Tribunal judiciaire de Lyon, le 19 juin 2025, n°21/01380

Le désistement d’instance constitue l’une des manifestations les plus abouties du principe dispositif en procédure civile. Par cette technique, le demandeur exprime sa volonté d’abandonner le cours de l’instance qu’il a lui-même initiée, sans renoncer pour autant à l’action elle-même.

Le Tribunal judiciaire de Lyon, par ordonnance du 19 juin 2025, a eu à connaître d’un tel désistement. Une société avait engagé une instance devant le pôle social de cette juridiction à l’encontre d’un organisme. Le 23 mai 2025, la société demanderesse a déclaré se désister de sa demande. La partie défenderesse, dispensée de comparution, a accepté expressément ce désistement.

La question soumise au tribunal était celle de savoir si les conditions du désistement d’instance étaient réunies pour permettre au juge de constater l’extinction de l’instance tout en préservant le droit d’agir du demandeur.

Le pôle social du Tribunal judiciaire de Lyon a pris acte du désistement, constaté l’extinction de l’instance et rappelé que cette constatation ne faisait pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance si l’action n’était pas éteinte par ailleurs, conformément à l’article 385 du Code de procédure civile.

Cette décision invite à examiner le régime du désistement d’instance tel qu’encadré par le Code de procédure civile (I), avant d’analyser les effets que le tribunal tire de ce désistement sur la situation procédurale des parties (II).

I. Le régime procédural du désistement d’instance

Le tribunal applique les dispositions du Code de procédure civile relatives au désistement en vérifiant tant la recevabilité de l’acte (A) que les conditions de son acceptation (B).

A. La liberté de principe du demandeur de renoncer à l’instance

Le tribunal vise expressément « l’article 394 du Code de procédure civile selon lequel le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Cette formulation reproduit la règle fondamentale qui gouverne le désistement d’instance.

L’article 394 consacre un droit unilatéral du demandeur. Celui-ci peut, à tout moment de la procédure, abandonner l’instance qu’il a engagée. Ce droit trouve son fondement dans la maîtrise que les parties exercent sur le lien d’instance. Le demandeur qui a pris l’initiative du procès conserve la faculté d’y mettre fin.

La décision constate simplement « la déclaration de désistement de la société […] en date du 23 mai 2025 ». Le tribunal ne porte aucune appréciation sur les motifs de ce désistement. La liberté du demandeur est entière et le juge n’a pas à rechercher les raisons qui l’ont conduit à renoncer à poursuivre l’instance.

B. L’acceptation du défendeur comme condition de perfection

Le tribunal relève « l’acceptation explicite de la partie défenderesse ». Cette mention renvoie aux exigences posées par l’article 395 du Code de procédure civile. Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf si celui-ci n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.

En l’espèce, le défendeur a expressément accepté le désistement. Cette acceptation explicite lève toute difficulté quant à la perfection de l’acte. Le tribunal n’a pas eu à rechercher si le défendeur avait ou non conclu au fond avant le désistement.

L’exigence d’acceptation protège les intérêts du défendeur. Celui qui a engagé des frais pour se défendre peut légitimement souhaiter obtenir une décision sur le fond. Le législateur lui reconnaît ainsi un droit de s’opposer au désistement dans certaines hypothèses. Lorsque l’acceptation est donnée, comme en l’espèce, le désistement devient irrévocable et produit ses effets de plein droit.

II. Les effets du désistement sur la situation des parties

Le tribunal tire du désistement parfait une double conséquence, portant sur l’extinction de l’instance (A) et sur la préservation du droit d’agir (B).

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge

Le dispositif de l’ordonnance « constate l’extinction d’instance ». Cette formulation traduit la nature déclarative de l’intervention du juge. Le tribunal ne prononce pas l’extinction, il la constate. Le désistement accepté emporte par lui-même extinction de l’instance.

Le juge se trouve dessaisi du litige. Il ne peut plus statuer sur les prétentions qui lui avaient été soumises. Les actes de procédure accomplis deviennent caducs. L’instance s’éteint rétroactivement et les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant l’introduction de la demande.

Cette extinction constitue l’effet normal du désistement d’instance, distinct du désistement d’action. Le demandeur renonce à poursuivre cette instance particulière, non à exercer ultérieurement les droits dont il se prévalait.

B. La réserve du droit d’introduire une nouvelle instance

Le tribunal précise que « la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs ». Cette mention reproduit la substance de l’article 385 du Code de procédure civile, expressément visé.

Cette réserve distingue le désistement d’instance du désistement d’action. Le premier éteint le lien d’instance sans affecter le droit substantiel. Le second emporte renonciation au droit d’agir lui-même. En l’espèce, seule l’instance est abandonnée.

Le tribunal prend soin de rappeler la condition tenant à ce que l’action ne soit pas éteinte par ailleurs. La prescription, la chose jugée ou toute autre cause d’extinction du droit d’agir pourraient faire obstacle à une nouvelle demande. Le juge ne tranche pas cette question. Il se borne à rappeler que le désistement d’instance, en lui-même, ne prive pas le demandeur de la faculté de saisir à nouveau une juridiction du même litige.

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Hassan KOHEN
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