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La décision commentée émane du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, jugement du 20 juin 2025, RG 24/09886. Le litige naît d’un bail d’habitation conclu fin juin 2021, comportant clause résolutoire pour impayés, et de l’engagement d’une caution solidaire signé électroniquement le même jour. Un commandement de payer visant la clause est délivré mi‑mai 2024, avec saisine de la CCAPEX et notification au représentant de l’État. Les défenderesses, régulièrement assignées début septembre 2024, ne comparaissent pas à l’audience de mars 2025, tandis que les demandeurs actualisent leur créance à 4 757,25 euros.
La procédure est conduite selon les textes de la loi du 6 juillet 1989, dans leurs versions utiles, et les règles du code de procédure civile. Le juge rappelle que, lorsque le défendeur ne comparaît pas, « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». La contestation porte d’une part sur l’acquisition de la clause résolutoire et ses effets, d’autre part sur la validité du cautionnement au regard du formalisme prescrit pour les baux d’habitation. La solution retient la résiliation de plein droit, l’expulsion et la condamnation au paiement des arriérés et d’une indemnité d’occupation, mais prononce la nullité du cautionnement.
I. La mise en œuvre de la clause résolutoire et ses effets
A. La recevabilité de l’action et la régularité des diligences préalables
Le juge vérifie d’abord la régularité externe de l’action au regard des formalités préalables protectrices du logement. La saisine de la CCAPEX intervient le 15 mai 2024, dans le délai d’alerte exigé par l’article 24 II, dans sa rédaction antérieure à la réforme de juillet 2023. La copie de l’assignation est notifiée plus de six semaines avant l’audience au représentant de l’État, conformément à l’article 24 III, dans sa rédaction issue de cette réforme.
Cette partition textuelle, assumée par le jugement, reflète la coexistence temporelle des régimes successifs de l’article 24 pour des actes réalisés à des dates différentes. Elle emporte, en pratique, un contrôle en deux temps, sans difficulté particulière en l’espèce. Sur le plan procédural, le juge rappelle encore que le jugement est « réputé contradictoire » dès lors qu’il est susceptible d’appel, ce qui encadre la portée du défaut de comparution des défenderesses.
La démonstration articule la régularité des notifications et l’information des autorités compétentes avec l’exigence d’un commandement de payer visant la clause, demeuré infructueux au terme de deux mois. L’ensemble de ces diligences préalables fonde la recevabilité des demandes et autorise l’examen au fond de la résiliation de plein droit.
B. L’acquisition de la clause et l’allocation de l’indemnité d’occupation
La loi de 1989 définit strictement le déclenchement de la résiliation de plein droit. Le jugement cite que « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location […] ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ». Le bail comporte une clause résolutoire explicite, et le commandement délivré mi‑mai 2024 est resté partiellement insatisfait dans le délai, les paiements intervenus étant jugés inférieurs aux sommes exigibles.
Le juge constate ainsi, de manière nette, l’acquisition de la clause à une date précisément fixée. Il énonce que « les conditions d’acquisition de la clause résolutoire se sont trouvées réunies à la date du 15 juillet 2024 ». Cette affirmation ancre l’analyse dans un cadre chronologique rigoureux, indispensable pour déterminer la période d’occupation sans droit ni titre.
La conséquence immédiate réside dans l’expulsion, ordonnée selon les règles applicables, et dans la substitution d’une indemnité d’occupation au loyer. Pour quantifier la créance, le jugement combine les arriérés arrêtés au 6 mars 2025 et l’indemnité à courir. Il rappelle que « le locataire est tenu au paiement du loyer et des charges aux termes convenus », puis rattache l’indemnité post‑résiliation à la responsabilité délictuelle. Il est écrit que, « en vertu de l’article 1240 du code civil, le préjudice […] sera en l’espèce réparé par l’allocation d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer ».
La solution se fonde également sur la règle probatoire. Le juge cite que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ». Les éléments produits établissent le quantum après exclusions ciblées d’accessoires non justifiés, et fixent une indemnité égale au dernier loyer majoré des charges, jusqu’à libération effective des lieux.
II. Le contrôle du formalisme du cautionnement d’habitation
A. Les exigences de l’article 22‑1 et la preuve de la signature électronique
Le cœur du second volet tient à la rigueur du formalisme du cautionnement en matière de baux d’habitation. Le jugement rappelle que « la personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision […] Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement ». Il ajoute que « cette nullité d’ordre public doit être constatée en cas d’omission de l’une des formalités prescrites sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un grief ».
Deux manquements sont relevés. D’abord, le dossier ne comporte pas d’élément de vérification de la fiabilité de la signature électronique apposée sur l’acte. Le juge note qu’« aucun élément n’est versé aux débats permettant de vérifier la fiabilité de la signature électronique portée sur l’acte de cautionnement en date du 29 juin 2021 ». Une telle carence probatoire fait obstacle à l’attribution certaine de la signature à la personne se portant caution.
Ensuite, l’acte ne contient pas la mention exigée exprimant « de façon explicite et non équivoque la connaissance » de la nature et de l’étendue de l’engagement. L’absence de cette formule, qui concentre l’information sur le coût de l’engagement et sa révision, prive l’acte de la solennité requise par le législateur en matière de logement d’habitation.
Au regard de ces deux défauts, la sanction s’impose sans démonstration d’un grief particulier. Le jugement déclare en conséquence le cautionnement nul et « rejette les demandes formées » contre la personne assignée comme caution. La solution, ferme, s’inscrit dans une logique de protection de la caution personne physique et de sécurisation des engagements.
B. Portée pratique et enseignements pour la pratique locative
L’enseignement probatoire de l’affaire est net. La production d’un certificat de signature ou d’un fichier de preuve délivré par le prestataire de confiance, corrélé à l’acte archivé, devient un pivot probatoire incontournable. À défaut, la signature électronique n’emporte pas la certitude requise, quand bien même l’acte porterait matériellement un paraphe numérique et une date.
L’exigence matérielle de contenu demeure tout aussi décisive. L’acte doit faire apparaître le montant du loyer, ses conditions de révision, et une mention claire et non équivoque sur la portée de l’engagement. À défaut de cette mention, la nullité d’ordre public s’applique de plein droit, ainsi que le rappelle la formule selon laquelle « ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement ».
La portée de la décision est double. Elle confirme d’abord l’office du juge des contentieux de la protection, qui vérifie concrètement le respect des diligences préalables et la stricte réunion des conditions d’une clause résolutoire. Elle réaffirme ensuite que la charge de la preuve pèse sur le créancier, conformément à l’énoncé selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver », spécialement lorsqu’il sollicite l’engagement accessoire d’une caution.
Sur le terrain économique, l’arrêt, en validant l’indemnité d’occupation au niveau du dernier loyer charges comprises, aligne réparation et valeur locative sans créer de pénalité autonome. Sur le terrain de la sécurité contractuelle, il incite les bailleurs à auditer leurs parcours de signature électronique et leurs trames d’actes, afin d’éviter des nullités automatiques particulièrement coûteuses.
En définitive, la cohérence de l’ensemble tient à l’articulation d’un formalisme protecteur et d’un contrôle probatoire rigoureux. La résiliation naît de conditions clairement accomplies, tandis que l’engagement de caution, dépourvu de garanties formelles et techniques, ne peut survivre au contrôle du juge. La décision, en retenant ces deux axes, éclaire utilement la pratique des baux d’habitation et des garanties personnelles.