- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par une ordonnance rendue le 9 septembre 2025, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a déclaré irrecevable une saisine en matière AT/MP. L’affaire naît d’un accident du travail survenu le 9 février 2023, à l’origine de soins et d’arrêts de travail contestés par l’employeur. L’employeur a saisi la commission médicale de recours amiable le 24 mars 2025, puis le juge le 24 juin 2025, invoquant déjà un rejet implicite. Le juge rappelle le recours préalable obligatoire et statue, par ordonnance de filtrage, sur la recevabilité de cette saisine présentée avant l’expiration du délai quadrimestriel. La question posée tient à l’admissibilité d’un recours juridictionnel engagé avant l’issue du délai prévu pour que le rejet implicite naisse de l’inaction de la commission. La solution retenue affirme le caractère prématuré de la saisine et mobilise les pouvoirs de rejet pour irrecevabilité manifeste. L’analyse portera d’abord sur le cadre légal et le raisonnement retenu, avant d’examiner la pertinence et la portée d’une telle irrecevabilité en contentieux social.
I. Le cadre légal du recours préalable et la logique du filtrage
A. L’exigence de saisine préalable de la CMRA
Le juge cite d’abord les textes régissant le recours préalable, en relevant que « Aux termes des articles L. 142-4 et R 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations formées contre les décisions des organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont précédées d’un recours préalable auprès d’une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme ». Il précise ensuite la temporalité de la saisine, rappelant que « Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation ». L’économie de la procédure se complète d’un mécanisme de rejet implicite, ainsi formulé dans l’ordonnance: « L’article R.142-8-5 du même code précise que l’absence de décision de l’organisme dans le délai de quatre mois à compter de l’introduction du recours préalable vaut rejet de la demande ». Appliqués aux dates de l’espèce, ces textes imposaient d’attendre l’issue du délai de quatre mois, la saisine juridictionnelle ayant été formée trois mois seulement après le recours préalable.
B. Le pouvoir de rejet pour irrecevabilité manifeste
Le fondement de l’ordonnance réside dans la faculté de filtrage, le juge rappelant que « Aux termes de l’article R. 142-10-2 du code de la sécurité sociale, le président de la formation de jugement peut, par ordonnance motivée, rejeter les requêtes manifestement irrecevables ». La chronologie est ensuite déterminante, l’ordonnance relevant « de sorte qu’à la date de saisine du pôle social, ladite commission, est toujours dans le délai pour statuer sur la réclamation ». La conclusion s’énonce sans détour: « Par conséquent, la requête, prématurée, est manifestement irrecevable. » Le juge opère ainsi un contrôle strict de l’exigence préalable et de son calendrier. Ce filtrage n’emporte aucune appréciation du fond, lequel demeure suspendu à l’épuisement de la voie amiable ou à la naissance du rejet implicite.
II. Pertinence et portée de l’irrecevabilité prématurée en AT/MP
A. Une solution conforme à l’économie du contentieux social
La décision protège la cohérence procédurale en préservant la phase médicale spécialisée, dont la CMRA constitue l’instance naturelle d’évaluation avant tout débat judiciaire. Elle sécurise également les délais de recours en fixant un point de départ certain, rattaché à la décision expresse ou à l’échéance du rejet implicite quadrimestriel. Le rappel des textes, inséré dans l’ordonnance, participe d’une pédagogie nécessaire sur un contentieux technique, où la précipitation expose à des fins de non-recevoir. Enfin, la mise en œuvre d’un rejet procédural préserve l’égalité des armes, en laissant sa chance au dialogue amiable devant la commission compétente.
B. Les limites pratiques et l’équilibre avec l’accès au juge
La rigueur du mécanisme peut toutefois prolonger l’incertitude pour les employeurs et assurés, surtout lorsque le litige porte sur l’imputabilité médicale de soins et arrêts de travail. Une alternative eût été un sursis à statuer, parfois retenu en matière sociale, mais le texte de filtrage autorise clairement l’écartement rapide des saisines prématurées. La voie de recours demeure ouverte, l’ordonnance rappelant que « En application de l’article 538 du code de procédure civile, la présente décision est susceptible d’appel dans le mois suivant sa notification ». La proportionnalité du filtrage se vérifie ainsi par la combinaison d’un délai raisonnable devant la commission et d’un contrôle judiciaire différé, mais pleinement effectif. À l’issue du délai de quatre mois, le justiciable retrouve la voie du juge, sans avoir perdu la maîtrise des délais grâce à un point de départ clair.