Tribunal judiciaire de Marseille, le 9 septembre 2025, n°25/02692

Le Tribunal judiciaire de Marseille, 9 septembre 2025 (n° RG 25/02692), statuant en dernier ressort, a déclaré irrecevable une saisine introduite dans un litige d’indu d’indemnités journalières. L’assuré avait contesté une notification d’indu du 21 mai 2025, relative à une période de versement comprise entre janvier et avril 2025. Une réclamation préalable avait été adressée à la commission de recours amiable le 2 juin 2025, puis la juridiction avait été saisie le 19 juin 2025, avant l’expiration du délai laissé à la commission pour statuer. La juridiction a retenu que la requête était prématurée, au regard du caractère obligatoire et préalable du recours amiable en la matière.

La procédure présente un déroulement simple et décisif. Après la notification d’indu, l’assuré a formé un recours préalable dans les deux mois, ce qui est rappelé comme exigé par les textes. La saisine juridictionnelle est alors intervenue avant l’acquisition d’un rejet implicite, calculé à l’issue d’un délai de deux mois à compter de la réception de la réclamation. Le débat porte sur la régularité de cette saisine anticipée et sur la possibilité, ouverte par les textes, de constater l’irrecevabilité manifeste par ordonnance.

La question de droit se concentre sur l’articulation du recours administratif préalable obligatoire et de la saisine contentieuse du pôle social. Elle appelle la détermination du point de départ et du terme du délai de deux mois, ainsi que l’identification de la sanction attachée à la méconnaissance de cette étape préalable. La solution retient l’irrecevabilité manifeste de la requête, la juridiction indiquant expressément que « Par conséquent, la requête, prématurée, est manifestement irrecevable. »

I) Le recours préalable obligatoire en contentieux social

A) Le cadre légal et ses finalités

La juridiction rappelle avec netteté le principe gouvernant ce contentieux. Elle cite que « les réclamations formées contre les décisions des organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont précédées d’un recours préalable auprès d’une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme. » Ce passage, repris des dispositions du code de la sécurité sociale, consacre un RAPO strict, posant une condition de recevabilité de l’action. Le recours préalable poursuit une double finalité d’économie procédurale et de dialogue administratif, afin de régler en amont des désaccords techniques et chiffrés.

Le texte applicable organise également la naissance du rejet implicite et son calendrier. La juridiction énonce que « lorsque la décision du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale ou de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l’intéressé peut considérer sa demande comme rejetée, étant souligné que le délai de deux mois court à compter de la réception de la réclamation par l’organisme de sécurité sociale, sauf si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, auquel cas le délai ne court qu’à dater de la réception de ces documents. » L’extrait précise le point de départ du délai, sa suspension en cas de pièces complémentaires, et le mécanisme de décision implicite. La structure du RAPO se présente ainsi comme un sas contentieux nécessaire, ouvrant la voie au juge seulement après maturation de la réponse administrative.

B) L’application chronologique au litige

L’espèce met en relief le rôle déterminant des dates. La réclamation a été adressée le 2 juin 2025, de sorte que la commission disposait, en principe, jusqu’au 2 août 2025 pour statuer, sauf remise de pièces ultérieures. La saisine du 19 juin 2025 est donc intervenue avant l’écoulement du délai, alors qu’aucun rejet explicite ou implicite n’était acquis. La juridiction en déduit la prématurité de la requête, laquelle ne pouvait suppléer la phase amiable obligatoire ni la devancer.

Cette lecture, fidèle aux textes, se justifie par l’économie générale du contentieux social. Elle préserve la compétence de la commission, autorité de filtrage et d’ajustement, avant l’intervention du juge. Elle garantit aussi la sécurité des délais, en évitant des chevauchements nuisibles à la clarté des voies de recours et à la stabilité des positions des parties. La solution, rigoureuse, s’inscrit dans une logique de régulation préalable du litige, indispensable à un contentieux de masse.

II) La sanction de la saisine prématurée et ses effets

A) L’irrecevabilité manifeste prononcée par ordonnance

La juridiction fonde sa décision sur un pouvoir procédural précis. Elle rappelle que « le président de la formation de jugement peut, par ordonnance motivée, rejeter les requêtes manifestement irrecevables. » Ce mécanisme sommaire, strictement encadré, vise les hypothèses où le vice de recevabilité ressort immédiatement des pièces. La prématurité de la saisine, constatée par la simple comparaison des dates, relève de cette catégorie, ce qui justifie l’usage de l’ordonnance.

La formule conclusive est explicite et sans ambiguïté : « Par conséquent, la requête, prématurée, est manifestement irrecevable. » Le caractère manifeste tient au fait que l’acquisition du rejet implicite n’était pas encore intervenue, privant la juridiction de son office. L’intervention du juge est donc suspendue jusqu’à la fin du délai de deux mois, sauf décision explicite anticipée de la commission, laquelle rouvrirait alors la voie contentieuse dans les formes et délais légaux. La sanction remplit une fonction d’ordre public procédural, garantissant la hiérarchie et la temporalité des recours.

B) Portée pratique et garanties des justiciables

La décision comporte des enseignements pratiques clairs pour les plaideurs. Elle confirme que l’exercice du RAPO conditionne l’accès au juge, et que l’absence de réponse dans le délai ouvre seule la saisine contentieuse. Elle précise aussi la règle de calcul du délai en cas de production de documents complémentaires, afin d’éviter des erreurs fréquentes dans le déclenchement prématuré d’un recours. Il en résulte une exigence accrue de vigilance procédurale, particulièrement dans les contentieux d’indu où les délais se succèdent rapidement après notification.

La juridiction souligne, en outre, la persistance des voies de recours. Elle indique que « la présente ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à partir du jour où la décision est notifiée. » Cette mention assure le contrôle de la correcte application des règles de recevabilité par la juridiction suprême, sans priver le justiciable d’un examen juridictionnel au fond lorsque les conditions seront réunies. La portée de l’ordonnance tient donc moins à une fin de non-recevoir définitive qu’à une régulation temporelle du procès, en cohérence avec la structure du RAPO.

Ainsi, la solution renforce la discipline des voies préalables en contentieux social et invite à une gestion méthodique des délais. Elle rappelle que l’instance juridictionnelle n’a pas vocation à suppléer la phase amiable, mais à intervenir après son achèvement, selon un ordre procédural que le juge veille à maintenir avec constance.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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