Tribunal judiciaire de Lyon, le 18 juin 2025, n°25/02308

Le tribunal judiciaire de Lyon a rendu, le 18 juin 2025, une ordonnance relative à une première demande de prolongation d’une rétention administrative. Une obligation de quitter le territoire a été notifiée le 13 mars 2023. L’autorité administrative a ordonné un placement en rétention le 15 juin 2025, puis a saisi le juge le 17 juin 2025 d’une requête tendant à une prolongation de vingt-six jours.

L’audience s’est tenue publiquement. Le retenu a été assisté par un avocat et un interprète, l’autorité administrative étant représentée. Le ministère public n’était ni présent ni représenté. Les pièces de la procédure ont été versées au débat et mises à disposition avant l’ouverture des discussions.

La question posée au juge était double et classique en matière de première prolongation sous le CESEDA. Il s’agissait d’abord de vérifier la recevabilité de la saisine et la régularité des garanties procédurales. Il convenait ensuite d’apprécier si les critères légaux de prolongation étaient réunis, au regard des garanties de représentation et de la nécessité de mesures de surveillance.

Le juge a déclaré la requête recevable, a constaté la régularité de la procédure et des droits notifiés, puis a ordonné la prolongation pour vingt-six jours. La décision énonce notamment: « DECLARONS la requête en prolongation de la rétention administrative recevable ; ». L’analyse portera d’abord sur le contrôle de la recevabilité et des garanties procédurales, avant d’examiner la justification de la prolongation au regard des critères légaux.

I. Le contrôle de la recevabilité et des garanties procédurales

A. Conditions de saisine et accès au dossier

Le juge vérifie d’abord la régularité formelle de la saisine, qui conditionne son office en matière de privation de liberté. L’ordonnance rappelle, en des termes précis, que « Attendu que la requête de l’autorité administrative est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles dont la copie du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA ; ». Cette mention atteste du respect des exigences de forme, lesquelles garantissent la traçabilité de la mesure et la réalité du contrôle juridictionnel.

La mise à disposition effective des pièces au défenseur du retenu constitue l’autre pilier procédural. Le juge constate que « Attendu que la requête et les pièces qui y sont jointes ont, dès leur arrivée au greffe, été mises à disposition de l’avocat de l’intéressé et ont pu être consultées avant l’ouverture des débats par l’étranger lui-même, assisté le cas échéant par un interprète ; ». Cette formulation, détaillée et circonstanciée, montre que le contradictoire a été ménagé sans délai, ce qui répond aux standards d’un débat utile.

Ces deux constats emportent une conséquence immédiate sur l’économie de la décision. La recevabilité de la requête et la loyauté de la procédure ne prêtant pas à discussion, le juge peut se consacrer au fond du contrôle, centré sur les conditions matérielles de la prolongation.

B. Information des droits et assistance effective

Le contentieux de la rétention exige un contrôle attentif des droits individuels, dès l’arrivée en centre. L’ordonnance relève que « Attendu que l’intéressé s’est vu notifier les droits qui lui sont reconnus conformément aux dispositions des articles L. 742-2, 743-9 et 743-24 du CESEDA ; ». La mention expresse des textes applicables, jointe à l’attestation d’une notification compréhensible, valide la phase initiale d’information.

La présence d’un avocat et d’un interprète, tel que rappelé dans le déroulement de l’audience, confirme l’effectivité de ces droits. La combinaison de l’assistance juridique et linguistique vise à assurer des explications suffisamment claires et la possibilité d’une contestation utile. L’audience publique parachève cette garantie, dans le respect des principes directeurs du procès.

Sur ce socle procédural consolidé, la décision franchit la seconde étape du contrôle. Le juge examine alors la réunion des critères matériels permettant de priver plus longtemps l’intéressé de sa liberté au sein du cadre strict fixé par le CESEDA.

II. La justification de la prolongation au regard des critères légaux

A. Absence de garanties suffisantes et nécessité de surveillance

Le cœur du raisonnement porte sur l’existence de garanties de représentation et la perspective d’exécution de l’éloignement. La motivation retient que « Attendu que la situation de l’intéressé justifie la prolongation de la mesure de rétention en ce que l’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre, que des mesures de surveillance sont nécessaires ; ». La formule, usuelle, rattache clairement la décision aux critères posés pour la première prolongation.

L’exigence légale conduit le juge à apprécier la crédibilité d’un éloignement dans un délai raisonnable, en tenant compte du comportement du retenu et des diligences administratives. La décision privilégie ici l’argument des garanties insuffisantes, sans détailler davantage le faisceau d’indices. Le choix d’une durée de vingt-six jours s’inscrit dans l’épure des délais légalement admissibles pour une première prolongation.

Cette articulation met en évidence l’équilibre recherché entre efficacité de l’éloignement et sauvegarde de la liberté individuelle. Le juge accepte la prolongation, estimant que le contrôle de surveillance demeure nécessaire, faute d’alternative moins attentatoire et suffisamment fiable.

B. Portée et exigences de motivation individualisée

La portée de l’ordonnance tient à la sobriété de ses motifs et à leur adéquation minimale aux standards de motivation individualisée. La décision rappelle le cadre procédural avec précision, et expose la raison matérielle de la prolongation par une formule synthétique. Elle indique par ailleurs les modalités de son prononcé: « Statuant par mise à disposition au greffe, après débat en audience publique, en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire ; ». Cette précision situe utilement la décision dans son régime contentieux.

On peut toutefois relever que l’argument des « garanties insuffisantes » n’est pas étayé par des éléments concrets propres à l’espèce, tels qu’une domiciliation, des attaches, des documents d’identité, ou l’état des diligences consulaires. Une motivation plus circonstanciée aurait renforcé la démonstration d’une nécessité actuelle et proportionnée, conformément à l’exigence d’individualisation qui irrigue ce contentieux.

La solution n’en demeure pas moins conforme à la structure du contrôle opéré pour une première prolongation. Le juge confirme l’armature procédurale, puis retient la nécessité d’une surveillance faute de garanties. Elle illustre une pratique jurisprudentielle stable, où la brièveté des motifs est admise dès lors que l’ensemble des garanties procédurales a été respecté et que l’objectif d’éloignement reste réalisable dans le temps utile.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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