Tribunal judiciaire de Meaux, le 18 juin 2025, n°25/00825

Le tribunal judiciaire de Meaux, par ordonnance du 18 juin 2025 (n° RG 25/00825), s’est prononcé « statuant sur la poursuite d’une mesure d’isolement ». La personne hospitalisée en psychiatrie faisait l’objet d’un isolement mis en œuvre par l’équipe soignante, dans un contexte de prévention d’un risque allégué. Le directeur de l’établissement a saisi le juge pour obtenir la poursuite au‑delà des seuils, tandis que le ministère public était partie jointe conformément au régime des soins psychiatriques.

La juridiction a rendu une « ordonnance susceptible d’appel », « prononcée publiquement par sa mise à disposition au greffe le 18 juin 2025 à 16h38 ». Le dispositif décide enfin : « AUTORISONS le maintien de la mesure d’isolement ». La question de droit portait sur les conditions et l’intensité du contrôle juridictionnel d’une mesure d’isolement prolongée, au regard des exigences de nécessité, de proportionnalité, d’adaptation et de motivation. En autorisant la poursuite, le juge a estimé réunis les éléments médicaux et juridiques justifiant encore l’atteinte, faute d’alternative moins restrictive, pour une durée encadrée et sous surveillance renforcée.

I – Le contrôle juridictionnel de la poursuite de l’isolement

A – Nécessité, proportionnalité et ultime recours
L’isolement en psychiatrie demeure une mesure exceptionnelle, de dernier recours, destinée à prévenir un dommage grave et imminent dans une situation précisément caractérisée. L’office du juge implique un contrôle in concreto des critères de nécessité et de proportionnalité, éclairé par des éléments cliniques récents et circonstanciés. Il doit apparaître que la contrainte ne répond pas à une logique de gestion ordinaire, encore moins disciplinaire, mais à un risque actuel et documenté, pesé au regard de l’état somatique et psychique. Le juge vérifie que des mesures moins attentatoires ont été envisagées, mises en œuvre ou écartées pour des motifs explicités, et que l’isolement conserve une utilité thérapeutique résiduelle.

Ce contrôle ne se réduit pas à la seule conformité formelle aux protocoles internes, mais s’attache à la substance des justifications apportées. L’appréciation exige une articulation précise entre le comportement observé, l’évaluation du risque, les objectifs cliniques poursuivis et l’efficacité attendue de l’isolement. La proportionnalité commande, en outre, que l’intensité de la restriction soit calibrée au plus près du besoin réel, à droit constant et dans le respect des garanties du patient.

B – Temporalité, surveillance et motivation
La poursuite d’un isolement suppose le respect d’une temporalité strictement limitée, assortie d’une réévaluation rapprochée, et d’une surveillance continue adaptée aux vulnérabilités somatiques. Le juge doit définir une durée précisément bornée, inviter à un réexamen planifié, et veiller au caractère réversible de la mesure en fonction des observations cliniques. Le suivi infirmier et médical, la traçabilité des observations, et l’ajustement des modalités constituent des paramètres essentiels du contrôle de l’atteinte.

La motivation de l’ordonnance doit être individualisée et opérationnelle, permettant de comprendre pourquoi l’isolement demeure nécessaire au moment où elle statue. Elle se réfère aux éléments récents du dossier, mentionne les alternatives non retenues et explicite les raisons d’un maintien temporaire. Une telle motivation, rigoureuse et contextualisée, conditionne l’effectivité du double degré, l’ordonnance étant « susceptible d’appel », et prépare un contrôle renouvelé si une nouvelle saisine intervient.

II – Appréciation et impacts de la décision

A – Une garantie juridictionnelle à consolider
En rappelant « AUTORISONS le maintien de la mesure d’isolement », la juridiction assume le rôle de gardien des libertés au sein même de l’hospitalisation. La garantie n’est toutefois substantielle qu’à la mesure d’un contrôle exigeant, refusant tout automatisme, et imposant une motivation qui permette la vérification contradictoire de la nécessité. L’ordonnance gagne à intégrer des visas cliniques récents, à décrire la nature du risque, et à expliciter l’échec ou l’insuffisance des mesures de désescalade, d’apaisement ou d’accompagnement renforcé.

La mention « susceptible d’appel » n’a de sens qu’adossée à une motivation suffisamment dense pour autoriser un réexamen utile par la juridiction du second degré. La protection des droits suppose un standard probatoire élevé, exigeant des pièces médicales datées, une traçabilité continue, et une cohérence clinique avec le calibrage temporel retenu. Ce cadre favorise un contrôle réel de la proportionnalité, centré sur l’adaptation et la réversibilité de la mesure.

B – Conséquences pratiques pour les acteurs
Pour l’établissement de santé, la décision incite à renforcer la traçabilité des motifs et la culture des alternatives, en systématisant les stratégies de désescalade avant tout maintien. La tenue du dossier doit refléter un suivi rapproché, des observations circonstanciées, et des réévaluations régulières, facilitant la lecture par le juge des liens entre faits cliniques et choix thérapeutiques. La formation des équipes, l’outillage des protocoles et l’audit interne contribuent à prévenir les maintiens non strictement nécessaires.

Pour la personne hospitalisée, l’effectivité des droits dépend d’une information claire sur la mesure, ses raisons, sa durée et les voies de recours, ainsi que d’un accès rapide au conseil. Le ministère public, partie jointe, peut utilement promouvoir un standard de preuve exigeant, garantissant l’examen contradictoire des alternatives et du risque. L’ensemble concourt à ce que la décision d’isolement, exceptionnelle et brève, reste précisément justifiée, constamment surveillée et rapidement levée dès qu’un moindre mal suffit.

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