Tribunal judiciaire de Marseille, le 18 juin 2025, n°24/00247

Par un jugement rendu le 18 juin 2025, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille s’est prononcé sur la caducité d’un commandement de payer valant saisie immobilière. Cette décision, bien que laconique dans sa motivation, soulève la question des conséquences procédurales de l’absence de réquisition de vente par le créancier poursuivant lors de l’audience de vente forcée.

Un syndicat des copropriétaires, représenté par son administrateur provisoire désigné par ordonnance du 18 novembre 2021, a engagé une procédure de saisie immobilière à l’encontre d’une société civile immobilière propriétaire de plusieurs lots dans un immeuble en copropriété situé à Marseille. Ces lots comprenaient un appartement au premier étage et deux réduits à usage de cellier. Un commandement de payer a été signifié le 22 octobre 2024 puis publié au service de la publicité foncière le 31 octobre 2024.

La débitrice saisie a été assignée à comparaître devant le juge de l’exécution selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, soit par procès-verbal de recherches infructueuses. La procédure a été dénoncée au créancier inscrit, une caisse d’épargne titulaire d’un privilège de prêteur de deniers publié en 2008. Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 4 décembre 2024. L’audience d’orientation s’est tenue le 4 février 2025, au cours de laquelle le créancier poursuivant a sollicité la vente forcée du bien, demandant en outre la condamnation de la société débitrice au paiement de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles. La vente forcée a été fixée au 18 juin 2025.

Lors de l’audience de vente, la débitrice n’a pas comparu. Le créancier poursuivant, pourtant à l’origine de la procédure, n’a pas requis la vente.

Le juge de l’exécution devait déterminer les conséquences juridiques de l’absence de réquisition de vente par le créancier poursuivant lors de l’audience de vente forcée.

Le tribunal a constaté la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière et ordonné sa radiation. Les frais de la procédure et les dépens ont été mis à la charge du syndicat des copropriétaires poursuivant.

Cette décision illustre le mécanisme de la caducité pour défaut de réquisition de vente (I) et ses incidences sur le sort de la procédure d’exécution (II).

I. La sanction automatique du défaut de réquisition de vente

Le jugement commenté met en lumière le caractère impératif de la réquisition de vente (A) ainsi que la nature de la caducité comme sanction adaptée à cette défaillance procédurale (B).

A. L’exigence de réquisition comme condition de poursuite de la procédure

La procédure de saisie immobilière obéit à un formalisme rigoureux dont chaque étape conditionne la suivante. Le créancier poursuivant, après avoir fait signifier un commandement de payer, déposé le cahier des conditions de vente et obtenu la fixation de la date d’adjudication, doit encore requérir la vente lors de l’audience prévue à cet effet.

Cette exigence découle des dispositions de l’article R. 322-26 du code des procédures civiles d’exécution. Le texte prévoit que la vente forcée ne peut être prononcée que sur réquisition du créancier poursuivant. Cette règle traduit le principe selon lequel le créancier demeure maître de la procédure qu’il a initiée. Il peut renoncer à poursuivre la vente sans avoir à justifier de ses raisons.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires avait pourtant sollicité la vente forcée lors de l’audience d’orientation. La fixation de l’audience d’adjudication au 18 juin 2025 démontrait sa volonté initiale de mener la procédure à son terme. Son abstention lors de l’audience de vente marque un revirement que le juge n’avait pas à apprécier. Le tribunal s’est borné à « constater que la vente n’est pas requise », sans rechercher les motifs de cette carence.

Cette absence de réquisition peut résulter de circonstances diverses. Le débiteur peut avoir désintéressé le créancier entre-temps. Un accord amiable peut être intervenu. Le créancier peut également avoir constaté l’absence d’enchérisseurs potentiels ou estimé que la poursuite de la procédure ne servirait pas ses intérêts. Quelle qu’en soit la cause, l’effet demeure identique.

B. La caducité comme réponse à l’inertie du poursuivant

La caducité sanctionne l’extinction d’un acte juridique régulièrement formé mais privé d’effet par la survenance d’un événement postérieur. En matière de saisie immobilière, elle frappe le commandement de payer lorsque les diligences requises ne sont pas accomplies dans les délais impartis.

L’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le commandement de payer valant saisie cesse de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, la procédure n’a pas été menée à son terme. L’absence de réquisition de vente lors de l’audience d’adjudication constitue un cas d’application de cette règle.

Le juge de l’exécution a prononcé la « caducité » du commandement et ordonné sa « radiation ». Cette formulation appelle une précision terminologique. Le juge constate la caducité, il ne la prononce pas à proprement parler. Elle résulte de plein droit du défaut de réquisition. La radiation du commandement publié au service de la publicité foncière n’est que la conséquence matérielle de cette caducité.

La motivation du jugement se révèle particulièrement elliptique. Le tribunal indique seulement qu’« il y a lieu de constater la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière, la vente n’étant pas requise ». Cette concision correspond à la nature même de la décision. Le juge tire les conséquences d’un fait objectif sans avoir à en apprécier le bien-fondé.

II. Les effets de la caducité sur les parties à la procédure

La caducité emporte des conséquences sur le plan patrimonial pour le créancier poursuivant (A) et libère temporairement le débiteur saisi de la menace d’expropriation (B).

A. La charge des frais imposée au créancier défaillant

Le jugement met les frais de la procédure et les dépens à la charge du syndicat des copropriétaires poursuivant. Le tribunal vise l’article 399 du code de procédure civile pour fonder cette décision.

Cette imputation obéit à une logique d’équité. Le créancier qui renonce à poursuivre la vente après avoir engagé des frais considérables doit en supporter les conséquences financières. La procédure de saisie immobilière génère des coûts substantiels. Signification du commandement, publication au service de la publicité foncière, rédaction et dépôt du cahier des conditions de vente, visites du bien, honoraires d’avocat composent une liste non exhaustive. Ces frais, normalement recouvrables sur le prix de vente, demeurent sans contrepartie lorsque la vente n’intervient pas.

Le syndicat des copropriétaires avait pourtant sollicité la condamnation de la société débitrice au paiement de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette demande n’a pas été accueillie. Elle supposait que la procédure aboutisse ou, à tout le moins, que le débiteur soit reconnu responsable de son échec. L’abstention volontaire du poursuivant prive cette prétention de fondement.

La décision ne précise pas si le créancier inscrit, la caisse d’épargne titulaire du privilège de prêteur de deniers, avait exposé des frais. Cette banque n’avait pas constitué avocat. Elle n’avait vraisemblablement engagé aucune dépense à l’occasion de cette procédure qu’elle n’avait pas initiée.

B. L’effet libératoire temporaire pour le débiteur saisi

La caducité du commandement de payer met fin à la saisie immobilière en cours. Le bien retrouve sa libre disponibilité. Le débiteur n’est plus sous la menace imminente d’une expropriation forcée.

Cette libération demeure toutefois relative. La créance du syndicat des copropriétaires subsiste. Les charges de copropriété impayées qui ont justifié l’engagement de la procédure ne sont pas éteintes par la caducité du commandement. Le créancier conserve la faculté de délivrer un nouveau commandement et de recommencer la procédure.

La société civile immobilière débitrice n’a pas comparu à l’audience. Elle n’a pas constitué avocat. Son absence tout au long de la procédure pourrait traduire une situation d’abandon du bien ou d’insolvabilité. L’assignation lui avait été signifiée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, ce qui révèle l’impossibilité de la toucher à son siège social.

Le jugement est qualifié de « réputé contradictoire ». Cette qualification découle de l’absence de comparution du défendeur régulièrement assigné. La décision est susceptible d’appel dans les conditions du droit commun. Le délai court à compter de sa notification.

La pratique montre que les syndicats de copropriétaires hésitent parfois à mener les procédures de saisie immobilière jusqu’à leur terme. Le coût de la procédure, l’incertitude sur le prix d’adjudication et la crainte de se retrouver propriétaire du lot par défaut d’enchérisseur peuvent expliquer ces renoncements tardifs. La caducité constitue alors une sortie de procédure moins brutale qu’un désistement, dont les conditions sont plus contraignantes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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