Tribunal judiciaire de Marseille, le 20 juin 2025, n°25/06371

Le contrôle judiciaire des hospitalisations psychiatriques sous contrainte constitue une garantie fondamentale des libertés individuelles. Cette exigence procédurale, issue de la loi du 5 juillet 2011 modifiée, impose au juge des libertés et de la détention de statuer sur le maintien de toute mesure d’hospitalisation complète dans un délai de douze jours. L’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Marseille le 20 juin 2025 illustre parfaitement ce mécanisme de sauvegarde.

En l’espèce, une patiente a été admise en soins psychiatriques sous le régime de l’hospitalisation complète le 12 juin 2025. Cette admission résultait d’une décompensation délirante accompagnée d’agressivité, survenue dans un contexte de rupture médicamenteuse. Le directeur de l’établissement hospitalier a saisi le magistrat du siège le 18 juin 2025, conformément au contrôle obligatoire prévu par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Le 20 juin 2025, l’affaire a été appelée devant le tribunal judiciaire de Marseille. La patiente n’a pas comparu, un certificat médical attestant qu’elle refusait de se rendre à l’audience. Un avocat commis d’office la représentait et s’en est rapporté à justice tant sur la forme que sur le fond. Le ministère public avait préalablement émis un avis favorable au maintien de l’hospitalisation complète.

La question posée au juge était de déterminer si les conditions légales de maintien de l’hospitalisation complète étaient réunies, tant sur le plan procédural que sur le plan médical.

Le tribunal judiciaire de Marseille a autorisé la poursuite des soins psychiatriques sous la forme de l’hospitalisation complète, après avoir constaté la régularité de la procédure et la nécessité médicale du maintien de la mesure.

Cette décision invite à examiner successivement le contrôle de régularité formelle opéré par le juge (I), puis l’appréciation de la nécessité médicale justifiant le maintien de l’hospitalisation (II).

I. Le contrôle de régularité formelle de la procédure d’hospitalisation contrainte

Le juge vérifie en premier lieu le respect des délais légaux encadrant sa saisine (A), avant de s’assurer de l’effectivité des garanties procédurales accordées au patient (B).

A. La vérification du respect des délais légaux de saisine

L’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique impose un double délai : le juge doit être saisi dans les huit jours suivant l’admission et statuer avant l’expiration d’un délai de douze jours. Ces délais constituent une garantie essentielle contre les hospitalisations arbitraires.

En l’espèce, l’admission datant du 12 juin 2025, le délai de douze jours expirait le 23 juin 2025. Le magistrat constate que « les conditions énoncées dans ces textes ont été respectées » et que « la saisine en vue du contrôle a été émise dans les formes et délais des articles R 3211-10 du Code de la Santé Publique ». Cette vérification systématique traduit l’exigence de rigueur imposée par le législateur.

Le respect de ces délais n’est pas une simple formalité administrative. Il constitue la traduction procédurale du principe constitutionnel selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu. La Cour de cassation sanctionne régulièrement les décisions rendues hors délai par la mainlevée de la mesure.

B. L’effectivité des garanties procédurales accordées au patient

Le code de la santé publique organise un ensemble de garanties au bénéfice de la personne hospitalisée. L’article R. 3211-11 impose notamment des communications et avis préalables. L’ordonnance mentionne expressément que ces formalités ont été accomplies par le greffe.

La représentation par avocat constitue une garantie cardinale. L’article L. 3211-12-2 alinéa 2 prévoit la désignation d’un avocat commis d’office lorsque le patient n’a pas fait le choix d’un conseil. Cette disposition assure la représentation effective de personnes dont l’état de santé peut altérer la capacité à organiser leur défense.

La publicité des débats participe également de ces garanties. L’ordonnance précise que « les parties n’ont pas sollicité le huis clos » et que « les débats ont donc été publics ». Cette transparence procédurale renforce le caractère contradictoire de l’instance. Le patient peut toutefois solliciter le huis clos pour préserver sa vie privée, ce qui témoigne de l’équilibre recherché par le législateur entre protection des libertés et respect de l’intimité.

II. L’appréciation de la nécessité médicale du maintien de l’hospitalisation

Le juge apprécie la nécessité du maintien de la mesure au regard des éléments médicaux versés au dossier (A), tout en exerçant un contrôle dont l’intensité demeure limitée par la technicité psychiatrique (B).

A. L’examen des éléments médicaux justifiant le maintien de la mesure

Le magistrat fonde son appréciation sur les certificats médicaux produits et sur les éléments recueillis lors de l’audience. L’ordonnance retient qu’« il résulte du dossier et des débats que l’hospitalisation complète continue à s’imposer ».

Les motifs médicaux sont précisément identifiés. La patiente a été hospitalisée « suite à décompensation délirante avec agressivité dans un contexte de rupture médicamenteuse ». L’état clinique actuel est caractérisé : « le discours demeure désorganisé, ambivalent et sous tendu par des injonctions hallucinatoires ». Ces éléments établissent la persistance des troubles ayant justifié l’admission.

Le refus de comparaître constitue un élément d’appréciation supplémentaire. Le certificat du docteur en date du 20 juin 2025 atteste que la patiente « refuse de se rendre à l’audience ». Ce refus, s’il ne peut à lui seul justifier le maintien de l’hospitalisation, témoigne d’un défaut d’adhésion aux soins que le juge prend en considération dans son appréciation globale.

B. Les limites du contrôle juridictionnel face à l’expertise psychiatrique

Le juge des libertés opère un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte à la liberté individuelle et la nécessité de protéger la personne ou autrui. Ce contrôle demeure toutefois tributaire des éléments médicaux qui lui sont soumis.

L’ordonnance illustre cette dépendance. Le magistrat reprend les conclusions médicales sans les discuter ni les contredire. La formulation « qu’en effet » introduit une motivation qui s’apparente davantage à un constat qu’à une véritable analyse critique. Cette déférence envers l’expertise psychiatrique s’explique par la technicité de la matière.

La brièveté de la motivation suscite néanmoins une interrogation. Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme exigent un contrôle effectif et non simplement formel. La motivation doit permettre de comprendre les raisons pour lesquelles l’hospitalisation demeure nécessaire. En l’espèce, la persistance des symptômes délirants et hallucinatoires justifie le maintien, mais le juge n’explicite pas pourquoi une prise en charge ambulatoire serait inadaptée.

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante privilégiant le maintien de l’hospitalisation lorsque les troubles persistent et que l’adhésion aux soins fait défaut. Elle rappelle que le contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques, s’il constitue une garantie fondamentale, demeure largement conditionné par l’appréciation médicale de l’état du patient.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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