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L’article 394 du Code de procédure civile consacre une prérogative procédurale essentielle : le droit pour tout demandeur de se désister de sa demande afin de mettre fin à l’instance. Ce mécanisme, expression de la maîtrise des parties sur le procès civil, soulève des questions relatives à ses conditions de mise en œuvre et à ses effets sur le litige.
Le Tribunal judiciaire de Lyon, dans un jugement rendu le 20 juin 2025, illustre le régime du désistement d’instance devant le pôle social.
Un particulier avait introduit une instance devant le pôle social du Tribunal judiciaire de Lyon à l’encontre d’un organisme de sécurité sociale. Par déclaration en date du 22 mai 2025, le demandeur a manifesté sa volonté de se désister de sa demande.
Le tribunal, statuant en formation collégiale composée d’une présidente et de deux assesseurs représentant respectivement le collège employeur et le collège salarié, était saisi de cette déclaration de désistement. Le défendeur n’a pas comparu et n’était pas représenté à l’audience.
La question posée au tribunal était celle des effets du désistement d’instance unilatéral du demandeur sur le sort de la procédure engagée.
Le Tribunal judiciaire de Lyon prend acte du désistement, constate l’extinction de l’instance et précise que cette extinction « ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs ».
Le désistement d’instance constitue un mode d’extinction du lien d’instance qui préserve le droit d’action du demandeur (I), tout en obéissant à un régime procédural destiné à garantir la sécurité juridique des parties (II).
I. Le désistement d’instance, mode d’extinction préservant le droit d’action
Le désistement d’instance se distingue du désistement d’action par ses effets limités au cadre procédural (A), ce qui autorise le demandeur à réintroduire ultérieurement une nouvelle instance (B).
A. La distinction fondamentale entre désistement d’instance et désistement d’action
Le tribunal vise expressément l’article 394 du Code de procédure civile qui dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Cette formulation révèle la nature du désistement d’instance : il s’agit d’un acte de volonté unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre la procédure qu’il a engagée.
Le désistement d’instance doit être soigneusement distingué du désistement d’action prévu à l’article 384 du même code. Le désistement d’action emporte renonciation au droit substantiel invoqué et interdit définitivement toute nouvelle demande fondée sur ce droit. Le désistement d’instance, lui, n’affecte que le cadre procédural. Le demandeur abandonne la procédure en cours sans renoncer à son droit d’agir en justice.
Cette distinction se trouve confirmée par la référence expresse du tribunal à l’article 385 du Code de procédure civile. En précisant que l’extinction de l’instance « ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance », la juridiction rappelle que le droit d’action demeure intact après un désistement d’instance.
B. La préservation de la faculté de réintroduire l’instance
Le tribunal prend soin d’assortir son constat d’extinction d’une réserve significative : la possibilité de réintroduire une nouvelle instance existe « si l’action n’est pas éteinte par ailleurs ». Cette formule renvoie aux causes d’extinction du droit d’action qui sont extérieures au désistement lui-même.
La prescription constitue la principale limite à cette faculté de réintroduction. Le délai de prescription n’est pas interrompu par une demande en justice si le demandeur se désiste ultérieurement de cette demande. Le demandeur qui se désiste doit donc s’assurer que son droit n’est pas prescrit avant d’envisager une nouvelle action.
D’autres obstacles peuvent empêcher la réintroduction de l’instance. L’autorité de la chose jugée attachée à une décision antérieure, la transaction, ou encore la renonciation expresse au droit substantiel interdiraient au demandeur de saisir à nouveau la juridiction. Le tribunal, en rappelant cette réserve, invite le demandeur à la prudence dans l’analyse de sa situation juridique.
II. Le régime procédural du désistement d’instance en matière sociale
Le désistement d’instance obéit à des règles de forme qui varient selon l’attitude du défendeur (A), et produit un effet principal de dessaisissement de la juridiction (B).
A. Les conditions de validité du désistement unilatéral
Le jugement mentionne une « déclaration de désistement » formalisée par le demandeur le 22 mai 2025. L’article 394 du Code de procédure civile n’impose aucune forme particulière au désistement. Il peut résulter d’une déclaration écrite adressée au greffe ou être exprimé oralement à l’audience.
L’article 395 du même code prévoit toutefois que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf si celui-ci n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. En l’espèce, le défendeur n’a pas comparu et n’était pas représenté. Cette circonstance dispense le demandeur de recueillir l’acceptation de son adversaire.
Le tribunal pouvait donc constater le désistement sans attendre la manifestation de volonté du défendeur. Cette solution se justifie par l’absence d’intérêt du défendeur à la poursuite de l’instance dès lors qu’il n’a pas investi le procès en présentant des moyens de défense.
B. Le dessaisissement de la juridiction et ses conséquences
Le tribunal constate « l’extinction d’instance » et son propre dessaisissement. Ces deux effets sont indissociables. L’extinction de l’instance signifie que le lien procédural noué entre les parties par la saisine de la juridiction cesse d’exister. Le dessaisissement prive le tribunal du pouvoir de statuer sur le fond du litige.
Le dessaisissement produit des conséquences sur les mesures prises au cours de l’instance. Les actes d’instruction accomplis perdent leur utilité immédiate, même si les éléments de preuve recueillis demeurent exploitables dans une instance ultérieure. Les mesures provisoires ordonnées pendant l’instance cessent en principe de produire leurs effets.
La décision constatant le désistement n’est pas un jugement au fond. Elle ne tranche pas le litige et ne possède pas l’autorité de la chose jugée sur la question de droit débattue. Le tribunal se borne à prendre acte d’une situation procédurale créée par la volonté du demandeur. Cette nature particulière explique que le jugement puisse être qualifié de « jugement de désistement » comme l’indique l’intitulé de la décision.