Tribunal judiciaire de Marseille, le 19 juin 2025, n°24/07270

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Par une ordonnance de référé rendue le 11 septembre 2025 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille, un litige locatif ancien a été tranché sous l’angle de la clause résolutoire et de l’allocation d’une provision. Un bail d’habitation conclu en 1996 portait sur un logement dont les loyers et charges ont cessé d’être intégralement réglés, entraînant la délivrance d’un commandement de payer le 5 août 2024 pour 1 429,44 euros. Les défendeurs n’ont pas comparu, tandis que la bailleresse a actualisé sa créance à plusieurs reprises et sollicité la résiliation, l’expulsion et une indemnité d’occupation.

La procédure a respecté les formalités préalables imposées par la loi du 6 juillet 1989, la notification à la commission compétente intervenant le 7 août 2024 et la dénonciation à la préfecture le 19 novembre 2024. L’assignation en référé a été délivrée le 23 octobre 2024, une réouverture des débats ayant en outre été ordonnée pour produire les conditions particulières du bail et les éléments relatifs à une éventuelle solidarité. La bailleresse a indiqué ne pas s’opposer à des délais de paiement, tandis que les défendeurs sont demeurés défaillants. Le juge a rappelé qu’« il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée ».

La question de droit portait, d’une part, sur la possibilité de constater en référé l’acquisition de la clause résolutoire à défaut de purge du commandement et, d’autre part, sur les conditions d’une condamnation provisionnelle en l’absence de contestation sérieuse. Elle impliquait aussi de déterminer si la solidarité pouvait être retenue contre l’occupant non signataire du bail, en l’absence de preuve d’un lien matrimonial ou d’une clause expresse. Le juge a retenu que « les sommes visées au commandement n’ont pas été intégralement payées dans le délai imparti », de sorte que « la clause résolutoire est acquise » et que la résiliation prend effet au 5 octobre 2024, l’expulsion et l’indemnité d’occupation étant ordonnées. Il a également relevé que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier », pour allouer une somme provisionnelle calculée d’après le décompte locatif actualisé. En revanche, faute de justification probante, aucune solidarité n’a été retenue et les demandes dirigées contre l’occupant non signataire ont été rejetées.

I. Les fondements et la cohérence du raisonnement

A. Le contrôle de recevabilité et l’office du juge des référés
Le juge vérifie d’abord la régularité des diligences imposées par la loi de 1989, dont le régime protecteur est expressément rappelé. L’ordonnance énonce que le texte présente un « caractère d’ordre public de protection », ce qui commande un examen strict des notifications préalables et de la temporisation procédurale. S’agissant de la défaillance des défendeurs, l’article 472 du code de procédure civile est mobilisé pour rappeler que le contrôle juridictionnel demeure entier, le juge ne pouvant accueillir que des prétentions régulières, recevables et bien fondées.

L’office du juge des référés est ensuite circonscrit par les articles 834 et 835 du code de procédure civile. L’ordonnance cite que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier », assortissant ainsi la demande de provision à l’exigence classique d’une obligation non sérieusement contestable. L’absence de comparution ne vaut pas aveu ni renversement de la charge de la preuve ; elle oblige seulement à apprécier les pièces adverses à l’aune d’un standard probatoire allégé et d’un risque limité d’erreur.

B. L’acquisition de la clause résolutoire et ses suites
Le cœur du litige tient à l’efficacité de la clause résolutoire après délivrance d’un commandement non purgé. Le juge constate, par une motivation sobre et ciblée, que « les sommes visées au commandement n’ont pas été intégralement payées dans le délai imparti ». Cette phrase suffit à emporter la conséquence logique, poursuivie par le visa légal des articles 7 et 24 de la loi de 1989, à savoir que « la clause résolutoire est acquise ». La résiliation est donc retenue, avec fixation d’une date d’effet et articulation d’une indemnité d’occupation au montant du loyer et des charges « tels que si le contrat s’était poursuivi ».

L’ordonnance préserve toutefois les délais protecteurs du code des procédures civiles d’exécution. Elle affirme qu’« aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifie que le délai de deux mois […] soit réduit ou supprimé ». Le respect de ce délai de grâce, combiné à l’exécution provisoire de droit des décisions de référé, ménage l’équilibre entre l’impératif de cessation du trouble locatif et la protection du logement. Enfin, la neutralisation des postes étrangers à la dette principale (frais non justifiés) confirme la rigueur attendue des décomptes.

II. La valeur et la portée de la solution

A. L’exigence probatoire en matière de solidarité et la rigueur des imputations
Le juge écarte la solidarité faute de preuve de la qualité de co‑locataire ou d’époux, et de toute clause expresse. Ce choix s’inscrit dans la ligne d’un droit positif qui ne présume pas la solidarité en bail d’habitation, sauf texte ou stipulation claire. La motivation, pragmatique et exigeante, rappelle que les prétentions dirigées contre un occupant non signataire requièrent des éléments probants spécifiques et récents, notamment lorsque la procédure est en référé.

Cette rigueur protège utilement l’occupant non engagé par une signature, sans pour autant fragiliser la position de la bailleresse contre le débiteur certain. La formule « les condamnations ne seront pas assorties de la solidarité » traduit une discipline juridique salutaire, cohérente avec l’ensemble du dispositif légal applicable. Elle incite les praticiens à documenter sans lacune la chaîne contractuelle et les éventuels fondements légaux de solidarité.

B. L’articulation entre résiliation en référé et provision, et ses effets pratiques
L’ordonnance illustre l’efficacité du référé locatif lorsque l’obligation de paiement n’est pas sérieusement contestable. La combinaison de la constatation de la clause résolutoire et de l’allocation d’une provision, sur la base d’un décompte actualisé et épuré des frais non justifiés, offre une réponse rapide et proportionnée au défaut de paiement. Elle s’inscrit dans la logique textuelle selon laquelle, « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ».

La portée pratique est nette. D’un côté, l’ordonnance sécurise la créance et l’indemnité d’occupation, en les calibrant sur des éléments objectifs et vérifiables. De l’autre, elle maintient le délai légal d’éviction, évitant toute précipitation dans la rupture de la jouissance et favorisant, le cas échéant, des régularisations. La mention selon laquelle « les ordonnances de référé sont de plein droit exécutoires à titre provisoire » parachève un équilibre entre célérité d’exécution et garanties minimales, confirmant la vocation du juge des référés à prévenir le dommage et à faire cesser le trouble manifestement illicite.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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