Tribunal judiciaire de Marseille, le 18 juin 2025, n°24/07547

Tribunal judiciaire de Marseille, 18 juin 2025. Un juge aux affaires familiales statue, sur requête conjointe assortie d’une déclaration d’acceptation du principe, sur une séparation de corps. Les époux, mariés en 1999, ont trois enfants. La vie commune a cessé antérieurement au jugement, une date précise étant retenue pour l’effet patrimonial. Les demandes portaient sur la rupture du lien conjugal au sens de la séparation de corps, l’organisation de l’autorité parentale, la résidence des enfants, le droit de visite, la contribution à leur entretien, ainsi que l’attribution du bail du domicile familial. La juridiction énonce, d’entrée, « Vu les articles 296, 233 et suivants du Code civil ; » et « PRONONCE la séparation de corps », avant de fixer les mesures accessoires. La question posée concernait l’articulation entre la séparation de corps par acceptation du principe, ses effets patrimoniaux et personnels immédiats, et les garanties associées à la contribution alimentaire. La solution retenue affirme notamment que « la séparation de corps entraîne séparation de biens », qu’il convient d’en « REPORTER la date […] au 26 décembre 2023 », et que la contribution alimentaire sera versée « par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations familiales en application du dernier alinéa du II de l’article 373-2-2 du Code civil ». La juridiction « MAINTIENT l’exercice conjoint de l’autorité parentale », « FIXE la résidence des enfants au domicile de la mère », et prévoit un droit de visite libre assorti d’un régime supplétif. Elle « ORDONNE la publicité prévue par l’article 1082 du code de procédure civile » et « RAPPELLE qu’à la demande d’un époux le jugement de séparation de corps est converti de plein droit en jugement de divorce quand la séparation de corps a duré deux ans ».

I. Régime juridique et effets de la séparation de corps acceptée

A. Fondement légal et office du juge
La décision s’inscrit dans le cadre de la séparation de corps par acceptation du principe, expressément visée par « Vu les articles 296, 233 et suivants du Code civil ; ». Le recours à la requête conjointe et à l’acceptation traduit un accord sur le principe sans exigence d’énoncer les torts. Le juge vérifie la régularité de l’accord, contrôle la cohérence des mesures accessoires et tire les effets nécessaires de la séparation quant au statut conjugal.

Le cœur de l’office est rappelé par la formule « PRONONCE la séparation de corps », qui consacre la rupture de la vie commune sans dissoudre le mariage. La juridiction ajoute « ORDONNE la publicité prévue par l’article 1082 du code de procédure civile », condition d’opposabilité aux tiers, spécialement en matière d’état civil. Elle précise encore que « la reprise de vie commune met fin à la séparation de corps » sous réserve des formes requises, ce qui maintient l’esprit d’une institution réversible tant que la conversion n’est pas intervenue.

La décision réaffirme les effets personnels résiduels, en rappelant que « les époux conservent l’usage du nom du conjoint ». Cette précision s’accorde avec la logique d’une mesure qui réorganise la vie conjugale sans supprimer le lien matrimonial. Le contrôle juridictionnel reste centré sur la protection des personnes et sur l’équilibre des arrangements, sans excéder l’accord des époux sur le principe.

B. Effets patrimoniaux: séparation de biens, date des effets et convertibilité
L’effet patrimonial automatique est clairement consacré par la formule « RAPPELLE que la séparation de corps entraîne séparation de biens ». Cette affirmation résulte du texte, le régime matrimonial commun cessant de produire effet entre époux à compter de la séparation. La juridiction exerce ensuite le pouvoir de fixer une date antérieure pour l’effet patrimonial, en énonçant « REPORTÉ la date de la séparation de biens […] au 26 décembre 2023 ». Cette fixation préserve la sécurité des rapports économiques en calant la rupture patrimoniale sur la cessation effective de la cohabitation et de la collaboration.

Ce choix s’inscrit dans une cohérence fonctionnelle avec les règles qui, en matière de divorce, permettent d’anticiper la date des effets entre époux. La solution réduit les frictions liquidatives en alignant l’état civil et la réalité des flux, ce qui limite les contestations sur l’imputation des dettes et des acquisitions postérieures à la rupture de fait.

