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Le contentieux de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement constitue un domaine où les exigences procédurales se confrontent aux impératifs de protection des personnes. La décision rendue par le Tribunal judiciaire de Marseille le 13 juin 2025 illustre cette tension permanente entre formalisme juridique et nécessité médicale.
Une personne sans domicile fixe, née en 1995, a fait l’objet d’une admission en soins psychiatriques sous le régime du péril imminent le 6 juin 2025. Le certificat médical initial avait été établi la veille, le 5 juin 2025 à 13 heures 43. La patiente présentait selon ce certificat une errance sur la voie publique, des éléments délirants, des hallucinations acoustico-verbales ainsi qu’un risque hétéro-agressif majeur, ayant notamment menacé de mort une infirmière. L’audition de la patiente a été contre-indiquée par avis médical du 10 juin 2025.
Dans le cadre du contrôle obligatoire prévu par l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, le directeur de l’établissement hospitalier a saisi le magistrat du siège le 11 juin 2025. L’avocat commis d’office a soulevé deux moyens de nullité. Le premier portait sur l’antériorité du certificat médical par rapport à la décision d’admission, le certificat datant de la veille de l’hospitalisation. Le second contestait la qualité du signataire de la décision d’admission, celle-ci émanant non du directeur de l’établissement mais d’une responsable administrative. Le ministère public a conclu au maintien de l’hospitalisation complète.
Le tribunal rejette les moyens de nullité et autorise la poursuite de l’hospitalisation complète. Sur la régularité du certificat, le magistrat considère que l’admission intervenue dans un délai de vingt-quatre heures après l’établissement du certificat satisfait aux prescriptions légales, d’autant que le péril imminent demeurait caractérisé au jour de l’hospitalisation.
La question posée au tribunal était double. Sur le plan procédural, un certificat médical établi la veille de l’admission satisfait-il aux exigences légales de la procédure d’hospitalisation pour péril imminent. Sur le fond, les troubles présentés par la patiente justifient-ils le maintien de la mesure d’hospitalisation complète.
Le tribunal répond par l’affirmative à ces deux questions. Il juge que « cette admission ayant eu lieu à bref délai, en tous cas dans un délai de 24h, il y a lieu de considérer que les prescriptions légales ont été respectées ». Le magistrat ajoute que « le péril imminent était toujours d’actualité pour la patiente au jour de son admission le 6 juin 2025 ».
Cette décision invite à examiner successivement l’appréciation du délai entre le certificat médical et l’admission (I), puis les conditions du maintien de l’hospitalisation contrainte (II).
I. L’appréciation du délai entre certificat médical et admission
Le tribunal procède à une interprétation constructive des textes relatifs au certificat médical initial (A), tout en s’appuyant sur la persistance du péril pour valider la procédure (B).
A. L’interprétation constructive des exigences textuelles
L’article L. 3212-1 II 2° du Code de la santé publique, auquel renvoie le tribunal, impose que le certificat médical préalable à l’admission date de moins de quinze jours. Le texte précise également que le péril imminent doit exister à la date de l’admission. Le législateur a ainsi posé deux conditions distinctes : une condition de fraîcheur du certificat et une condition de contemporanéité du péril.
L’avocat de la défense soulevait une difficulté née de la chronologie des actes. Le certificat avait été établi le 5 juin 2025 à 13 heures 43, tandis que l’admission n’était intervenue que le lendemain 6 juin 2025. Cette antériorité d’environ vingt-quatre heures pouvait-elle affecter la validité de la procédure ? Le moyen ne manquait pas de pertinence. La procédure de péril imminent suppose par définition une situation d’urgence justifiant qu’il soit dérogé à l’exigence d’une demande de tiers. Un délai de vingt-quatre heures entre le constat médical et la décision administrative pouvait sembler difficilement compatible avec cette urgence.
Le tribunal écarte toutefois cette argumentation en relevant que l’admission « ayant eu lieu à bref délai, en tous cas dans un délai de 24h », les prescriptions légales doivent être considérées comme respectées. Cette formulation révèle une approche pragmatique. Le magistrat ne se livre pas à une exégèse littérale des textes mais apprécie leur respect au regard des circonstances concrètes de l’espèce. Le délai de moins de quinze jours étant très largement respecté, un écart de vingt-quatre heures ne saurait entacher la procédure d’irrégularité.
Cette interprétation s’inscrit dans une logique de préservation de l’efficacité du dispositif de soins contraints. Une lecture excessivement rigoureuse des exigences temporelles pourrait conduire à des situations absurdes où un certificat établi en fin de journée imposerait une admission dans les heures suivantes, y compris en période nocturne. Le tribunal fait donc prévaloir une appréciation raisonnable des délais sur un formalisme qui nuirait à l’objectif même de la procédure.
B. La persistance du péril comme élément de validation
Le tribunal ne se contente pas de constater le respect formel du délai de quinze jours. Il renforce sa motivation en vérifiant que le péril imminent demeurait caractérisé au jour de l’admission. Le magistrat relève ainsi que « le péril imminent était toujours d’actualité pour la patiente au jour de son admission le 6 juin 2025 ». Il s’appuie pour ce faire sur le certificat de vingt-quatre heures établi le 6 juin 2025 à 12 heures 03, qui attestait « de la persistance d’une situation médicale très préoccupante, caractérisant toujours le risque d’atteinte grave à l’intégrité de la patiente ».
Cette démarche de vérification substantielle mérite attention. Le juge ne limite pas son contrôle à la régularité formelle de la procédure. Il s’assure que la condition de fond posée par le texte, l’existence du péril à la date de l’admission, était effectivement remplie. Ce faisant, il donne tout son sens à l’exigence légale de contemporanéité du péril. Peu importe que le certificat initial date de la veille dès lors que le péril existait encore au moment de l’hospitalisation.
Cette approche téléologique des textes apparaît conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation. La haute juridiction veille au respect des garanties procédurales entourant l’hospitalisation sans consentement tout en évitant les annulations purement formelles qui priveraient les patients des soins dont ils ont besoin. Le tribunal de Marseille s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle en combinant contrôle de régularité et vérification de la réalité du péril.
La solution retenue soulève néanmoins une interrogation. Le tribunal n’examine pas le second moyen de nullité soulevé par l’avocat, relatif à la qualité du signataire de la décision d’admission. L’ordonnance rejette « les moyens soulevés » sans motiver spécifiquement sur ce point. Cette absence de réponse pourrait constituer un défaut de motivation susceptible de critique en appel.
II. Les conditions du maintien de l’hospitalisation contrainte
Le tribunal caractérise la gravité des troubles justifiant la mesure (A) tout en délimitant les frontières de son office (B).
A. La caractérisation des troubles justifiant la mesure
Le maintien de l’hospitalisation complète suppose que soient réunies les conditions légales : existence de troubles mentaux, impossibilité de consentir aux soins en raison de ces troubles et nécessité d’une surveillance médicale constante ou régulière. Le tribunal procède à une vérification méthodique de ces éléments.
S’agissant des troubles, le magistrat reprend les constatations du certificat initial. La patiente présentait une « errance sur la voie publique », un « voyage pathologique », des « éléments délirants », un « contact fermé », des « hallucinations acoustico-verbales », une « soliloquie ». Elle se montrait « hostile envers les femmes » et avait proféré une « menace de tuer une infirmière ». Le tribunal conclut à l’existence d’un « risque hétéro agressif majeur ».
Cette énumération clinique remplit une double fonction. Elle établit d’abord la réalité des troubles mentaux présentés par la patiente. Elle démontre ensuite le caractère dangereux de ces troubles, tant pour la patiente elle-même que pour autrui. La menace de mort proférée à l’encontre d’une soignante illustre particulièrement ce risque hétéro-agressif. Le tribunal dispose ainsi d’éléments concrets justifiant le maintien de la contrainte.
Le magistrat souligne également que « les certificats médicaux établis pendant la période d’observation font état de la persistance de certains troubles ». Cette vérification de la continuité des troubles entre l’admission et l’audience revêt une importance particulière. Elle garantit que le maintien de la mesure repose sur l’état actuel de la patiente et non sur des éléments devenus obsolètes. Le tribunal ajoute que « l’avis médical établi en vue de l’audience préconise également le maintien de la mesure en la forme actuelle ». La convergence des avis médicaux successifs conforte la décision de poursuite de l’hospitalisation.
La motivation du tribunal sur ce point apparaît complète. Elle articule les éléments factuels tirés des certificats médicaux et l’appréciation juridique des conditions du maintien. Le magistrat ne se contente pas d’entériner l’avis médical mais vérifie lui-même que les critères légaux demeurent remplis.
B. Les limites de l’office du juge
Le tribunal prend soin de circonscrire son office. Il affirme que « la procédure étant régulière, le juge ne saurait se prononcer sur les soins dont doit bénéficier la patiente, qui relèvent de la compétence exclusive des médecins ». Cette formule trace une frontière nette entre le contrôle juridictionnel de la mesure privative de liberté et la décision médicale relative aux soins.
Cette délimitation s’inscrit dans une conception classique de la répartition des compétences. Le juge des libertés vérifie la régularité de la procédure et l’existence des conditions légales du maintien de la mesure. Il n’a pas à s’immiscer dans les choix thérapeutiques qui relèvent de l’art médical. Cette séparation des fonctions garantit à la fois l’indépendance du contrôle juridictionnel et l’autonomie de la décision médicale.
Toutefois, cette affirmation mérite d’être nuancée. La distinction entre contrôle de la mesure et appréciation des soins n’est pas toujours aisée à tracer. Le juge doit vérifier que l’hospitalisation complète demeure nécessaire, ce qui suppose une appréciation de l’état du patient et de ses perspectives d’évolution. Par ailleurs, le développement des programmes de soins comme alternative à l’hospitalisation complète conduit le juge à s’interroger sur les modalités de prise en charge les plus adaptées. La formule employée par le tribunal ne doit donc pas être lue comme excluant toute appréciation des conditions de soins mais comme rappelant que la prescription des traitements échappe à la compétence juridictionnelle.
L’ordonnance mentionne enfin que l’audition de la patiente avait été contre-indiquée par avis médical. Cette impossibilité d’entendre la principale intéressée soulève une difficulté au regard du droit au procès équitable. Le juge se trouve privé d’un élément essentiel d’appréciation, le point de vue de la personne concernée. Certes, l’avis médical de contre-indication protège la patiente d’une audience qui pourrait aggraver son état. Mais cette protection ne doit pas devenir un instrument systématique d’exclusion de la parole du patient. Le tribunal n’a pas à développer ce point dans sa motivation dès lors que la contre-indication médicale est établie. Il appartient cependant au juge de veiller à ce que cette faculté ne soit pas détournée de son objet.