Tribunal judiciaire de Meaux, le 21 juin 2025, n°25/02393

Rendue par le tribunal judiciaire de Meaux le 21 juin 2025, l’ordonnance commente la troisième prolongation d’une rétention administrative. La juridiction indique d’abord que « Attendu qu’indépendamment de tout recours contre la décision de placement, le juge doit se prononcer en tant que gardien de la liberté individuelle sur la légalité de la rétention ». Le retenu a été placé en rétention à la suite d’une interdiction du territoire antérieure et d’antécédents pénaux, l’administration sollicitant quinze jours supplémentaires. Le dossier relate des diligences consulaires récentes, un refus de prises d’empreintes, ainsi que des incidents en rétention. Une précédente prolongation a été décidée puis confirmée en appel. Les observations des parties et de la défense ont été entendues.

La question posée portait sur les conditions strictes de l’article L. 742-5 du CESEDA pour autoriser une troisième prolongation, en particulier la caractérisation d’une menace pour l’ordre public appréciée in concreto. Elle impliquait aussi l’office du juge judiciaire à ce stade et la portée d’un verrou d’irrecevabilité procédurale propre à l’audience de troisième prolongation. La solution retient la recevabilité de la requête, la régularité de la procédure et la réunion des conditions de l’article L. 742-5, au titre d’une menace actuelle pour l’ordre public. Le juge ajoute que « Attendu que selon l’article L. 743-11 (…) aucune irrégularité antérieure (…) relative à la première prolongation (…) ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la troisième prolongation ». Enfin, il confirme que « Attendu qu’en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, c’est au juge administratif qu’il revient d’apprécier la légalité et l’opportunité (…) d’éloigner (…) et de le placer à cette fin en rétention ».

I. Le cadre légal et l’office du juge judiciaire

A. Le verrou procédural de l’article L. 743-11
Le juge écarte tout débat sur les irrégularités antérieures à la première prolongation, en application du texte spécial. Il cite ainsi, de manière claire, que « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la troisième prolongation ». Cette affirmation discipline le débat contradictoire autour de la seule légalité des mesures récentes et des diligences utiles, limitant le contentieux à l’objet immédiat.

La justification de ce filtre tient à la nature accélérée de la rétention, qui commande une économie procédurale rigoureuse. Elle prévient la remise en cause indéfinie des étapes antérieures et recentre l’office du juge sur les conditions spécifiques, récentes et exceptionnelles de la troisième prolongation. La sécurité juridique de la séquence de rétention s’en trouve renforcée, sans priver le retenu de recours propres aux phases antérieures.

B. La répartition des compétences et le contrôle exercé
La juridiction rappelle son contrôle de la privation de liberté, mais borne l’appréciation de la mesure d’éloignement elle‑même au juge administratif. Elle affirme que « c’est au juge administratif qu’il revient d’apprécier la légalité et l’opportunité, ou la nécessité (…) d’éloigner (…) et de le placer à cette fin en rétention ». Cette articulation sépare le contentieux de l’enlèvement forcé de l’examen des conditions de privation, conformément au principe de séparation des pouvoirs.

Le contrôle opéré est donc concret sur la régularité de la rétention, la réalité des diligences et la réunion des hypothèses de l’article L. 742-5. Le juge précise encore que « ces conditions ne sont pas cumulatives », ce qui autorise la décision dès lors qu’un seul motif légalement prévu est suffisamment caractérisé, notamment l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public prévue par le texte.

II. La menace pour l’ordre public et la portée de la décision

A. L’exigence d’une appréciation in concreto
Le juge énonce un standard précis: « s’agissant de la menace à l’ordre public (…) cette qualification doit faire l’objet d’une appréciation in concreto tirée d’un ensemble d’éléments (…) ainsi que l’actualité de la menace ». Il rappelle aussi que « si la commission d’une infraction pénale n’est pas de nature à elle seule à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (…) ». Ces formules exigent un faisceau d’indices, et non la seule référence abstraite à des condamnations passées.

L’ordonnance retient la réitération, la gravité et l’actualité du risque, en tenant compte de comportements en rétention. Cette démarche répond aux exigences posées par la jurisprudence administrative rappelée, qui impose d’objectiver la menace au présent et de mesurer le risque réel. Elle s’accorde avec l’article L. 742-5, dont il est rappelé que « le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ».

B. La finalité d’éloignement et l’économie générale du dispositif
La juridiction souligne enfin la finalité concrète de la prolongation: « la troisième prolongation de la rétention étant de nature à permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, il convient, par conséquent, de faire droit à la requête ». Elle relève des diligences consulaires récentes et des obstacles imputables au retenu, circonstances qui confortent l’utilité de la prolongation dans le bref délai envisagé par le dispositif.

L’économie générale demeure cohérente: la mesure prolonge la rétention pour un motif légal autonome, sans exiger la réunion d’autres hypothèses. La solution maintient un équilibre entre la protection de l’ordre public et les garanties propres à la liberté individuelle, contrôlée par le juge judiciaire. Elle applique sobrement le standard in concreto et articule, avec mesure, l’exigence de finalité d’éloignement avec la rigueur procédurale du L. 743-11.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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