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Le contentieux de la reconnaissance des maladies professionnelles met en lumière des difficultés procédurales parfois négligées. Par un jugement avant dire droit du 20 juin 2025, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz ordonne la réouverture des débats dans un litige opposant une salariée à son organisme de sécurité sociale.
Une salariée d’un organisme de sécurité sociale avait sollicité la reconnaissance d’un syndrome anxio-dépressif comme maladie professionnelle. Le certificat médical initial datait du 29 juin 2020. La demande avait été adressée à une caisse distincte de l’employeur afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bourgogne Franche Comté avait émis un avis défavorable le 19 janvier 2021. La caisse instructrice avait alors refusé la prise en charge par décision du 21 janvier 2021.
La salariée a formé un recours amiable le 22 mars 2021, puis saisi le pôle social par requête du 22 juillet 2021. Elle sollicitait l’annulation des décisions défavorables et la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa pathologie. La caisse employeur a conclu au rejet des demandes. Le tribunal relève d’office une difficulté procédurale tenant à l’identification du défendeur.
La question posée au tribunal était de déterminer si l’instance pouvait être jugée alors que les parties avaient conclu en visant la caisse employeur et non la caisse instructrice, auteur de la décision contestée.
Le tribunal ordonne la réouverture des débats et invite les parties à présenter leurs observations sur l’identité du défendeur à l’instance. Cette solution appelle une analyse de l’office du juge dans l’identification des parties au litige (I), avant d’examiner les implications de l’indépendance des rapports en droit de la sécurité sociale (II).
I. L’office du juge dans la vérification de la qualité des parties
Le tribunal exerce un contrôle rigoureux sur la régularité de l’instance (A), ce qui conduit à une mesure d’instruction destinée à clarifier la situation procédurale (B).
A. Le contrôle de la régularité de l’instance
Le tribunal relève que « l’ensemble des parties ont conclu en visant la [caisse employeur] et ce sans explication sur ce point ». Cette observation traduit l’attention portée par le juge à la cohérence procédurale du litige. La décision contestée émanait pourtant de la caisse instructrice « en qualité d’organisme saisi de la demande de reconnaissance ». L’instruction avait été menée par cette même caisse. Les actes de la procédure administrative, « enquête administrative, colloque médico-administratif, courriels », provenaient également de la caisse instructrice.
Le juge exerce ici son office de vérification des conditions de recevabilité de l’action. La qualité pour défendre suppose un lien avec la décision contestée. Or le tribunal constate une discordance entre l’auteur de la décision et la partie attraite en justice. Le recours amiable avait lui-même été formé auprès de la commission de la caisse employeur et non auprès de celle de la caisse instructrice. Cette erreur d’orientation du recours préalable pouvait rejaillir sur la validité de la saisine contentieuse.
L’exigence d’identification correcte du défendeur participe du respect des droits de la défense. Chaque partie doit pouvoir organiser utilement sa défense. Le tribunal vérifie donc que la contradiction est réellement assurée entre les parties concernées par le litige.
B. Le choix de la réouverture des débats
Face à cette difficulté, le tribunal retient que « l’affaire n’apparaît pas en état d’être jugée ». Il ordonne la réouverture des débats « dans le respect du contradictoire ». Cette solution permet d’éviter une décision d’irrecevabilité immédiate qui pourrait surprendre les parties. Le tribunal leur accorde un délai pour régulariser leur situation ou expliciter leur position.
La mesure adoptée témoigne d’une conception pédagogique de l’office du juge. Plutôt que de sanctionner une irrégularité apparente, le tribunal invite les parties à s’expliquer. Le calendrier fixé prévoit des conclusions de la demanderesse avant le 10 septembre 2025, puis de la défenderesse avant le 10 novembre 2025. Cette organisation respecte le principe du contradictoire en permettant à chaque partie de répondre utilement.
Le choix d’une audience de mise en état sans comparution des parties traduit une volonté d’efficacité procédurale. Les observations écrites suffiront à éclairer le tribunal sur la question soulevée. Cette méthode évite de multiplier les audiences tout en garantissant l’instruction complète du dossier.
II. Les implications de l’indépendance des rapports en sécurité sociale
Le tribunal rappelle le principe de l’indépendance des rapports (A), dont l’application révèle la complexité des relations triangulaires en matière de maladie professionnelle (B).
A. Le rappel du principe de l’indépendance des rapports
Le jugement énonce « qu’en vertu de l’indépendance des rapports, tout litige salarié/caisse est sans emport sur la relation caisse/employeur ». Ce principe fondamental du contentieux de la sécurité sociale distingue les recours selon la qualité des parties. Les décisions prises par la caisse peuvent être modifiées à la suite du recours de l’assuré « sans que cela ne concerne l’employeur ».
Cette règle trouve une application particulière lorsque l’employeur est lui-même un organisme de sécurité sociale. La confusion des qualités peut alors brouiller la lisibilité du litige. La salariée contestait une décision de refus de prise en charge. Son employeur n’était pas directement concerné par cette contestation, sauf dans l’hypothèse où la reconnaissance aurait des incidences sur sa tarification.
Le tribunal identifie clairement la nature du présent litige. Il s’agit d’un différend « né de la contestation par [la salariée] d’une décision de refus de prise en charge ». Ce litige « concerne bien la relation salarié/caisse ». La difficulté réside dans l’identification de la caisse pertinente au regard de l’objet du recours.
B. La complexité des situations de conflit d’intérêts
L’affaire présentait une particularité notable. La demande de reconnaissance avait été adressée à une caisse distincte de l’employeur « afin d’éviter tout conflit d’intérêt ». Ce mécanisme de déport vise à garantir l’impartialité de l’instruction lorsque l’assuré est salarié d’un organisme de sécurité sociale. La caisse employeur ne peut instruire la demande de son propre salarié.
Cette configuration procédurale engendre une dissociation inhabituelle. La caisse employeur conserve certaines obligations envers son salarié. La caisse instructrice assume la responsabilité de la décision. Le tribunal note que le comité régional saisi était celui de Bourgogne Franche Comté « et non celui du [Grand] Est ». Cette précision géographique confirme l’intervention d’un organisme distinct du ressort habituel.
La salariée semble avoir confondu les interlocuteurs en formant son recours amiable auprès de la caisse employeur. Cette erreur d’aiguillage soulève des interrogations sur la recevabilité de la saisine ultérieure du tribunal. Le principe de l’indépendance des rapports devrait conduire à distinguer nettement les qualités. La caisse employeur n’est pas partie au litige portant sur le refus de prise en charge, sauf à démontrer un intérêt à agir distinct.