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La décision rendue le 15 juin 2025 par le tribunal judiciaire de Lyon porte sur le contrôle juridictionnel du maintien d’une mesure de contention imposée à un patient hospitalisé sans consentement. Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre du dispositif issu de la loi du 22 janvier 2022 qui a instauré un contrôle systématique du juge des libertés sur les mesures d’isolement et de contention prolongées.
Un patient hospitalisé sans consentement au centre hospitalier du Vinatier fait l’objet d’une mesure de contention depuis le 13 juin 2025 à 8h30. Cette mesure, initialement prescrite par un psychiatre, a été renouvelée à plusieurs reprises. Le 14 juin 2025, le patient a défoncé la porte de son espace de désescalade. Face à la persistance des troubles, un nouveau renouvellement est prescrit le 14 juin 2025 à 22h49 après évaluation clinique. Le directeur de l’établissement saisit le juge le 15 juin 2025 aux fins de maintien de la mesure.
La question posée au juge était celle de savoir si les conditions légales du maintien exceptionnel d’une mesure de contention au-delà de quarante-huit heures étaient réunies, conformément aux exigences de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique.
Le tribunal judiciaire de Lyon autorise le maintien de la mesure de contention. Il relève que la mesure initiale a été prise par décision motivée d’un psychiatre et apparaît adaptée, nécessaire et proportionnée. Il constate que les renouvellements successifs ont respecté les durées maximales de six heures et fait l’objet d’une surveillance tracée. Il retient enfin que le certificat médical du 14 juin 2025 caractérise suffisamment le risque de dommage imminent en mentionnant « la persistance d’une tension interne et d’un risque de passage à l’acte hétéro-agressif majeurs malgré l’engagement du processus de désescalade ».
Cette décision illustre la mise en œuvre concrète du contrôle juridictionnel des mesures privatives de liberté au sein des établissements psychiatriques. Elle conduit à examiner successivement les contours du contrôle opéré par le juge sur ces mesures exceptionnelles (I), puis la portée de l’exigence de motivation médicale dans ce contentieux (II).
I. Les contours du contrôle juridictionnel sur les mesures de contention
Le juge définit avec précision les limites de son office (A) tout en vérifiant le respect du formalisme procédural imposé par le législateur (B).
A. La délimitation de l’office du juge
Le tribunal rappelle un principe essentiel : « le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins ». Cette formule circonscrit strictement le périmètre du contrôle juridictionnel. Le juge n’apprécie pas l’opportunité médicale de la mesure mais vérifie sa conformité aux critères légaux.
Cette autolimitation trouve sa justification dans la séparation des compétences entre l’autorité judiciaire et l’autorité médicale. Le psychiatre demeure seul compétent pour évaluer l’état clinique du patient et prescrire les mesures thérapeutiques appropriées. Le juge contrôle en revanche que cette prescription respecte le cadre légal posé par l’article L3222-5-1 du code de la santé publique.
Le tribunal précise qu’il opère « un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I » dudit article. Ces critères sont au nombre de trois : la mesure doit être adaptée, nécessaire et proportionnée au risque. Le contrôle exercé s’apparente ainsi à un contrôle de légalité externe et interne, sans jamais glisser vers un contrôle d’opportunité qui empiéterait sur le domaine médical.
B. La vérification du formalisme procédural
L’ordonnance détaille minutieusement le respect des exigences formelles. La mesure initiale a été prise « par une décision motivée » d’un psychiatre. Les renouvellements ont respecté les durées maximales de six heures. La surveillance a été « confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical ».
Le législateur a imposé un encadrement temporel strict de ces mesures. La contention ne peut excéder six heures renouvelables, dans la limite de vingt-quatre heures. Au-delà, un renouvellement exceptionnel est possible mais impose la saisine du juge avant l’expiration de la quarante-huitième heure. Le juge doit statuer avant la soixante-douzième heure.
L’ordonnance mentionne également l’impossibilité de délivrer les informations prévues au premier alinéa du II de l’article L3222-5-1. Ce texte impose d’informer au moins un membre de la famille ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient. Cette mention révèle une difficulté pratique fréquente dans ce contentieux.
II. L’exigence de motivation médicale comme garantie des droits du patient
La caractérisation du risque de dommage constitue le cœur de la motivation exigée (A), tandis que la proportionnalité de la mesure doit être appréciée au regard des circonstances de l’espèce (B).
A. La caractérisation du risque de dommage
Le tribunal relève que le certificat médical du 14 juin 2025 « décrit l’existence de troubles mentaux rendant nécessaire ce maintien au delà de la durée susvisée pour prévenir un dommage immédiat ou imminent ». La notion de dommage immédiat ou imminent constitue la condition substantielle de toute mesure de contention.
Le juge précise que ce risque « apparaît caractérisé » par la mention de « la persistance d’une tension interne et d’un risque de passage à l’acte hétéro-agressif majeurs ». Cette formulation médicale traduit un état clinique précis. La tension interne renvoie à une agitation psychomotrice difficilement contrôlable. Le risque hétéro-agressif désigne la possibilité d’un passage à l’acte violent envers autrui.
L’ordonnance relève en outre un élément factuel déterminant : le patient a « défoncé la porte de son EDI le 14 juin 2025 ». Cet élément objectif corrobore l’évaluation médicale subjective. Il démontre la réalité du danger et la matérialité du risque invoqué par le praticien.
B. L’appréciation de la proportionnalité
Le tribunal constate que la mesure de contention a été prise « dans le cadre de la mesure d’isolement ». Cette mention révèle que la contention s’inscrit dans un dispositif gradué. L’isolement constitue une première réponse à l’agitation. La contention intervient comme mesure complémentaire lorsque l’isolement seul s’avère insuffisant.
L’ordonnance souligne également « l’engagement du processus de désescalade » mentionné dans le certificat médical. Cette précision est significative. Elle indique que l’équipe médicale cherche activement à lever la mesure et ne la maintient que par nécessité. La contention n’est pas une fin en soi mais une mesure transitoire.
Le législateur a qualifié l’isolement et la contention de « pratiques de dernier recours ». Cette qualification implique une subsidiarité de ces mesures par rapport aux autres modes de prise en charge. Le juge doit vérifier que les alternatives ont été envisagées. En l’espèce, la mention du processus de désescalade atteste de cette recherche d’alternatives. L’autorisation du maintien traduit une confiance raisonnée dans l’appréciation médicale, tout en rappelant que cette mesure exceptionnelle demeure soumise au contrôle permanent du juge gardien des libertés individuelles.