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Le Tribunal judiciaire de [Localité 7], juge de la mise en état, a rendu le 23 juin 2025 une ordonnance ordonnant une expertise dans un litige né de travaux de rénovation immobilière. La demanderesse se plaint de multiples désordres affectant des ouvrages intérieurs et extérieurs, qu’elle affirme avoir réglés intégralement. Les pièces produites comprennent factures, procès-verbaux de constatations et rapport amiable d’assurance, ainsi qu’un chiffrage de reprises. La société intervenue aux travaux est depuis placée en liquidation judiciaire, son liquidateur ayant été appelé à la cause, tandis que les anciens dirigeants sont attrais en responsabilité. Les défendeurs constitués se sont remis à justice sur l’incident d’expertise.
La procédure révèle une saisine au fond dès mars 2023, suivie d’un appel en cause du liquidateur en octobre 2024, d’une jonction en février 2025 et d’un incident d’expertise introduit à l’automne 2024. À l’audience de mai 2025, le juge de la mise en état, après avoir visé le texte applicable, retient la nécessité d’une mesure préparatoire. L’ordonnance précise d’abord son fondement: « Vu l’article 789 du code de procédure civile ». Elle justifie ensuite la diligence sollicitée par deux motifs brefs et convergents: « Il convient d’ordonner une expertise afin de vérifier la réalité de ces désordres » et, plus largement, afin « de déterminer leurs natures, origines et responsabilités et de déterminer les solutions de reprise ». La question tranchée tient donc à l’opportunité et au périmètre d’une expertise judiciaire, destinée à objectiver l’existence, la gravité et l’imputabilité des désordres, en vue d’éclairer d’éventuelles responsabilités contractuelles ou de nature décennale. La solution est nette: « ORDONNONS une expertise », avec une mission détaillée, des délais, une provision et la réserve des dépens.
I – L’expertise judiciaire décidée par le juge de la mise en état
A – Le contrôle d’opportunité et la finalité probatoire de la mesure
Le juge de la mise en état fait un usage classique de ses pouvoirs d’instruction en considérant que l’expertise présente une utilité certaine pour la manifestation de la vérité. L’ordonnance exprime une justification proportionnée et précise, sans alléguer d’urgence superflue ni devancer le fond. La motivation est concise et suffisante au regard de l’objet de l’instance, auquel la mesure est étroitement arrimée. Elle retient que l’expertise « [doit] vérifier la réalité de ces désordres […] dont la responsabilité est contestée par la partie adverse ». La formule souligne l’enjeu probatoire central: établir ou infirmer la matérialité des défauts et éclairer l’attribution des responsabilités techniques.
La mission d’expertise est structurée pour répondre au besoin de preuve sur les éléments déterminants. L’ordonnance enjoint d’abord à l’expert de « Visiter et examiner les lieux », puis de « Décrire et analyser les désordres allégués […] en déterminer l’origine, la nature et les causes ». La gradation épouse la démarche experte attendue: constat, analyse, causalité. La mesure respecte ainsi le principe du contradictoire, puisqu’un pré-rapport est imposé, l’expert devant « Établir un pré-rapport qui sera soumis à chacune des parties en leur impartissant un délai pour présenter leurs dires ». L’encadrement des échanges et des délais sécurise la lisibilité de la discussion technique, tout en évitant une dérive dilatoire.
B – L’étendue de la mission: cadrage technique et garantie de proportion
Le juge veille à ne pas déléguer au technicien la qualification juridique des faits, tout en lui demandant des éléments utiles à la décision. Cette frontière, essentielle, transparaît dans la clause demandant à l’expert de « Donner toutes informations utiles au magistrat afin qu’il puisse se déterminer sur l’intégralité des désordres qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination et/ou qui en compromettent la solidité ». Le libellé renvoie aux critères légaux sans conférer à l’expert un pouvoir de trancher le droit. L’expert renseigne, le juge qualifie.
L’ordonnance fixe aussi les moyens de circonscrire la mesure dans le temps et le coût. Elle prévoit une consignation substantielle: « FIXONS à 5000 € la provision à consigner […] faute de quoi la présente ordonnance sera caduque ». Elle attribue en outre une date butoir claire: « DISONS que l’expert devra déposer son rapport avant la date du 31 décembre 2025 ». Enfin, la réserve des frais est expressément indiquée: « RESERVONS les dépens ». L’économie de la mission est ainsi maîtrisée, sans priver la demanderesse d’une faculté d’intervention utile « En cas d’urgence reconnue par l’expert », laquelle reste strictement encadrée par un pré-rapport et un constat de bonne fin.
II – Les perspectives de responsabilité éclairées par la mission
A – Les critères de la responsabilité décennale: réception, gravité et temporalité
La mission cible les paramètres décisifs de la garantie décennale. Elle invite l’expert à « Donner son avis sur la date à laquelle le bien était éventuellement en état d’être réceptionné » et à « Dire si les désordres étaient apparents à cette date ». La réception, même tacite, constitue le point de départ et la frontière des garanties légales applicables. Le caractère apparent à la réception, s’il est retenu, pourrait neutraliser la garantie décennale, renvoyant alors vers d’autres fondements.
L’ordonnance demande encore d’apprécier la gravité fonctionnelle des atteintes. L’expert doit « donner toutes informations utiles […] sur l’intégralité des désordres qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination et/ou qui en compromettent la solidité ». La formule recouvre la notion cardinale de désordre décennal. Par ce prisme, la mission distingue implicitement entre malfaçons esthétiques ou mineures, et désordres de nature à engager une garantie lourde. Elle prévoit également l’évaluation des remèdes techniques: « Indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et chiffrer, le cas échéant, le coût des remises en état ». Le chiffrage éclairera l’indemnisation, sans lier juridiquement l’office du juge.
B – Les autres responsabilités et la portée procédurale de l’expertise
La mission embrasse enfin l’imputabilité des défauts et la mesure du préjudice. L’expert est chargé de « Fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices subis ». Cette clause, d’apparence large, ne rompt pas l’équilibre procédural: le technicien n’empiète pas sur la qualification, mais documente la chaîne causale, la qualité des intervenants et l’étendue des dommages. Elle permet aussi d’aborder, si nécessaire, le poste du trouble de jouissance: « Donner tous éléments afin de permettre de quantifier le préjudice de jouissance ». La visée reste probatoire et non dispositive.
La situation de procédure collective et la présence de dirigeants assignés justifient encore la mesure. L’identification des origines techniques des désordres peut nourrir, le cas échéant, la discussion sur d’éventuelles fautes détachables ou manquements spécifiques, sans préjuger de leur caractérisation. L’ordonnance ménage cet avenir contentieux en précisant que l’expert devra « Fournir tous éléments […] de nature à permettre […] de déterminer les responsabilités encourues ». Par ailleurs, la consignation, le calendrier et le renvoi « à l’audience de mise en état du 15 décembre 2025 pour le suivi des opérations d’expertise » encadrent la suite utile du procès, tandis que le contradictoire technique demeure garanti par le pré-rapport et les dires.
L’ordonnance du Tribunal judiciaire de [Localité 7] présente ainsi une mesure d’instruction justement calibrée, proportionnée aux enjeux techniques, et étroitement liée aux critères de la responsabilité des constructeurs. Sa rédaction concilie efficacité probatoire et respect de l’office du juge, en laissant au fond l’entière décision sur l’existence, la qualification et l’étendue des responsabilités. L’économie d’ensemble, marquée par un encadrement financier, des délais précis et une réserve des dépens, traduit un souci de célérité maîtrisée au service d’une solution juridiquement éclairée.