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Tribunal judiciaire de [Localité 4], 11 septembre 2025. Le litige naît d’une cession de droits successoraux reçue le 5 août 2018, pour un prix convenu de 40 000 euros. La venderesse soutient qu’un reliquat de 16 800 euros demeure impayé, après une restitution temporaire de 11 800 euros en juillet 2018 et la remise, en septembre 2019, de trois chèques non honorés.
Assignés en décembre 2021, les défendeurs opposent la quittance figurant à l’acte notarié et dénoncent comme faux une reconnaissance de dette datée de juillet 2018, sollicitant subsidiairement une expertise. L’un d’eux est défaillant. La demanderesse réclame intérêts au taux légal, dépens et indemnité. Les défendeurs concluent au rejet, à l’écartement de l’exécution provisoire et aux frais irrépétibles.
La formation devait apprécier, d’abord, la valeur probatoire d’une quittance authentique lorsque le paiement est mentionné comme opéré hors la vue du notaire, ensuite, l’aptitude d’un écrit sous seing privé irrégulier à emporter la conviction avec des indices extrinsèques, notamment des chèques dont la remise n’équivaut pas paiement tant qu’ils ne sont pas encaissés. Elle retient la relativité de la quittance, l’insuffisance formelle de la reconnaissance au regard de l’article 1376 du code civil, mais sa consolidation par des éléments concordants, écartant la thèse du faux, et condamne solidairement au paiement du reliquat avec intérêts, dépens et indemnité. Le jugement souligne que « Il est constant que la remise d’un chèque ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement par le créancier. »
I. Portée probatoire de la quittance et régime de la reconnaissance irrégulière
A. La quittance authentique à valeur relative hors la vue du notaire
Le jugement reproduit la clause notariale selon laquelle « cette vente a été conclue après réponse et acceptation des deux parties […] et ainsi les acquéreurs sont entièrement quitte de cela. » Il note toutefois que le paiement a été réalisé « hors de l’audience de l’acte et cela hors de vue du notaire », de sorte que « la quittance ne ressort que des seules déclarations des parties et a dès lors une valeur relative. » La solution est classique: l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux des faits que l’officier public a personnellement constatés, non des déclarations privées qu’il rapporte.
Le juge vérifie ensuite la charge de la preuve du paiement. Les défendeurs n’apportent aucun justificatif comptable ou bancaire établissant l’exécution intégrale du prix convenu. En l’absence d’éléments corroborants, la mention de quittance, purement déclarative, ne libère pas. L’office du juge se borne à constater le défaut de preuve libératoire, en cohérence avec l’article 1353 du code civil, sans exiger un formalisme excessif.
B. L’écrit unilatéral irrégulier comme commencement de preuve complété par indices
Le tribunal rappelle que l’article 1376 du code civil impose mention manuscrite et signature. Il constate que « la reconnaissance de dette ne comporte pas la mention manuscrite prévue par l’article 1376 du code civil de sorte qu’elle ne saurait valablement valoir preuve écrite. » L’irrégularité formelle ne clôt pourtant pas le débat probatoire, car l’écrit demeure un commencement de preuve, susceptible d’être complété par des éléments extérieurs précis et concordants.
Le raisonnement s’appuie sur une série d’indices objectifs: remise antérieure d’un chèque de 5 000 euros, virement de 5 000 euros, existence de trois chèques présentés plus d’un an après la vente, et invraisemblance d’une garantie constituée par plusieurs chèques en blanc. Le tribunal rappelle avec force que « Il est constant que la remise d’un chèque ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement par le créancier. » L’argument de faux est écarté, faute d’éléments probants et au regard de ces concordances, le jugement retenant qu’« il n’y a pas lieu de considérer que les documents litigieux sont des faux » et, finalement, « de sorte que l’obligation de paiement apparaît suffisamment établie. » L’expertise graphologique devient inutile, le juge pouvant statuer sans ce complément.
II. Appréciation de la solution et enseignements pratiques
A. Une méthode probatoire mesurée et conforme au droit positif
La solution ménage l’autorité de l’acte authentique tout en rappelant ses limites intrinsèques lorsqu’il relaie de simples déclarations des parties. La relativité de la quittance, dans ces conditions, préserve la fonction probatoire du notariat sans ériger la formule libératoire en vérité irréfragable. La charge de prouver la libération incombe à celui qui s’en prévaut; les défendeurs ne produisent pas les pièces de paiement qu’ils allèguent.
Le traitement de l’écrit irrégulier confirme la place du commencement de preuve par écrit dans l’économie de la preuve littérale. Le tribunal n’érige pas l’article 1376 en couperet formaliste, mais valorise la réunion d’indices concordants, articulant documents bancaires, chronologie des remises et analyse de vraisemblance. Le refus d’ordonner une expertise, motivé par l’inutilité, illustre une saine économie de procédure.
B. Sécurité des transactions, instruments de paiement et vigilance rédactionnelle
L’enseignement pratique est double. D’une part, la clause de quittance insérée à l’authentique n’emporte pleine efficacité probatoire que pour les paiements effectués sous le contrôle du notaire; une formulation indiquant un versement hors sa vue appelle, en cas de contestation, des preuves extérieures. La sécurisation des flux lors de la signature, ou leur traçabilité bancaire, s’impose pour prévenir les litiges.
D’autre part, l’usage de chèques comme garantie entretient une ambiguïté que la règle rappelée dissipe: la remise ne paie pas, seul l’encaissement libère. La production de chèques opposés pour perte ne détruit pas, en elle-même, la vraisemblance de l’obligation; elle peut, au contraire, l’étayer si la chronologie et la logique économique convergent. La portée du jugement encourage une vigilance accrue dans la rédaction des reconnaissances unilatérales et des additifs, tout en admettant que l’irrégularité de forme n’interdit pas la preuve par indices sérieux et concordants.