Tribunal judiciaire de Marseille, le 17 juin 2025, n°24/06853

Par un jugement rendu le 17 juin 2025 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille, était sollicitée la résiliation de plein droit d’un bail d’habitation pour impayés. Un bail conclu le 3 août 2023, comportant une clause résolutoire, prévoyait un loyer mensuel de 1 260 euros. À la suite d’arriérés, un commandement de payer visant la clause a été signifié le 5 juillet 2024, puis une assignation a été délivrée le 4 octobre 2024. Les défendeurs n’ont pas comparu ; le bailleur a demandé la constatation de l’acquisition de la clause, l’expulsion, le paiement de l’arriéré actualisé et une indemnité d’occupation au loyer. Le juge rappelle qu’« si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». La question tenait à l’incidence d’un délai contractuel erroné, alors que le commandement rappelait six semaines, et à l’application de l’article 24 VII.

Le tribunal déclare la demande recevable, constate l’acquisition de la clause résolutoire, refuse la suspension faute de reprise du loyer courant, prononce l’expulsion et fixe l’indemnité d’occupation au loyer contractuel.

I. Conditions légales et contrôle de recevabilité

A. Formalités préalables et recevabilité de l’action

Le juge vérifie l’accomplissement des notifications requises par l’article 24, II et III, de la loi du 6 juillet 1989. L’assignation a été notifiée à l’autorité administrative plus de six semaines avant l’audience et la CCAPEX compétente saisie plus de deux mois avant. La solution est nette et mesurée: « La demande aux fins de constatation de résiliation du bail est donc recevable. » Ce rappel des filtres procéduraux sécurise l’instance et garantit la conciliation des impératifs sociaux et du droit de propriété.

B. Clause résolutoire erronée et substitution du délai légal

Le contrat mentionnait un délai non conforme dans la clause résolutoire, tandis que le commandement reproduisait le délai légal de six semaines. La motivation retient expressément: « Le délai visé dans la clause résolutoire est erroné, compte-tenu des délais règlementaires applicables. Néanmoins, en l’absence de grief invoqué, il convient de substituer le délai légal applicable de six semaines, repris par le commandement de payer. » L’argument s’appuie sur l’économie de l’article 114 du code de procédure civile: « La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité. » La décision privilégie ainsi la conformité de l’acte effectif de mise en demeure, véritable déclencheur de la clause, plutôt que la lettre imparfaite de la stipulation contractuelle. La solution concilie sécurité des rapports locatifs et protection de la partie débitrice par l’exigence d’un grief.

II. Effets de la résiliation et portée pratique

A. Expulsion et indemnité d’occupation à valeur locative

La résiliation constatée rend les occupants sans droit ni titre et justifie les mesures d’expulsion dans les conditions légales. Le juge qualifie clairement le fondement indemnitaire: « Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation (…) L’indemnité d’occupation (…) constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux. » Le montant est fixé par référence au dernier loyer, charges comprises, ce qui évite tout enrichissement injustifié et reflète la valeur de marché des lieux. La continuité financière du bailleur est maintenue sans altérer la finalité réparatrice de l’indemnité.

B. Refus de suspension des effets et condamnations accessoires

L’article 24 VII permet une suspension des effets de la clause si le locataire a repris intégralement le loyer courant avant l’audience et respecte un échéancier. Le tribunal constate l’absence de reprise effective et tranche sans ambiguïté: « Il n’y a donc pas lieu d’appliquer les dispositions précitées. » Les arriérés demeurent dus, la solidarité des co‑titulaires est mobilisée, et une somme est accordée au titre de l’article 700 au regard de l’équité. La force exécutoire est rappelée en des termes dépourvus d’équivoque: « La présente décision est exécutoire de plein droit. » L’ensemble confirme une lecture pragmatique du nouveau délai de six semaines et réaffirme que la protection de la partie débitrice procède d’actes réguliers et d’une réelle reprise des paiements, non d’irrégularités formelles sans grief.

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Hassan KOHEN
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