Tribunal judiciaire de Meaux, le 21 juin 2025, n°25/02394

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Rendue par le tribunal judiciaire de Meaux le 21 juin 2025, l’ordonnance commentée statue sur une troisième prolongation de rétention administrative. Le contentieux porte sur la possibilité de maintenir un étranger en rétention quinze jours supplémentaires, après deux phases déjà intervenues, au regard des conditions prévues par le code. Les faits tiennent à une mesure d’éloignement prise au printemps, suivie d’un placement en rétention, puis d’une première prolongation d’un mois. Un acheminement aérien, initialement programmé, a été annulé faute d’escorte, et une nouvelle demande de routing a été présentée deux jours plus tard.

La procédure montre une saisine du juge dans le délai, la présence d’un interprète, l’assistance d’un avocat, et l’absence de réquisitions du parquet régulièrement avisé. L’ordonnance rappelle l’exigence de contrôle propre au juge judiciaire, malgré l’existence de recours administratifs distincts. Elle indique également l’irrecevabilité de griefs antérieurs à la première prolongation lors de la phase portant sur la troisième. La défense soutenait l’inexistence des conditions d’une saisine exceptionnelle et des diligences tardives concernant le second vol. L’autorité administrative invoquait la validité du laissez-passer, l’annulation indépendante de sa volonté, puis la demande rapide d’un nouveau vol.

La question de droit posée tient à l’interprétation de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Plus précisément, il s’agissait de déterminer si, au regard des circonstances récentes, la troisième prolongation pouvait être ordonnée, notamment au titre du « bref délai » attaché à la délivrance de documents ou à la réalisation de l’éloignement. La solution adoptée admet la recevabilité, constate la régularité, écarte les moyens de fond, et ordonne la troisième prolongation. Le juge retient que « ces conditions ne sont pas cumulatives » et que « les obstacles seront levés à bref délai », au vu des diligences entreprises et du laissez-passer encore valable.

I. Le cadre légal de la troisième prolongation et la portée du contrôle juridictionnel

A. L’office du juge judiciaire et l’encadrement de la contestation procédurale

Le juge rappelle sa mission première en matière de rétention, distincte du contentieux de l’éloignement. Il affirme que « indépendamment de tout recours contre la décision de placement, le juge doit se prononcer en tant que gardien de la liberté individuelle sur la légalité de la rétention ». Cette formule, classique, réaffirme la spécificité du contrôle de la privation de liberté, qui s’exerce in concreto et sans dessaisir le juge administratif de l’appréciation de l’opportunité de l’éloignement.

L’ordonnance fait application de la règle propre à la troisième phase, tirée de l’article L. 743-11. Elle retient, de manière littérale, qu’« à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée ». Cette irrecevabilité concentre le débat sur les éléments survenus durant la période utile et préserve la finalité instrumentale de la rétention, sans rouvrir des contestations échues. La méthode confirme une lecture rigoureuse des délais et des stades procéduraux, afin d’assurer une économie du débat.

B. La séparation des pouvoirs et la répartition des compétences contentieuses

Le juge réaffirme que « c’est au juge administratif qu’il revient d’apprécier la légalité et l’opportunité […] d’éloigner de France un étranger et de le placer à cette fin en rétention ». Il trace nettement la frontière entre l’appréciation de la mesure d’éloignement et le contrôle de la privation de liberté. Le contentieux judiciaire demeure centré sur la régularité de la rétention, ses conditions, sa durée, et sa proportion au regard du but poursuivi.

Cette articulation évite les confusions d’office et limite le risque de double contrôle sur la même question. Elle garantit une protection effective des libertés, tout en préservant l’autorité de l’ordre administratif sur l’opportunité et la phase d’éloignement. Le juge judiciaire n’ignore pas les éléments pratiques de l’éloignement, mais il n’en censure pas la politique. Il s’assure que la rétention demeure strictement nécessaire, utile et proportionnée au but légalement poursuivi.

II. L’interprétation des conditions de l’article L. 742-5 et l’appréciation du « bref délai »

A. Le caractère non cumulatif des conditions et la démonstration du « bref délai »

L’ordonnance énonce que « ces conditions ne sont pas cumulatives ». La troisième prolongation peut ainsi reposer sur l’une des hypothèses visées, dont l’impossibilité d’exécuter la mesure pour défaut de documents ou circonstances matérielles, si l’autorité établit une exécution à bref délai. Le texte vise une saisine « à titre exceptionnel », mais permet une prolongation lorsque l’obstacle est sur le point d’être levé.

Le juge relève des éléments concrets et récents. Un vol a été annulé pour défaut d’escorte, fait extérieur à la volonté de l’administration. Une nouvelle demande de routing a été présentée deux jours plus tard. Le laissez-passer, valable jusqu’à l’automne, demeure utilisable. Sur cette base, il énonce qu’« il convient de considérer que les obstacles seront levés à bref délai ». La solution repose sur des indices sérieux de faisabilité et sur la continuité des diligences, appréciées sans rigidité excessive.

B. Les diligences administratives, la temporalité utile et la proportionnalité de la mesure

La défense critiquait le caractère tardif de la demande de vol. L’ordonnance répond par une référence circonstanciée à la chronologie et à la constance des démarches. Elle précise que la demande intervenue le 13 juin ne saurait être jugée tardive, au regard de l’annulation du 11 juin et des démarches initiales concomitantes au placement. Le raisonnement lie la diligence à l’effectivité de l’éloignement, plutôt qu’à une exigence abstraite de célérité décontextualisée.

La motivation relie finalité et proportionnalité. Elle affirme que « la troisième prolongation de la rétention étant de nature à permettre l’exécution de la mesure d’éloignement », la prolongation s’impose. La durée limitée à quinze jours traduit l’équilibre recherché par le législateur entre la contrainte et l’exécution effective. Cette lecture privilégie un contrôle concret, centré sur la perspective immédiate d’éloignement et l’usage strictement nécessaire de la rétention.

Sens, valeur, portée structurent l’appréciation d’ensemble. Sur le sens, l’ordonnance clarifie l’économie des textes applicables, rationnalise l’office du juge et circonscrit le débat utile à la période récente. Sur la valeur, l’argumentation demeure simple, mais suffisamment étayée par des repères datés et vérifiables. L’emploi de formules brèves, comme « ces conditions ne sont pas cumulatives », facilite l’identification des normes opératoires par les praticiens. Sur la portée, la décision conforte une ligne qui conditionne la troisième prolongation à un faisceau d’indices sérieux d’exécution imminente, évitant que la rétention ne devienne une attente indéfinie.

Des réserves tiennent à la densité du contrôle du « bref délai ». L’ordonnance se satisfait d’éléments probants, bien qu’indirects. Elle privilégie la validité du laissez-passer et la relance rapide du routing, ce qui paraît cohérent. Toutefois, la démonstration gagnerait parfois à préciser les garanties d’acheminement effectif, notamment l’assurance d’escorte ou les disponibilités aériennes, lorsque ces paramètres ont déjà fait obstacle.

L’équilibre général demeure maîtrisé. Le juge rappelle les bornes de sa compétence et préserve l’intensité du contrôle de la liberté individuelle. Il ancre l’exception dans une temporalité courte et vérifiable. Il conforte, enfin, l’idée selon laquelle la troisième prolongation ne se justifie que si des démarches réelles, récentes et précises rendent probable une exécution prochaine, conformément à la finalité instrumentale de la rétention.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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