Enfin, la juridiction souligne l’aboutissement possible de la séparation de corps, rappelant que « à la demande d’un époux le jugement de séparation de corps est converti de plein droit en jugement de divorce quand la séparation de corps a duré deux ans ». Ce rappel éclaire la portée de la mesure, transitoire ou définitive selon l’évolution de la situation, et offre une perspective claire aux époux quant à l’avenir de leur lien.

II. Mesures relatives aux enfants et au domicile familial

A. Autorité parentale, résidence et droit de visite
La décision prend appui sur l’intérêt de l’enfant, en « MAINTENANT l’exercice conjoint de l’autorité parentale par les deux parents ». Ce maintien consacre la coparentalité, sauf circonstances graves, et commande une coopération minimale sur les décisions importantes. La résidence des enfants est « FIXÉE […] au domicile de la mère », ce qui organise la stabilité matérielle et scolaire en fonction des données du dossier.

Le droit de visite est organisé avec souplesse et garde-fous. La juridiction indique que « le père exercera son droit de visite de manière libre », puis prévoit, « en cas de difficultés, de manière réglementée ». Ce double étage répond à une exigence de pragmatisme, la liberté favorisant l’autonomie des familles et la clause supplétive servant de filet de sécurité. Les horaires précisés assurent un cadre prévisible, tandis que la règle de renonciation en cas de retard d’une heure prévient les conflits d’interprétation et responsabilise le titulaire du droit.

La combinaison de ces mesures reflète une conciliation entre la stabilité du lieu de vie, la continuité des liens avec chaque parent et l’impératif d’exécution. Elle traduit une logique d’apaisement, conforme aux lignes directrices de la jurisprudence récente en matière d’organisation de la vie des enfants.

B. Contribution alimentaire, intermédiation financière et garanties d’exécution
La contribution à l’entretien et à l’éducation est déterminée dans un montant forfaitaire par enfant, sous contrôle de proportionnalité. La décision prévoit une revalorisation automatique et l’activation de l’intermédiation financière. Elle énonce « DIT que la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants […] sera versée […] par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations familiales en application du dernier alinéa du II de l’article 373-2-2 du Code civil ; ». Ce mécanisme sécurise le paiement, simplifie les relations entre parents et renforce l’effectivité de la contribution. L’option est désormais de droit commun, sauf exception, et répond à l’objectif de lutte contre les impayés.

La juridiction complète ce dispositif par l’indexation, en disposant que « ces pensions seront réévaluées le 1er janvier de chaque année », selon l’indice publié par l’INSEE. La charge de calcul pèse sur le débiteur, explicitement rappelée, ce qui favorise une mise à jour régulière des montants sans contentieux récurrent. Les rappels pénaux en cas de défaillance renforcent l’arsenal d’effectivité, dans une perspective de prévention plus que de répression.

S’agissant du logement familial, le jugement attribue le droit au bail au parent chez lequel la résidence des enfants est fixée. La mention « ATTRIBUE le droit au bail relatif à l’ancien domicile conjugal » s’inscrit dans la logique de protection du cadre de vie des enfants et se concilie avec les textes permettant d’attribuer le bail à l’époux le plus directement impliqué dans leur hébergement. L’alignement entre résidence habituelle et jouissance du bail limite les déplacements imposés et sécurise l’organisation quotidienne.

La cohérence d’ensemble tient enfin à l’exigence d’exécution rapide. La décision « RAPPELLE qu’en application de l’article 1074-1 du Code de procédure civile, les mesures […] sont exécutoires de droit à titre provisoire ». Cette exécution de droit répond à la nature des mesures, qui concernent des besoins immédiats et évolutifs. Elle évite des délais préjudiciables à l’intérêt des enfants et consacre la primauté de la solution matérielle sur l’aléa procédural.

L’arrêté d’ensemble conjugue ainsi clarté normative et effectivité pratique. Les rappels sur la publicité d’état civil et les conditions de reprise de vie commune complètent le cadre, en assurant lisibilité et opposabilité. D’un côté, la séparation de corps par acceptation du principe reçoit une mise en œuvre fidèle à ses textes, avec un réglage fin des effets patrimoniaux. De l’autre, l’architecture des mesures parentales et financières privilégie la stabilité des enfants, la prévisibilité des obligations et l’efficacité des garanties d’exécution. L’économie de la solution favorise l’apaisement et la sécurité juridique, tout en laissant ouverte la voie d’une conversion ultérieure en divorce si la séparation persiste.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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