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L’ordonnance rendue le 20 juin 2025 par le juge du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté du tribunal judiciaire de Limoges illustre le difficile équilibre entre protection de la personne et respect de sa liberté individuelle en matière de soins psychiatriques sans consentement. En l’espèce, une patiente avait été admise en soins psychiatriques à la demande d’un tiers, son père, après une intoxication médicamenteuse volontaire survenue alors qu’elle se trouvait déjà hospitalisée en soins libres. Elle avait tenté de sortir contre avis médical. Le directeur de l’établissement hospitalier a saisi le juge aux fins de contrôle de la mesure d’hospitalisation complète, conformément à l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. La patiente, représentée par avocat, sollicitait la mainlevée de cette mesure, arguant de sa capacité à consentir aux soins et de l’absence de risque de nouveau passage à l’acte. Le juge devait déterminer si les conditions justifiant le maintien de l’hospitalisation complète demeuraient réunies. Il a autorisé la poursuite de la mesure, considérant qu’il apparaissait « prématuré d’envisager qu’il soit mis un terme à la mesure d’hospitalisation complète, laquelle permet une surveillance constante et la poursuite de l’évaluation ». Cette décision conduit à examiner l’office du juge dans le contrôle des mesures d’hospitalisation sans consentement (I), avant d’analyser la portée de l’appréciation médicale dans ce contentieux (II).
I. L’office du juge dans le contrôle des mesures d’hospitalisation sans consentement
Le contrôle juridictionnel des mesures de soins psychiatriques sans consentement répond à une exigence constitutionnelle de protection de la liberté individuelle (A), dont l’effectivité suppose un examen rigoureux de la régularité procédurale (B).
A. Le fondement constitutionnel du contrôle juridictionnel
La loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques a institué un contrôle systématique par l’autorité judiciaire des mesures d’hospitalisation complète. Ce dispositif répond aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, qui avait censuré l’ancien régime de l’hospitalisation d’office au motif qu’il ne garantissait pas l’intervention du juge dans un délai raisonnable. L’article 66 de la Constitution confie en effet à l’autorité judiciaire la garde de la liberté individuelle.
En l’espèce, le juge limogeaud rappelle expressément les textes applicables, visant « la loi 2011-803 du 5 juillet 2011 » et « le décret N° 2011-846 du 18 juillet 2011 ». Cette référence n’est pas purement formelle. Elle traduit la conscience que le magistrat a de sa mission constitutionnelle. La saisine obligatoire du juge avant l’expiration d’un délai de douze jours constitue une garantie fondamentale contre l’arbitraire. Le juge ne se prononce pas sur l’opportunité médicale de l’hospitalisation, mais vérifie que les conditions légales de la mesure sont réunies et que les droits de la personne hospitalisée ont été respectés.
B. L’examen de la régularité procédurale
L’avocat de la patiente « ne soulève aucune irrégularité de procédure ». Cette mention, apparemment anodine, revêt une importance particulière. Le juge des libertés doit en effet vérifier d’office la régularité de la procédure d’admission et de maintien en hospitalisation. Les certificats médicaux doivent avoir été établis dans les délais prescrits par la loi, le tiers demandeur doit justifier de la qualité requise, et la personne hospitalisée doit avoir été informée de ses droits.
L’ordonnance relève que les certificats médicaux ont été « régulièrement établis dans le cadre de la procédure ». Elle mentionne également que la décision d’admission a été prise « à la demande d’un tiers, son père », ce qui satisfait à l’exigence d’un lien de proximité avec la personne hospitalisée. La chronologie des actes est également conforme : admission le 11 juin 2025, prolongation le 13 juin 2025, saisine du juge le 16 juin 2025, audience le 19 juin 2025, décision le 20 juin 2025. Le respect scrupuleux de ces délais conditionne la légalité de la mesure et, partant, le maintien de la personne en hospitalisation complète.
II. La portée de l’appréciation médicale dans le contentieux de l’hospitalisation sans consentement
Le juge s’appuie sur les éléments médicaux pour apprécier la nécessité du maintien de la mesure (A), tout en préservant la possibilité d’une évolution vers des modalités de soins moins contraignantes (B).
A. La déférence du juge à l’égard de l’évaluation médicale
L’ordonnance affirme qu’« il est constant que l’évaluation du consentement relève de la seule compétence médicale comme répondant à des critères particuliers, notamment la capacité à maintenir sa décision dans le temps ». Cette formulation mérite attention. Le juge reconnaît ainsi les limites de son office : il ne lui appartient pas de se substituer au médecin pour apprécier l’état clinique du patient ou la pertinence du traitement proposé.
Les certificats médicaux versés au dossier décrivent une patiente présentant un « trouble de la personnalité borderline », dont « l’adhésion aux soins reste fragile ». Le médecin considère que « les soins psychiatriques sans consentement, sous la forme de l’hospitalisation complète, restent nécessaires pour prolonger la mise à distance et une évaluation et une adaptation thérapeutique ». Le juge reprend cette analyse à son compte en relevant que la patiente « se trouvait déjà prise en charge sous la forme d’une hospitalisation libre lorsqu’elle a absorbé une quantité de médicaments telle que son geste aurait pu s’avérer létal ». Ce constat factuel justifie la prudence adoptée.
B. La perspective d’une évolution des modalités de soins
L’ordonnance ne ferme pas définitivement la porte à une modification de la prise en charge. En jugeant « prématuré » de mettre un terme à l’hospitalisation complète, le juge suggère implicitement qu’une telle décision pourrait intervenir ultérieurement, lorsque l’état de la patiente le permettra. La notion de caractère prématuré implique une appréciation temporelle et non une impossibilité de principe.
L’avocat de la patiente avait exposé que cette dernière « est d’accord pour suivre des soins » et « souhaite qu’ils soient réalisés en hôpital de jour ». Cette demande n’est pas rejetée sur le fond. Elle est écartée au motif que la surveillance constante demeure nécessaire dans l’immédiat. Le programme de soins prévu par l’article L. 3211-2-1 du code de la santé publique pourrait constituer une alternative à l’hospitalisation complète dès lors que l’évaluation aura permis de s’assurer de la stabilité de l’état de la patiente. La décision commentée s’inscrit ainsi dans une logique de gradation des soins, privilégiant temporairement la modalité la plus protectrice avant d’envisager un assouplissement progressif du cadre thérapeutique.