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Le régime du congé pour vendre dans les locations meublées soulève des questions spécifiques tenant à l’articulation entre le droit commun du bail d’habitation et les dispositions propres aux logements meublés. Le Tribunal judiciaire de Marseille, dans un jugement rendu le 19 juin 2025, apporte des précisions utiles sur cette question.
Des propriétaires indivis avaient consenti, par acte sous seing privé du 29 juin 2020 à effet au 13 juillet 2020, un bail d’habitation portant sur un appartement meublé moyennant un loyer mensuel de 437,36 euros outre provisions sur charges. Le 21 mars 2024, les bailleurs ont fait délivrer au locataire un congé pour vendre à effet au 12 juillet 2024. Le preneur s’étant maintenu dans les lieux après cette date, les propriétaires l’ont assigné devant le juge des contentieux de la protection aux fins de validation du congé, d’expulsion et de condamnation au paiement de diverses sommes.
Le locataire, cité à étude, n’a pas comparu. Les bailleurs sollicitaient la validation du congé pour vendre, l’expulsion du preneur devenu occupant sans droit ni titre, sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation ainsi qu’au règlement d’un arriéré locatif actualisé à 11 729,58 euros, outre des dommages et intérêts.
La question posée au tribunal était celle de la validité du congé pour vendre délivré dans le cadre d’une location meublée, alors que ce congé n’indiquait pas le prix et les conditions de la vente projetée, ainsi que celle des conséquences à tirer du maintien dans les lieux du locataire après l’expiration du bail.
Le Tribunal judiciaire de Marseille valide le congé pour vendre et ordonne l’expulsion du locataire. Il retient que « s’agissant d’une location meublée, le congé pour vendre n’a pas à indiquer, à peine de nullité, le prix et les conditions de la vente projetée, l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n’étant pas applicable aux locations de logements meublés ». Le tribunal condamne le locataire au paiement d’une indemnité d’occupation et d’un arriéré locatif réduit à 7 519,64 euros, après déduction des réparations locatives et taxes non portées à la connaissance du défendeur.
Cette décision invite à examiner successivement le régime dérogatoire du congé pour vendre en matière de location meublée (I) puis les conséquences du maintien irrégulier dans les lieux sur l’obligation de restitution et les créances du bailleur (II).
I. Le régime dérogatoire du congé pour vendre en matière de location meublée
Le tribunal consacre la spécificité du congé pour vendre dans les baux meublés (A) tout en rappelant les conditions formelles communes à tout congé (B).
A. L’inapplicabilité du formalisme protecteur de l’article 15 aux locations meublées
Le tribunal énonce clairement que « s’agissant d’une location meublée, le congé pour vendre n’a pas à indiquer, à peine de nullité, le prix et les conditions de la vente projetée ». Cette solution repose sur l’exclusion expresse de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 du champ des locations meublées.
L’article 15 de la loi précitée impose en effet, pour les locations nues, que le congé pour vendre indique le prix et les conditions de la vente et vaut offre de vente au profit du locataire. Ce droit de préemption du locataire constitue une protection substantielle destinée à lui permettre d’acquérir le logement qu’il occupe. La décision commentée confirme que cette protection ne s’étend pas aux locations meublées régies par les articles 25-3 et suivants de la même loi.
Cette différence de traitement s’explique par la nature distincte des deux types de location. Le bail meublé répond souvent à des besoins de logement plus temporaires ou transitoires. Le législateur a estimé que le locataire d’un meublé n’avait pas vocation à bénéficier du même degré de protection que celui d’un logement nu, destiné en principe à constituer sa résidence principale durable.
B. Le respect des conditions formelles du congé pour vendre en location meublée
Si le congé pour vendre en matière de location meublée échappe au formalisme de l’article 15, il demeure soumis aux exigences de l’article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989. Le tribunal vérifie ainsi que le congé a été délivré avec un préavis de trois mois avant l’expiration du bail et qu’il était motivé.
La décision relève que le congé a été signifié le 21 mars 2024 pour un bail expirant le 12 juillet 2024, soit plus de trois mois avant le terme. Cette condition temporelle est respectée. Le congé indiquait par ailleurs le motif de vente, satisfaisant ainsi à l’exigence de motivation posée à peine de nullité par le texte.
Le tribunal note également que « ce congé pour vente, qui n’est d’ailleurs pas contesté par Monsieur [le locataire], sera ainsi déclaré valable ». L’absence de contestation facilite la validation mais le juge vérifie néanmoins la régularité formelle, conformément à l’article 472 du code de procédure civile qui lui impose de ne faire droit à la demande que si elle est régulière et bien fondée.
II. Les conséquences du maintien irrégulier dans les lieux
La validation du congé emporte des conséquences sur la situation du locataire devenu occupant sans titre (A) et sur le règlement des créances du bailleur (B).
A. La qualification d’occupant sans droit ni titre et l’ordre d’expulsion
Le tribunal constate que le locataire « se trouve occupant sans droit ni titre du logement depuis le 12 juillet 2024 ». Cette qualification résulte mécaniquement de la fin du bail à la date d’effet du congé. Le preneur qui se maintient dans les lieux après cette date ne bénéficie plus d’aucun titre juridique l’autorisant à occuper le logement.
Le juge ordonne l’expulsion selon les modalités prévues par le droit commun. Il rappelle que le bailleur pourra y faire procéder « deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux », conformément à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution. Il mentionne également la trêve hivernale qui suspend l’exécution des mesures d’expulsion du 1er novembre au 31 mars.
L’indemnité d’occupation est fixée « au montant du dernier loyer et des charges soit 520,51 euros ». Cette somme correspond à la contrepartie de l’occupation des lieux sans titre. Elle présente un caractère mixte, à la fois indemnitaire et compensatoire de la jouissance du bien. Le tribunal refuse en revanche d’allouer des dommages et intérêts supplémentaires « à défaut de démonstration d’un préjudice distinct de celui réparé par les indemnités d’occupation ».
B. L’encadrement de la créance locative par le respect du contradictoire
Le tribunal procède à un contrôle rigoureux de la créance sollicitée par les bailleurs. Il réduit la somme demandée de 11 729,58 euros à 7 519,64 euros. Cette réduction s’explique par la déduction de deux postes : les réparations locatives d’un montant de 3 958,94 euros et la taxe sur les ordures ménagères pour les années 2023 et 2024.
Le juge justifie cette déduction par le respect du principe du contradictoire. Il relève que « les requérants ne justifiant pas avoir portée cette somme à la connaissance du défendeur ». Cette motivation illustre la vigilance du juge même lorsque le défendeur ne comparaît pas. L’article 472 du code de procédure civile impose en effet au juge de vérifier le bien-fondé de la demande.
La taxe sur les ordures ménagères est également écartée car « par ailleurs non justifiée ». Le bailleur supporte ainsi la charge de la preuve de l’existence et du montant de sa créance, conformément à l’article 1353 du code civil que le tribunal prend soin de viser. Cette exigence probatoire s’applique à chaque poste de la créance réclamée.