qui impose des délais et des formalités spécifiques avant toute acquisition de la clause résolutoire.

En matière de bail d’habitation, le commandement de payer doit être délivré au moins deux mois avant l’acquisition de la clause résolutoire. Le juge dispose en outre du pouvoir d’accorder des délais de paiement suspendant les effets de la clause. Ces garanties procédurales sont absentes du régime de droit commun applicable aux baux de stationnement.

Le locataire défaillant se trouve ainsi dans une situation précaire. Le délai d’un mois prévu au contrat suffit à entraîner la résiliation. L’absence de comparution du défendeur a privé le tribunal de toute possibilité d’examiner d’éventuelles contestations. Le juge rappelle néanmoins, conformément à l’article 472 du code de procédure civile, qu’il « ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée », ce qui préserve un contrôle minimal de la légalité de l’action.

II. Le régime de l’indemnité d’occupation consécutive à la résiliation

Le tribunal précise le fondement juridique de l’indemnité d’occupation (A) et en détermine les modalités de calcul et d’exigibilité (B).

A. Le fondement délictuel de l’indemnité d’occupation

Le jugement distingue deux périodes. Jusqu’à la résiliation du bail, le locataire reste tenu des loyers sur le fondement contractuel. Après la résiliation, il devient occupant sans titre et son maintien dans les lieux constitue une faute civile.

Le tribunal se fonde expressément sur l’article 1240 du code civil, énonçant que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Il caractérise ensuite la faute en ces termes : « La faute qui consiste pour le locataire à occuper le bien loué, postérieurement à la résiliation du contrat de bail, cause un préjudice au bailleur, qui ne peut pas disposer de son bien et le relouer. »

Cette qualification délictuelle emporte des conséquences importantes. L’indemnité d’occupation ne constitue pas un loyer. Elle répare le préjudice subi par le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Ce fondement permet d’en réclamer le paiement indépendamment de toute stipulation contractuelle, sur le seul terrain de la responsabilité civile.

B. La détermination du quantum et des modalités de l’indemnité

Le tribunal fixe l’indemnité mensuelle d’occupation à 120 euros, soit un montant « équivalent à celui du loyer ». Cette solution correspond à la pratique jurisprudentielle dominante qui évalue le préjudice du bailleur à la valeur locative du bien occupé indûment.

La condamnation distingue plusieurs chefs. Le locataire doit d’abord 2 040 euros au titre des « loyers et indemnités d’occupation impayés » arrêtés au 31 mars 2025. Cette somme porte intérêts au taux légal « à compter du commandement de payer du 20 février 2024 pour la somme de 480 euros et à compter du jugement pour le surplus ». Le point de départ des intérêts moratoires reflète ainsi la date de mise en demeure pour la dette initiale et celle de la décision pour les sommes accumulées depuis.

Le tribunal condamne en outre le défendeur à verser 120 euros par mois « à compter du 1er avril 2025 et jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux ». Il précise que « cette somme sera réévaluée comme l’aurait été le loyer », permettant une actualisation future sans nouvelle saisine du juge.

L’exécution provisoire de droit, rappelée en fin de dispositif conformément à l’article 514 du code de procédure civile, autorise les bailleurs à poursuivre immédiatement l’expulsion et le recouvrement des sommes dues, nonobstant un éventuel appel.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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