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La clause résolutoire constitue un mécanisme central du droit du bail à usage d’habitation, permettant au bailleur de mettre fin au contrat en cas de manquement du locataire à ses obligations essentielles. Son jeu automatique, tempéré par un délai légal de régularisation, cristallise l’équilibre délicat entre protection du droit de propriété et sauvegarde du droit au logement. L’ordonnance rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille le 11 septembre 2025 illustre le fonctionnement de ce mécanisme dans un contentieux locatif classique.
En l’espèce, un bail d’habitation portant sur un appartement et un stationnement avait été conclu le 30 novembre 2020, moyennant un loyer mensuel de 760,16 euros outre des provisions sur charges de 163,60 euros. Des impayés s’étant accumulés, le bailleur, société d’habitat social, a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire le 4 janvier 2023, pour un arriéré de 2 835,43 euros. Ce commandement ayant été suivi d’effet insuffisant, le bailleur a assigné la locataire en référé par acte du 3 avril 2025. La dette actualisée s’élevait à 1 552,94 euros au jour de l’audience du 19 juin 2025. La locataire, régulièrement citée à domicile, n’a pas comparu.
Le juge devait déterminer si les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire étaient réunies et, dans l’affirmative, en tirer les conséquences sur le plan de l’expulsion et de la créance locative.
Le juge des contentieux de la protection a constaté l’acquisition de la clause résolutoire à effet au 4 mars 2023, ordonné l’expulsion de la locataire et l’a condamnée au paiement d’une provision de 1 552,94 euros ainsi qu’au versement d’une indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à libération effective des lieux.
Cette décision appelle un examen portant sur le mécanisme de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation (I) puis sur les conséquences de son acquisition (II).
I. Le mécanisme de la clause résolutoire dans le bail d’habitation
La mise en œuvre de la clause résolutoire obéit à un formalisme protecteur du locataire (A) dont le non-respect des délais de régularisation entraîne l’acquisition automatique (B).
A. Un formalisme protecteur encadrant la délivrance du commandement
Le législateur a soumis la clause résolutoire à des conditions strictes destinées à garantir au locataire une possibilité effective de régulariser sa situation. L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 impose ainsi la délivrance d’un commandement de payer reproduisant certaines mentions obligatoires et accordant un délai minimum de deux mois au locataire pour s’acquitter de sa dette.
L’ordonnance relève que le commandement de payer a été signifié le 4 janvier 2023 pour un arriéré de 2 835,43 euros. Le juge constate que ce commandement vise la clause résolutoire, ce qui constitue une condition de validité essentielle. Par ailleurs, le bailleur a procédé à la notification préalable à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions, conformément aux dispositions de l’article 24 I de la loi précitée. Cette formalité, accomplie le 5 janvier 2023, conditionne la recevabilité de l’action en justice.
Le caractère d’ordre public de ces dispositions, rappelé par le juge, traduit la volonté du législateur de faire de ce délai de deux mois un minimum incompressible durant lequel « les effets de clause résolutoire sont neutralisés ». Cette formulation souligne que le locataire bénéficie d’une protection procédurale lui permettant, en théorie, de préserver son bail en régularisant sa dette dans le temps imparti.
B. L’acquisition automatique de la clause résolutoire
Le juge constate que « les sommes visées au commandement n’ont pas été intégralement payées dans le délai imparti ». Cette formulation, d’une sobriété caractéristique du contrôle en référé, suffit à établir la défaillance de la locataire. Le non-paiement intégral dans le délai de deux mois déclenche le jeu automatique de la clause résolutoire.
La clause résolutoire produit ses effets de plein droit, sans que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de la résiliation. Son rôle se limite à constater la réunion des conditions légales et contractuelles. Le juge indique ainsi qu’il convient de « constater la résiliation du bail à effet au 4 mars 2023 », soit précisément deux mois après la délivrance du commandement.
Cette automaticité distingue la clause résolutoire de la résiliation judiciaire, qui suppose une appréciation du juge sur la gravité des manquements. Elle confère au bailleur une sécurité juridique appréciable tout en exposant le locataire défaillant à une perte rapide de son titre d’occupation.
II. Les conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire
L’acquisition de la clause résolutoire emporte des effets sur l’occupation des lieux (A) et sur les obligations pécuniaires du locataire (B).
A. L’expulsion et ses modalités d’exécution
Le juge ordonne à la locataire de libérer les lieux dans un délai de sept jours à compter de la signification de l’ordonnance. À défaut d’exécution volontaire, le bailleur pourra faire procéder à l’expulsion deux mois après signification d’un commandement de quitter les lieux, conformément aux articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.
L’ordonnance précise qu’« aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifie que le délai de deux mois soit réduit ou supprimé ». Cette mention traduit l’absence de demande en ce sens de la part du bailleur et l’absence de circonstances exceptionnelles qui auraient pu justifier une mesure dérogatoire. Le délai de deux mois constitue ainsi un minimum légal protégeant le locataire expulsé.
Le sort des meubles et objets mobiliers est renvoyé aux dispositions de l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution, qui organise leur conservation ou leur vente. Cette référence illustre le souci de l’ordonnance de couvrir l’ensemble des aspects pratiques de l’expulsion.
B. Les condamnations pécuniaires à titre provisionnel
La résiliation du bail ne libère pas le locataire de ses obligations financières. Le juge condamne la locataire au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle « d’un montant égal à celui du loyer et des charges, tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi ». Cette indemnité compense l’occupation sans titre depuis l’acquisition de la clause résolutoire et court du 5 mars 2023 jusqu’à la libération effective des lieux.
S’agissant de l’arriéré locatif, le juge procède à une vérification de la créance en écartant certains postes injustifiés. L’ordonnance mentionne la « déduction faite des frais de procédure, d’enquête et de rejet de prélèvement, injustifiés ». Cette vigilance du juge, même en l’absence de comparution du défendeur, traduit l’application de l’article 472 du code de procédure civile imposant de ne faire droit à la demande que « dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée ».
La condamnation porte finalement sur une somme de 1 552,94 euros à titre provisionnel, assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation. Le caractère provisionnel de cette condamnation découle de la nature du référé, qui ne tranche pas définitivement le fond du litige mais statue sur des obligations non sérieusement contestables. La non-comparution de la locataire n’a pas fait obstacle à ce contrôle minimal, le juge des référés conservant son office même face à un défendeur défaillant.