Tribunal judiciaire de Marseille, le 13 juin 2025, n°24/04405

Le désistement d’instance constitue l’une des issues possibles d’un litige, permettant au demandeur de mettre fin à la procédure qu’il a lui-même engagée. Cette extinction de l’instance par la volonté des parties illustre le principe dispositif qui gouverne le procès civil. Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 13 juin 2025 en offre une illustration dans le contexte d’un contentieux familial.

En l’espèce, quatorze demandeurs, membres d’une même famille, avaient saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille selon la procédure accélérée au fond. Ils agissaient à l’encontre d’une défenderesse, également membre de cette famille. La nature exacte du litige n’est pas précisée par la décision. À l’audience du 16 mai 2025, les demandeurs ont déclaré se désister de leur instance. La défenderesse n’a pas formé d’opposition à ce désistement.

La question soumise au juge était de déterminer si le désistement d’instance déclaré par les demandeurs pouvait être considéré comme parfait et produire ses effets extinctifs sur la procédure en cours.

Le juge des référés a constaté le désistement d’instance, l’a déclaré parfait et a mis les dépens à la charge des demandeurs. Le tribunal a retenu que l’absence d’opposition de la défenderesse valait acceptation implicite du désistement.

Cette décision invite à examiner les conditions de validité du désistement d’instance (I) avant d’en analyser les effets procéduraux (II).

I. Les conditions de validité du désistement d’instance

Le désistement d’instance obéit à un régime juridique précis qui subordonne sa perfection à la réunion de conditions tenant tant à la manifestation de volonté du demandeur (A) qu’à l’acceptation du défendeur (B).

A. La manifestation de volonté du demandeur

Le désistement d’instance se définit comme l’acte par lequel le demandeur renonce à poursuivre l’instance qu’il a engagée. L’article 394 du code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Cette prérogative appartient exclusivement à celui qui a pris l’initiative du procès.

En l’espèce, le tribunal relève que « la partie demanderesse a déclaré se désister de son instance ». Cette formulation atteste d’une manifestation expresse de volonté. Les quatorze demandeurs ont conjointement exprimé leur intention d’abandonner la procédure. Le caractère collectif de la demande initiale impliquait nécessairement un désistement unanime de l’ensemble des codemandeurs.

Le désistement a été formulé à l’audience, devant le juge. Cette circonstance garantit la sincérité de la manifestation de volonté. L’oralité des débats en matière de référé facilite cette expression directe. Le juge a pu s’assurer que le désistement émanait bien des demandeurs ou de leur représentant dûment mandaté.

B. L’acceptation du défendeur

L’article 395 du code de procédure civile prévoit que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence protège les intérêts du défendeur qui pourrait souhaiter obtenir une décision au fond. Toutefois, cette acceptation peut être tacite.

Le tribunal retient que la défenderesse « doit être considérée comme ayant accepté ce désistement implicitement » en raison de son absence d’opposition. Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence constante qui admet que le silence du défendeur vaut acceptation lorsqu’aucun intérêt légitime ne justifie la poursuite de l’instance.

L’article 395 alinéa 2 précise d’ailleurs que « l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ». Cette disposition facilite le désistement lorsque le défendeur n’a pas encore pris position sur le fond du litige. En l’espèce, la procédure accélérée au fond n’avait pas encore donné lieu à un examen approfondi des prétentions.

II. Les effets procéduraux du désistement d’instance

Le désistement déclaré parfait emporte des conséquences sur l’instance elle-même (A) ainsi que sur la répartition des charges financières du procès (B).

A. L’extinction de l’instance

Le désistement d’instance constitue un mode d’extinction de l’instance distinct du jugement au fond. L’article 398 du code de procédure civile énonce que « le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action ». Cette caractéristique distingue le désistement d’instance du désistement d’action.

Le tribunal « constate » le désistement et le « déclare parfait ». Ces termes révèlent le rôle du juge qui n’est pas d’autoriser le désistement mais de lui conférer une existence juridique officielle. Le jugement a une nature déclarative. Il prend acte d’une situation créée par la volonté des parties.

La conséquence majeure de ce désistement réside dans la possibilité pour les demandeurs d’introduire ultérieurement une nouvelle instance sur le même fondement. L’article 399 du code de procédure civile précise que « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». Cette règle préserve le droit d’action tout en sanctionnant l’abandon de la procédure en cours.

B. La charge des dépens

Le tribunal « dit que la partie demanderesse conservera la charge des dépens ». Cette solution constitue l’application du principe posé à l’article 399 du code de procédure civile. Celui qui renonce à son instance doit en supporter les frais. Cette règle se justifie par l’idée que le demandeur qui se désiste reconnaît implicitement le caractère inopportun de son action.

Les dépens comprennent notamment les frais de greffe, les émoluments des avocats et les éventuels frais d’expertise. En matière de référé, ces frais demeurent généralement limités en raison de la brièveté de la procédure. L’absence de décision sur le fond n’a pas permis de condamner l’une ou l’autre partie au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette répartition des charges financières présente un caractère dissuasif. Elle incite le demandeur à évaluer sérieusement ses chances de succès avant d’engager une procédure. Elle compense également le préjudice subi par le défendeur qui a dû organiser sa défense avant que le demandeur ne renonce à ses prétentions.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture