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Rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 16 juin 2025, ce jugement tranche un litige locatif relatif à un bail d’habitation conclu verbalement. Le bailleur invoquait des impayés persistants et sollicitait la résiliation judiciaire, l’expulsion étant devenue sans objet après le départ du locataire, ainsi que la condamnation au paiement des loyers arriérés et des accessoires. Assigné devant le juge des contentieux de la protection, le défendeur n’a pas comparu. La demanderesse a, à l’audience, produit un décompte actualisé non contradictoire, tout en maintenant les prétentions chiffrées figurant à l’assignation.
La question posée était double. D’une part, le juge pouvait-il prononcer la résolution judiciaire d’un bail verbal dépourvu de clause résolutoire en présence d’impayés établis. D’autre part, dans quelles limites les éléments non contradictoirement communiqués pouvaient-ils fonder l’évaluation de la dette, l’office du juge demeurant gouverné par le principe du contradictoire. Le tribunal a d’abord rappelé qu’« il n’est fait droit à la demande que dans la mesure où elle apparaît régulière, recevable et bien fondée », malgré la non-comparution. Il a ensuite jugé que « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice », et constaté une inexécution suffisamment grave justifiant la résiliation. La condamnation pécuniaire a été limitée au montant contradictoirement débattu, avec intérêts selon les dates de mise en demeure et d’assignation, l’exécution provisoire étant de droit.
I. Le contrôle du juge face à la non-comparution et la preuve du bail verbal
A. La régularité de la demande au prisme de l’article 472 du code de procédure civile
Le tribunal rappelle que, « lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond », sous réserve d’un examen complet de la régularité, de la recevabilité et du bien-fondé. Cette formule, qui précise l’office du juge, l’oblige à un contrôle plein, non seulement formel, mais aussi substantiel, du droit invoqué et des preuves soumises. La non-comparution ne vaut ni aveu ni acquiescement, et ne dispense pas d’un examen contradictoire en droit, à défaut de contradiction en fait. Le cadre ainsi posé autorise l’analyse des pièces produites par le bailleur, en veillant à ne retenir que celles régulièrement versées et débattues.
Le juge articule ce contrôle avec le principe de loyauté procédurale. S’il prend acte du départ du locataire, il ne tire aucune conséquence défavorable de l’absence de comparution au-delà de ce que la loi autorise. Il enferme la décision dans la stricte limite des demandes justifiées, confirmant la prééminence d’un contrôle juridictionnel substantiel. Cette approche garantit la sécurité de la motivation sans renverser la charge de la preuve, qui demeure régie par les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil.
B. La caractérisation du bail verbal et des manquements contractuels
La juridiction retient l’existence du bail à partir d’indices concordants issus des pièces bancaires et du décompte des sommes exigibles. Elle souligne que les paiements antérieurs du locataire confirment la réalité des obligations réciproques, malgré l’absence d’écrit. L’exécution partielle du contrat manifeste en effet l’accord de volontés, conformément aux articles 1103 et 1709 du code civil. L’inexécution répétée des loyers crée un manquement grave à l’obligation essentielle de payer, au sens des articles 1728 et 1741, compatible avec une sanction résolutoire judiciaire.
La motivation se concentre sur la gravité des impayés et le défaut de reprise régulière, cause suffisante de résolution. Le juge énonce que « la grave inexécution contractuelle […] justifie de prononcer la résiliation du bail », confirmant que l’intensité du manquement, et non la seule existence de retards, commande la sanction. L’abstention de toute considération morale ou circonstancielle renforce la cohérence de l’analyse, strictement centrée sur l’équilibre contractuel et l’atteinte à l’obligation principale.
II. La résolution judiciaire en l’absence de clause résolutoire et ses effets
A. L’office du juge en cas de bail verbal dépourvu de clause résolutoire
Le jugement rappelle en termes nets que, même sans clause résolutoire, « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice ». Il tire de l’article 1227 la faculté de prononcer la résolution pour inexécution, et de l’article 1228 le pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’ordonner l’exécution ou d’allouer des dommages-intérêts. L’absence d’écrit ne fige donc pas le contrat à l’abri d’une sanction résolutoire, la source de la sanction résidant dans la loi et non seulement dans la stipulation.
Cette solution s’inscrit dans le droit commun des contrats d’habitation régis par la loi de 1989. À défaut de mécanisme automatique, le juge apprécie la gravité et la persistance de l’inexécution, en conformité avec la finalité protectrice du bail d’habitation et l’égalité des parties devant la loi des contrats. L’équilibre entre la stabilité du logement et la garantie des revenus locatifs se trouve assuré par un contrôle au cas par cas, proportionné à la défaillance constatée.
B. Les conséquences pécuniaires, l’adversarialité du chiffrage et l’exécution provisoire
Sur la dette, la juridiction distingue avec soin les éléments contradictoirement débattus et ceux produits tardivement. Elle relève que « le décompte actualisé au 31 janvier 2025 a été produit à l’audience non contradictoirement », de sorte que le montant retenu se limite au chiffrage antérieur discuté. Cette solution illustre l’exigence de l’article 16 du code de procédure civile, qui protège l’égalité des armes et évite que le demandeur ne fixe unilatéralement le quantum à l’audience.
Le point de départ des intérêts est ventilé selon les dates d’exigibilité et de mise en demeure, en conformité avec le droit commun de l’obligation pécuniaire. La demande d’indemnité d’occupation devient sans objet en raison du départ du locataire, ce qui prévient une double charge financière postérieure à la résiliation. Les dépens suivent la succombance et une somme modeste est allouée sur le fondement de l’article 700, ce qui demeure proportionné à l’économie de l’affaire. Enfin, le tribunal rappelle, sans détour, que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire », ce qui renforce l’effectivité de la décision, tout en laissant subsister les garanties ordinaires des voies de recours.
Cette solution présente une cohérence d’ensemble entre droit commun des obligations et droit spécial du bail d’habitation. On notera toutefois une vigilance nécessaire sur la précision des dates d’arrêté de compte mentionnées au dispositif, afin d’écarter toute ambiguïté ultérieure. L’économie générale du jugement demeure toutefois solidement arrimée au principe du contradictoire et à l’office du juge en matière de résolution judiciaire.