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Par une ordonnance rendue le 19 juin 2025, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Lyon, statuant sur requête sur le fondement des articles L. 742-8 et R. 742-2 du CESEDA, a ordonné la mainlevée d’un placement en rétention administrative. La décision intervient à la suite d’une troisième prolongation prononcée le 14 juin 2025 et d’une déclaration d’appel adressée le 16 juin 2025, demeurée sans audiencement. La question principale porte sur l’office du juge saisi d’une demande de mise en liberté lorsqu’un recours a été formé mais n’a pas donné lieu à audience dans un délai bref.
Les faits utiles tiennent à la situation de l’intéressé, retenu depuis le 16 avril 2025 dans des locaux non pénitentiaires. L’ordonnance relève expressément: « Attendu que l’intéressé est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 16 avril 2025 ». Elle constate aussi la régularité initiale de l’information sur les droits lors du maintien, en se référant au registre prévu par le texte réglementaire.
La procédure a été marquée, après la prolongation du 14 juin 2025, par le dépôt d’une déclaration d’appel auprès de la Cour d’appel, puis par une requête en mainlevée adressée le 18 juin 2025. Il n’est pas discuté qu’aucune audience d’appel n’a été tenue dans l’intervalle. La décision le formule ainsi: « Attendu que l’absence d’audience tenue devant la Cour d’appel suite à l’ordonnance rendue en première instance le 14 juin 2025 n’est pas contestée ; qu’il s’agit d’un élément de droit nouveau depuis ladite ordonnance, de sorte que la demande de l’intéressé est recevable ; ».
Les prétentions étaient tranchées autour de deux thèses. D’un côté, l’intéressé invoquait un défaut d’accès effectif au juge d’appel et sollicitait la remise en liberté. De l’autre, l’administration soutenait l’incompétence du juge saisi pour connaître d’une difficulté relative à la procédure d’appel. Le problème de droit revenait à déterminer si l’absence d’audiencement, dans un délai rapproché après la déclaration d’appel, constitue un élément nouveau justifiant la mainlevée au regard de l’exigence d’un contrôle juridictionnel effectif.
La juridiction a admis la recevabilité de la requête comme fondée sur un élément nouveau et a constaté le défaut d’audiencement. Elle précise: « Que si le juge saisi de la demande de mise en liberté n’est pas compétent pour apprécier la recevabilité dudit appel, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut qu’être constaté que la déclaration d’appel de l’intéressé n’a pas été suivie d’un audiencement ». En se plaçant « conformément à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit qu’a toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, », elle ordonne la mise en liberté immédiate, l’absence de réexamen dans les cinq jours caractérisant un défaut d’accès au juge. L’analyse du sens, puis l’appréciation de la valeur et de la portée de cette solution s’imposent.
I. Le sens de la décision: l’élément nouveau et l’office du juge des libertés
A. La qualification d’élément nouveau ouvrant la voie de la mainlevée
La décision retient que l’absence d’audience d’appel constitue un élément de droit nouveau survenu postérieurement à la prolongation. Cette qualification fonde la recevabilité de la requête au titre du contrôle incident de la régularité persistante de la rétention. La base textuelle est rappelée: « Vu les articles L. 742-8 et R. 742-2 du CESEDA ; ». Le premier organise la faculté de saisir le juge, à tout moment, en présence d’éléments nouveaux affectant la légalité ou l’effectivité de la mesure privative de liberté. Le second encadre la traçabilité des diligences et l’information de l’intéressé, utiles à l’appréciation de la régularité.
En estimant que l’absence d’audiencement, malgré une déclaration d’appel, modifie substantiellement le contexte juridique de la privation, le juge objective le caractère nouveau de la situation. Il ne revient pas sur l’ordonnance de prolongation elle-même, mais vérifie la persistance de garanties procédurales nécessaires au maintien de la rétention, ce qui s’inscrit dans un contrôle continu et concret.
B. L’articulation compétence/incompétence et le constat du défaut d’audiencement
L’ordonnance trace une limite claire de compétence tout en opérant un constat décisif. Elle affirme: « Que si le juge saisi de la demande de mise en liberté n’est pas compétent pour apprécier la recevabilité dudit appel, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut qu’être constaté que la déclaration d’appel de l’intéressé n’a pas été suivie d’un audiencement ». Le juge ne tranche donc pas une question relevant de la Cour d’appel, mais vérifie un fait procédural objectif: l’absence d’audience, malgré un recours régulièrement déclaré selon les pièces produites.
Ce constat emporte une conséquence propre au contentieux de la rétention: une privation de liberté ne peut se prolonger sans la garantie d’un réexamen juridictionnel effectif dans un délai bref. Le juge des libertés n’empiète pas sur le contrôle d’appel; il prévient, par la mainlevée, la consolidation d’une privation qui, sans audience, perd son ancrage dans un contrôle juridictionnel actualisé.
II. Valeur et portée: effectivité du recours et exigences systémiques
A. Le fondement conventionnel et l’exigence d’un réexamen rapide
La décision arrime la solution à l’exigence conventionnelle d’accès au juge: « conformément à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit qu’a toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, ». En matière de privation de liberté, l’exigence d’un contrôle rapide et effectif s’impose avec une acuité particulière. L’ordonnance mentionne l’absence de « ré-examen » dans le délai de cinq jours, seuil révélateur de l’urgence propre à ce contentieux.
On peut discuter le choix de l’article 6, quand l’exigence d’un contrôle prompt de la détention relève classiquement de l’article 5 § 4 de la Convention. Toutefois, l’argumentation conserve sa force: quelle que soit la base conventionnelle mobilisée, l’absence d’audiencement vide de sa substance le recours et affecte la légalité maintenue de la privation. La mainlevée rétablit l’équilibre en assurant l’effectivité du droit au juge.
B. Les conséquences pratiques: sécurisation de l’audiencement et cohérence des délais
La solution exerce une pression normative sur l’organisation des audiences d’appel en rétention. En l’absence d’audiencement dans un délai rapproché, la liberté redevient la règle, la rétention l’exception strictement encadrée. Un tel rappel renforce la diligence attendue des greffes et des juridictions pour recevoir les déclarations par les moyens disponibles et fixer audience sans retard excessif.
La portée est immédiatement protectrice et préventive d’irrégularités persistantes. Elle n’altère pas le principe selon lequel l’appel n’est pas suspensif, mais elle neutralise les effets d’un recours dépourvu d’effectivité concrète. La vigilance demeure toutefois nécessaire sur l’articulation des délais procéduraux et des transmissions matérielles des actes, afin d’éviter que des incertitudes techniques ne conduisent, de facto, à un déni d’accès au juge et n’imposent, par ricochet, des mainlevées correctrices.