Tribunal judiciaire de Lyon, le 16 juin 2025, n°25/00567

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Le tribunal judiciaire de Lyon, par ordonnance de référé du 16 juin 2025, se prononce sur une demande de suspension d’un contrat de prêt immobilier fondée sur l’article L 313-44 du Code de la consommation. L’emprunteur avait souscrit, en octobre 2021, un crédit destiné à l’acquisition d’un lot en copropriété. Des infiltrations d’eau et des désordres structurels ont été révélés en 2022, conduisant à l’arrêt des travaux de rénovation. Une expertise a été ordonnée le 23 mai 2023 dans une instance engagée contre le réhabilitateur de l’immeuble, tandis qu’une action au fond est pendante devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse. L’établissement de crédit n’a pas comparu à l’instance de référé. Il était demandé la suspension du prêt à compter de la première échéance impayée jusqu’à l’issue de l’instance au fond, outre des demandes accessoires.

La juridiction rappelle que « En l’absence du défendeur, il n’est fait droit à la demande que si elle est recevable, régulière et bien fondée ». Elle constate que l’acte de prêt stipule une destination « acquisition » et « achat », sans mention d’un financement de travaux. Elle relève l’absence de preuve d’un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d’œuvre ou d’entreprise au sens du texte, et précise que l’arrêt des travaux résulte de désordres structurels indépendants de l’exécution d’un contrat de travaux. La question posée était donc de savoir si la suspension du prêt peut être ordonnée lorsque le crédit ne finance pas, selon sa lettre, des « ouvrages ou des travaux » au moyen de l’un des contrats visés par l’article L 313-44, et lorsque l’arrêt du chantier n’est pas lié à l’exécution d’un tel contrat. La juridiction répond négativement, jugeant que « Les conditions prévues à l’article précité n’étant pas remplies », la demande doit être rejetée, les dépens restant à la charge du demandeur.

I. Délimitation du champ d’application de l’article L 313-44

A. La destination contractuelle des fonds comme condition textuelle

La décision retient que « Le contrat stipule en effet quant à la destination des fonds “acquisition” et “achat”, et il n’est pas mentionné qu’il serait destiné à financer des travaux ». Le texte exige, en termes clairs, que l’acte constate un prêt « destiné à financer des ouvrages ou des travaux immobiliers » au moyen d’un contrat précisément identifié. L’ordonnance opère une lecture stricte du libellé du prêt, en exigeant une concordance entre l’objet stipulé et l’assiette de la protection. Elle refuse d’élargir la notion de destination aux besoins réels de l’opération lorsque l’acte limite la finalité au seul achat. Cette approche s’inscrit dans la lettre de l’article L 313-44, qui subordonne l’exception de suspension à une affectation du prêt objectivée par l’acte et à l’existence d’un des contrats énumérés.

La méthode est cohérente avec l’économie du régime, conçu pour neutraliser provisoirement la charge financière d’un crédit adossé à des travaux litigieux, et non pour couvrir un financement d’acquisition autonome. Elle pose une exigence probatoire ferme à l’emprunteur, tenu de produire un acte de prêt mentionnant la destination “travaux” et un contrat d’entreprise, de promotion, de maîtrise d’œuvre ou de construction, sans quoi la garantie ne s’active pas.

B. Le lien causal avec l’exécution d’un contrat de travaux

La juridiction souligne ensuite que « l’arrêt des travaux n’est pas dû à un litige en lien avec l’exécution d’un contrat destiné à leur réalisation ». Elle ajoute que « Il s’avère en fait que la structure même de l’immeuble est menacée », ce qui explique l’impossibilité de poursuivre le chantier. Le raisonnement dissocie l’origine des difficultés (désordres structurels de l’immeuble) de la sphère contractuelle visée par le texte (exécution d’un contrat de travaux). L’article L 313-44 requiert des « contestations ou accidents » affectant l’exécution d’un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d’œuvre ou d’entreprise. À défaut de ce lien direct, la mesure de suspension perd sa justification légale.

Cette interprétation canalise la suspension vers les hypothèses où le différend porte sur les relations contractuelles de réalisation de l’ouvrage financé par le prêt, et non sur des vices antérieurs ou extérieurs à ces relations. Elle évite de transformer l’article L 313-44 en instrument général de gestion de risques immobiliers, qui relèveraient d’autres régimes de responsabilité, d’assurance ou de garanties légales propres à l’immeuble.

II. Valeur et portée de la solution retenue en référé

A. Un contrôle de la “bien-fondé” en défense défaillante, circonscrit par le texte

La décision rappelle, à bon droit, que « En l’absence du défendeur, il n’est fait droit à la demande que si elle est recevable, régulière et bien fondée ». L’office du juge des référés impose, en outre, de ne jamais heurter une contestation sérieuse. Ici, la juridiction ne s’arrête pas à l’urgence alléguée, mais vérifie d’abord l’applicabilité du fondement spécial. Elle écarte la mesure faute de satisfaire les conditions cumulatives du texte, sans spéculer sur la situation financière de l’emprunteur ni sur l’équité. La motivation, brève, demeure centrée sur la lettre de l’acte de prêt et sur l’absence d’un contrat de travaux pertinent, ce qui confère à l’ordonnance une lisibilité conforme à l’exigence de prévisibilité.

Ce choix préserve la sécurité juridique des prêts d’acquisition qui ne comportent pas, selon l’acte, de composante “travaux” éligible. Il rappelle que la défaillance du défendeur ne desserre ni la charge probatoire de l’emprunteur, ni l’examen du bien-fondé exigé en référé. La solution, en ce sens, réaffirme la nature exceptionnelle de la suspension judiciaire des obligations de remboursement.

B. Conséquences pratiques et lignes directrices pour les opérations mixtes

La portée pratique est nette pour les acquisitions avec rénovation. À défaut d’une stipulation expresse de destination “travaux” et d’un ancrage dans l’un des contrats visés, la suspension sur le fondement de l’article L 313-44 n’est pas accessible. Les praticiens doivent, lors du montage, veiller à l’alignement des documents: acte de prêt mentionnant le financement de travaux, contrat d’entreprise ou de maîtrise d’œuvre, et pièces attestant que les difficultés affectent l’exécution de ce contrat. À défaut, l’emprunteur demeure renvoyé à d’autres voies, notamment l’action au fond contre les intervenants à l’acte de réhabilitation, et, le cas échéant, des mesures conservatoires ou d’instruction adaptées.

L’ordonnance trace aussi une limite utile pour les contentieux liés aux désordres structurels. Lorsque l’arrêt de chantier résulte d’un risque global pesant sur l’immeuble, détaché de la relation contractuelle de travaux financés par le prêt, l’outil de l’article L 313-44 n’est pas approprié. Cette ligne, fidèle à la lettre du texte, invite à distinguer les contentieux “contrat de travaux” des difficultés “état de l’immeuble”, afin d’ajuster le fondement procédural et les mesures sollicitées à la configuration exacte de l’opération et des désordres.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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