Tribunal judiciaire de Lille, le 19 juin 2025, n°23/01140

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lille a rendu, le 19 juin 2025, un jugement avant dire droit ordonnant une expertise complémentaire destinée à chiffrer un déficit fonctionnel permanent à la suite d’un accident du travail survenu le 15 décembre 2011. Le contentieux de la faute inexcusable avait été tranché précédemment au fond, la majoration de la rente ayant été fixée au maximum par le jugement du 21 juin 2016, confirmé par la cour d’appel d’Amiens le 1er octobre 2021. La mission d’expertise initiale s’était interrompue, si bien qu’un nouvel expert a été commis et que la demande s’est recentrée sur les postes extrapatrimoniaux, en particulier le déficit fonctionnel permanent.

La procédure s’inscrit dans une chaîne décisionnelle claire. Le premier juge a retenu la faute inexcusable et alloué une provision, puis a ordonné une expertise. La cour d’appel d’Amiens a confirmé la faute, réglé les frais irrépétibles et renvoyé la liquidation des préjudices. Après remplacement de l’expert, le pôle social a fixé l’affaire à plaider en 2025. Les défendeurs ont accepté une expertise complémentaire circonscrite au déficit fonctionnel permanent et demandé que son évaluation soit faite au jour de la consolidation, fixée au 8 décembre 2014.

La question posée tenait à l’articulation entre la rente d’accident du travail et l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent, au regard des arrêts du 20 janvier 2023, et à la pertinence d’une expertise complémentaire pour isoler ce poste. La juridiction a jugé nécessaire de faire droit à la demande, en s’appuyant sur l’évolution jurisprudentielle: « la rente versée à la victime n’indemnise pas le poste de préjudice “déficit fonctionnel permanent” ». Elle a sursis à statuer sur les montants et les dépens, ordonné l’expertise, fixé la mission et précisé la date de référence.

I. L’affirmation d’un poste autonome de déficit fonctionnel permanent

A. La clarification issue des arrêts du 20 janvier 2023

Le jugement se fonde explicitement sur la ligne tracée en 2023, qui sépare la réparation professionnelle, assurée par la rente, de la réparation personnelle que constitue le déficit fonctionnel permanent. La motivation est nette et sans ambages, car elle constate que la mission ancienne de l’expert « avait été déterminée avant les arrêts du 20 janvier 2023 », lesquels ont « tranché que la rente versée à la victime n’indemnise pas le poste de préjudice “déficit fonctionnel permanent” ».

L’office du juge des accidents du travail s’en trouve réordonné. L’évaluation d’un taux médico‑légal distinct, propre au déficit fonctionnel permanent, ne se confond pas avec l’incapacité permanente partielle retenue pour la rente. Cette dissociation évite les doubles emplois et rétablit l’équilibre des postes patrimoniaux et extrapatrimoniaux, conformément au droit positif.

B. La conséquence procédurale: sursis et expertise ciblée

La juridiction adopte un schéma prudent et méthodique, en sursoyant à statuer et en ordonnant une mesure utile à la manifestation de la vérité. La mission d’expertise est centrée sur la description des atteintes, l’imputabilité et la fixation du taux, « distinct du taux d’IPP évalué par la [caisse] portant uniquement sur la rente et sa majoration ». Cette précision enferme l’expert dans un périmètre strict, qui respecte la frontière entre sphère professionnelle et atteintes à la vie quotidienne.

Le dispositif détaille des questions concrètes, adaptées à l’état consolidé. Le juge demande d’« indiquer si, après la consolidation à la date du 8 décembre 2014, la victime subit un déficit fonctionnel permanent; évaluer l’altération permanente d’une ou plusieurs fonctions […], en chiffrant le taux propre à ce poste de préjudice ». L’invitation à préciser le barème et à motiver la prise en compte des douleurs renforce la qualité probatoire attendue.

II. La valeur et la portée de la solution retenue

A. Une solution juridiquement cohérente et préventive des doubles indemnisations

La solution a une valeur confirmative au regard de la jurisprudence récente et des textes. Elle évite que la rente, centrée sur les pertes de gains et l’incidence professionnelle, absorbe indûment un poste personnel global, qui intègre les limitations fonctionnelles et la dégradation durable des conditions d’existence. La séparation des flux indemnitaires s’appuie sur une base médico‑légale, ce qui garantit une réparation complète mais non redondante.

La décision adopte une temporalité pertinente, en fixant l’évaluation « au jour de la consolidation », afin de refléter l’état séquellaire stabilisé. Cette date arrête le périmètre des atteintes indemnisables et protège les défendeurs contre des appréciations évolutives, sauf aggravation ultérieure à faire valoir dans un autre cadre. La réserve des dépens et le sursis sur l’article 700 du code de procédure civile manifestent la neutralité financière de cette phase.

B. Des effets pratiques sur la liquidation des préjudices en matière d’accidents du travail

La portée de la décision est opérationnelle pour les contentieux pendants de faute inexcusable. Les postes déjà envisagés, tels que souffrances endurées, préjudice esthétique et agrément, demeurent, mais le déficit fonctionnel permanent requiert désormais une quantification spécifique, adossée à un taux et à une motivation circonstanciée. La méthode réduit l’aléa judiciaire et facilite la discussion contradictoire des barèmes.

L’ordonnance d’expertise annonce une structuration plus fine des liquidations futures. En distinguant clairement l’IPP de la rente et le taux de déficit fonctionnel permanent, le juge éclaire les rôles respectifs de l’employeur, de son assureur et de la caisse, notamment pour l’avance et la récupération des frais. Cette clarification, alignée sur la cour d’appel d’Amiens du 1er octobre 2021 pour la faute et sur la jurisprudence de 2023 pour l’indemnisation, consolide la prévisibilité des décisions.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture