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Le tribunal judiciaire de Meaux, par ordonnance de référé du 18 juin 2025, a ordonné une expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile. La mesure intervient après un différend né d’un chantier de rénovation et de désordres techniques allégués.
La demanderesse avait confié des travaux de rénovation à l’entreprise défenderesse, versé deux acomptes importants, puis relevé divers désordres signalés par une note d’expertise amiable. Après mises en demeure réciproques et devis de reprise, elle a assigné en référé pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire.
La défenderesse n’a pas comparu; conformément à l’article 472, le juge a statué sur le fond en vérifiant la régularité, la recevabilité et le bien‑fondé. La question portait sur l’admissibilité d’une mesure in futurum en l’absence d’urgence, l’instance au fond n’étant pas engagée, et au regard des éléments déjà produits.
Le juge a rappelé le principe dans les termes suivants: « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Constatant un motif légitime et l’utilité de la mesure, il a ordonné l’expertise, fixé une consignation, et laissé les dépens à la charge de la demanderesse.
I – Le cadre et le contrôle de la mesure in futurum
A – Autonomie du fondement et critères directeurs
La juridiction affirme d’abord l’autonomie du dispositif, en ces termes précis: « Il est acquis que l’article 145 du code de procédure civile est un texte autonome auquel les conditions habituelles du référé ne sont pas applicables ». Elle ajoute que la mesure « n’est ainsi pas soumise à la condition d’urgence ou à la condition d’absence de contestation sérieuse ». Cette affirmation recentre le contrôle sur la finalité probatoire, sans exigence extrinsèque d’urgence, et cantonne l’office du juge à l’admissibilité.
Le contrôle est ensuite borné par la recevabilité temporelle et l’inapplicabilité de l’article 146. La règle de saisie préalable est explicitée ainsi: « La condition d’absence de saisine préalable des juges du fond s’apprécie au jour de la saisine du juge ». Le juge précise encore: « L’article 146 du code de procédure civile ne s’applique pas lorsque le juge est saisi d’une demande fondée sur l’article 145 ». L’office vise donc la plausibilité du litige potentiel et l’utilité propre de la mesure.
B – Motif légitime et utilité, appréciation in concreto
Le texte est éclairé par une définition opératoire, que reprend la décision: « Ce texte suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ». Cette formulation guide une appréciation concrète, épaulée par les éléments déjà versés.
La charge probatoire est allégée mais réelle: « Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur ». Ici, la note technique, les devis de reprise et les mises en demeure crédibilisent le motif.
L’utilité est explicitement caractérisée, dans une perspective contradictoire: « La mesure sollicitée au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile aura pour vertu de déterminer les désordres et les mesures réparatoires à apporter au contradictoire de chacune des parties. Elle aura également pour but de conserver et/ou établir des preuves avant, le cas échéant, tout procès au fond ». Le juge en déduit que l’outil probatoire est adapté et proportionné.
La conclusion s’impose alors, sans préjuger du fond: « Du tout, il résulte que les conditions d’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile sont réunies et qu’il convient d’ordonner la mesure d’expertise requise ». L’expertise est ainsi ordonnée, avec les garanties procédurales afférentes.
II – Portée pratique et garanties procédurales de l’expertise ordonnée
A – Préservation loyale de la preuve et encadrement des abus
Le juge rappelle une clause de neutralité essentielle: « Enfin, l’application de cet article n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé ». Cette neutralité préserve l’équilibre des débats ultérieurs et évite toute anticipation indue.
L’ordonnance encadre aussi l’utilité, pour prévenir les mesures dilatoires: « De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée ». L’expertise ne doit pas pallier une carence probatoire inexistante, ni servir une exploration générale.
Le périmètre des personnes visées est soigneusement limité: « La faculté prévue à l’article 145 du code de procédure civile ne saurait, en outre, être exercée à l’encontre d’un défendeur qui, manifestement, et en dehors même de toute discussion au fond, ne serait pas susceptible d’être mis en cause dans une action principale ». La mesure demeure ciblée et proportionnée, fidèle à sa finalité conservatoire.
B – Consignation, direction du juge et effets procéduraux
L’expertise est placée sous un contrôle juridictionnel étroit, garant du contradictoire et des délais. L’ordonnance prévoit: « Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises de ce tribunal ». Cette direction assure la discipline des opérations et la loyauté des échanges.
La consignation conditionne l’entrée en voie d’exécution de la mission, marquant l’engagement procédural de la demanderesse. L’ordonnance précise: « Fixons à la somme de 5000 € le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise ». La caducité est prévue en cas de défaut de consignation, ce qui responsabilise la partie initiatrice.
Le calendrier et le dépôt sont arrêtés avec précision pour garantir la célérité utile de la mesure. La décision indique que l’expert « déposera l’original de son rapport […] dans les SIX MOIS de sa saisine, sauf prorogation ». Elle rappelle, enfin, l’efficacité immédiate de la décision: « Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire ». L’ensemble confère à la mesure in futurum sécurité, efficacité et neutralité.