Tribunal judiciaire de Marseille, le 9 septembre 2025, n°23/00480

Le tribunal judiciaire de [Localité 21], pôle social, a rendu le 9 septembre 2025 un jugement relatif à l’opposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge d’une pathologie non désignée par tableau. Le litige naît d’une déclaration de maladie professionnelle pour une leucémie, suivie d’un avis favorable d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et d’une décision de prise en charge par la caisse.

Les faits tiennent à l’exposition alléguée, au sein de la dernière entreprise, à des solvants pétroliers, sous le contrôle du service médical ayant estimé un taux d’incapacité prévisible supérieur au seuil réglementaire. La caisse a saisi le comité régional, puis notifié la prise en charge. L’employeur a saisi la commission de recours amiable, puis le pôle social, et un autre comité régional a été désigné pour avis, également favorable. L’audience a été tenue au mois de juin 2025.

L’employeur invoquait l’inopposabilité par quatre moyens de forme, sans contester le fond: respect du contradictoire et des délais de l’article R. 461-10, information sur la date de première constatation médicale, régularité de l’avis du comité en l’absence d’avis du médecin du travail, et caractère incomplet de l’enquête faute d’interroger un précédent employeur. La caisse concluait à l’opposabilité, en soulignant la communication des délais et du dossier, la régularité de la procédure et l’absence d’obligation légale de solliciter l’avis du médecin du travail depuis le décret de 2019.

La question posée était de savoir si des irrégularités procédurales dans l’instruction d’une maladie hors tableau, soumise à l’avis d’un comité régional, emportent inopposabilité de la décision à l’employeur. Le jugement rejette l’ensemble des moyens, rappelant notamment que « Cet article vise à assurer, au cours de l’instruction d’une déclaration de maladie professionnelle, le respect du principe du contradictoire. » La solution se conforme à un arrêt récent de la deuxième chambre civile et retient la régularité de l’instruction, puis l’opposabilité de la prise en charge.

I. La consécration d’un contradictoire effectif et utile dans l’instruction CRRMP

A. Le point de départ des délais et la sanction ciblée du dernier segment
Le tribunal applique l’interprétation posée par la deuxième chambre civile le 5 juin 2025 (n° 23-11.391), en retenant le départ des quarante jours à la saisine du comité régional, et en cantonnant la sanction d’inopposabilité au dernier sous-délai. La motivation reprend fidèlement les enseignements suivants: « Le délai de 40 jours, comme celui de 120 jours […] commence à courir à compter de la date à laquelle le [15] est saisi par la caisse »; « L’inobservation du délai de 30 jours n’entraîne pas l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse »; « Seule l’inobservation du dernier délai de 10 jours […] est sanctionnée par l’inopposabilité, à l’égard de l’employeur. »

En l’espèce, la saisine du comité régional par la caisse à la date déterminée fixait le calendrier, l’employeur disposant des trente jours pour consulter et compléter, puis des dix jours ultimes pour consulter et formuler des observations. Les échéances ont été notifiées avec date certaine, de sorte que le juge constate le respect du contradictoire. L’irrégularité alléguée sur le délai de trente jours est justement écartée, conforme au standard dégagé par la Cour de cassation, qui réserve la sanction au dernier segment, seul garant d’un débat sur dossier complet.

B. L’information sur la première constatation médicale et l’accès au dossier
Le tribunal vérifie ensuite l’information sur la date de première constatation médicale à la lumière des articles R. 461-9 et R. 441-14, leur exigence portant sur la transmission de la déclaration et du certificat médical initial, et la mise à disposition du dossier. Le juge relève que la date retenue par le service du contrôle médical concorde avec celle figurant dans le certificat initial figurant au dossier accessible à l’employeur.

La motivation précise que la caisse a satisfait à son obligation d’information et de communication, et rappelle la finalité de la phase contradictoire déjà citée. Les juges en concluent, sans ambiguïté, que « En conséquence, ce moyen sera rejeté. » La portée de cette solution souligne que la connaissance de l’élément médical décisif résulte de la consultation du dossier plutôt que d’une formalité autonome excédant les textes.

II. Les exigences probatoires postérieures au décret de 2019 et la centralité du dernier employeur

A. L’avis du médecin du travail: de l’obligation prétorienne à la faculté textuelle
Le tribunal replace la discussion dans l’évolution normative issue du décret n° 2019-356, modifiant l’article D. 461-29. Antérieurement, la jurisprudence sanctionnait l’absence d’avis du médecin du travail hors impossibilité justifiée (Civ. 2e, 24 septembre 2020, n° 19-17.553). Désormais, la demande d’avis est possible, mais n’est plus constitutive d’une obligation procédurale dont l’inexécution fragiliserait l’avis du comité.

La décision retient ainsi que « les articles R.461-9 et D.461-29 du code de la sécurité sociale susvisé, applicable à compter du 1er décembre 2019, ne prévoient plus d’obligation pour la caisse de solliciter l’avis motivé du médecin du travail. » Il n’est donc pas requis de démontrer des relances ni une impossibilité matérielle, la régularité de l’avis du comité s’appréciant au regard des pièces utiles et suffisantes réunies, sans automatisme d’inopposabilité.

B. Le périmètre de l’enquête, le rôle du dernier employeur et la solidité des avis
S’agissant de l’enquête, les juges rappellent le principe directeur: « Il est de jurisprudence constante que la maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. » La caisse instruit donc à l’égard du dernier employeur, sans obligation en l’état des textes d’interroger systématiquement les précédents.

Le contentieux de répartition des charges trouve remède devant le compte spécial, qui offre un relais utile en cas d’expositions successives indéterminables. Cette économie d’instruction n’affaiblit pas l’examen du lien, d’autant que les avis concordants des comités sont circonstanciés. Le jugement cite l’un d’eux: « En outre, il n’existe pas, dans ce dossier, de facteurs de risques extra professionnels pour cette pathologie et le caractère essentiel du lien peut être retenu. » Les juges soulignent la convergence des deux comités, éléments déterminants en l’absence de critique au fond de l’employeur.

Ainsi, l’ensemble des moyens de forme est écarté, la procédure d’instruction respectée, et la décision de prise en charge déclarée opposable à l’employeur par le tribunal judiciaire de [Localité 21], le 9 septembre 2025.

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Hassan KOHEN
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