Tribunal judiciaire de Mende, le 16 juin 2025, n°25/00032

Le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Mende a rendu le 16 juin 2025 une ordonnance de référé relative à la résiliation d’un bail d’habitation pour impayés de loyers. Cette décision illustre le mécanisme de la clause résolutoire en matière locative et les conditions de son acquisition.

Un organisme HLM avait consenti le 24 juin 2024 un bail portant sur un logement de type 3 avec garage, moyennant un loyer mensuel de 399,03 euros outre charges. Face à l’accumulation d’impayés, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 20 décembre 2024, pour une somme de 2.207,89 euros. Ce commandement étant demeuré infructueux, le bailleur a assigné le locataire en référé par acte du 3 mars 2025, sollicitant le constat de la résiliation du bail, l’expulsion et la condamnation au paiement d’une provision.

Le locataire, régulièrement cité, n’a pas comparu. Aucun diagnostic social et financier n’a pu être établi, le conseil départemental ayant dressé un bordereau de carence.

Le bailleur soutenait que la clause résolutoire avait produit ses effets à l’expiration du délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de payer demeuré infructueux. Le locataire défaillant n’a présenté aucune contestation ni demande de délais.

La question posée au juge était de déterminer si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies malgré une discordance entre le libellé du commandement de payer et les stipulations exactes du contrat de bail relatives au seuil de déclenchement de ladite clause.

Le juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 21 février 2025, ordonné l’expulsion du locataire, fixé une indemnité d’occupation et condamné ce dernier au paiement d’une somme provisionnelle de 4.100,98 euros.

I. La validation du commandement de payer malgré l’inexactitude de la reproduction contractuelle

A. L’exigence formelle de visa de la clause résolutoire

Le juge des contentieux de la protection relève que « le rappel par le commissaire de justice dans son acte de la clause résolutoire ne correspond pas aux véritables stipulations contractuelles ». Le commandement mentionnait un seuil d’un mois de loyer impayé alors que le bail stipulait deux mois déduction faite de l’aide personnalisée au logement.

Cette discordance aurait pu constituer un motif de nullité du commandement. La clause résolutoire, mécanisme dérogatoire au droit commun de la résiliation judiciaire, suppose une information précise du débiteur sur les conditions de son déclenchement. Le locataire doit connaître exactement l’obligation dont l’inexécution entraînera la résiliation automatique du bail.

Le formalisme du commandement de payer visant la clause résolutoire répond à une double finalité. Il permet au locataire de mesurer la gravité de sa situation et d’identifier les sommes dont le règlement évitera la résiliation. Une reproduction inexacte des stipulations contractuelles pourrait induire le preneur en erreur sur l’étendue de ses obligations.

B. La validation par l’annexion des pièces contractuelles

Le juge considère néanmoins que « le visa d’une clause résolutoire est bien réalisé, ce qui valide le commandement ». Il fonde cette appréciation sur la circonstance que « le commissaire de justice a mentionné que son acte comportait six feuilles, en ce compris le procès-verbal de signification, ces six feuilles incluant effectivement la copie de ladite page trois du bail ».

Cette motivation révèle une approche téléologique du formalisme. Le juge privilégie l’effectivité de l’information délivrée au locataire sur le respect littéral des mentions du commandement. Dès lors que la stipulation contractuelle exacte figure dans les annexes de l’acte, le preneur dispose des éléments lui permettant de comprendre les conditions de la résiliation.

Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence admettant la régularité d’un commandement comportant des inexactitudes mineures dès lors que le locataire n’a subi aucun grief. Le juge ajoute que « le preneur n’en conteste pas l’efficacité », ce qui révèle l’absence de préjudice résultant de l’inexactitude relevée.

II. Les conséquences de la défaillance du locataire sur l’office du juge des référés

A. Le contrôle du bien-fondé apparent de la créance

Le juge rappelle qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».

Cette disposition impose au juge un contrôle actif des prétentions du demandeur nonobstant la défaillance du défendeur. Le juge en fait application en rectifiant le montant de la créance. Il écarte du décompte présenté la somme de 162,76 euros correspondant au coût du commandement ainsi que 211,30 euros « au titre de deux postes de frais, qui n’ont pas à être pris en compte ».

S’agissant des charges locatives, le juge souligne que « le principe en est stipulé sans montant dans le contrat de bail » et qu’il revient « normalement à la bailleresse de justifier des sommes à ce titre réclamées ». Il admet néanmoins leur bien-fondé apparent dès lors que le locataire « n’en conteste ni le principe, ni les montants ». Le juge précise qu’il ne peut « que se borner à vérifier leur apparent bien-fondé » et rappelle qu’il « n’est pas attaché à la présente décision l’autorité de la chose jugée au fond ».

B. L’impossibilité d’octroyer des délais de paiement d’office

Le juge examine la possibilité d’accorder des délais de paiement sur le fondement de l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2023. Cette disposition permet au juge d’accorder des délais « à la demande du locataire, du bailleur ou d’office » sous certaines conditions.

Le juge relève que ces conditions ne sont pas réunies. Le locataire doit être « en situation de régler sa dette locative » et avoir « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ». Or, « non seulement les parties ne sollicitent aucun délai, mais en plus le locataire ne paye pas les loyers courants, outre que le juge ne connaît aucunement sa situation financière ».

Cette motivation illustre les limites du pouvoir d’office du juge confronté à la passivité du débiteur. L’absence de diagnostic social et financier, constatée par un bordereau de carence, prive le juge des éléments lui permettant d’apprécier la capacité de remboursement du locataire. La protection légale du locataire défaillant suppose une démarche active de sa part pour en bénéficier. Le juge ordonne toutefois d’office la transmission de la décision au représentant de l’État en vue de la prise en compte de la demande de relogement dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, manifestant ainsi le souci de préserver les intérêts du locataire malgré sa défaillance procédurale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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