Tribunal judiciaire de Metz, le 5 septembre 2025, n°22/00546

Le Tribunal judiciaire de Metz a statué le 5 septembre 2025 sur la reconnaissance d’une maladie professionnelle relevant du tableau 57A. L’assurée, aide-ménagère, déclarait une tendinopathie aiguë de l’épaule droite, accompagnée d’une constatation médicale du 25 mai 2021. Après instruction, l’organisme social a refusé la prise en charge, sur avis défavorable du comité régional et confirmation de la commission de recours amiable. Le contentieux fut porté devant le pôle social, un second avis défavorable fut rendu, puis l’affaire a été plaidée et mise en délibéré.

L’assurée soutenait que ses tâches habituelles impliquaient des mouvements d’abduction supérieurs à soixante degrés, à une fréquence significative sur chaque heure travaillée. Elle invoquait la prise en charge parallèle de l’épaule gauche au titre du même tableau, pour une pathologie similaire et une contemporanéité médicale marquée. L’organisme social requérait l’homologation de l’avis du comité, contestant la répétitivité, la durée et l’intensité des contraintes sur l’épaule droite.

La question posée tenait à la possibilité de reconnaître l’origine professionnelle malgré l’absence de conformité alléguée à la liste limitative des travaux du tableau 57A. Le tribunal a admis l’existence d’un lien direct entre la pathologie et le travail habituel et a ordonné la prise en charge au titre des risques professionnels.

I. Cadre légal et office du juge

A. La présomption et les conditions du tableau 57A

Le cadre juridique applicable est d’abord réaffirmé par le juge, afin de fixer les conditions de la présomption attachée au tableau 57A. Le jugement rappelle la formulation normative déterminante, en ces termes : « Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3h30 par jour en cumulé. » La décision concentre l’analyse sur l’angle d’abduction requis, sur la durée cumulée quotidienne et sur la nature répétitive des gestes domestiques. La présomption n’opère qu’en cas de stricte conformité, à défaut il faut établir un lien direct avec le travail habituel.

B. L’avis du comité et le contrôle juridictionnel

Le rôle du comité régional et l’office du juge font l’objet d’une articulation précise et contrôlée par la juridiction. Le texte visé rappelle que « L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L 315-1. » Pour autant, le contrôle juridictionnel demeure entier sur la qualification, notamment lorsque l’avis retient une exposition jugée insuffisante. Le jugement relève ainsi que « Selon le [12] l’exposition aux contraintes musculo tendineuses portant spécifiquement sur l’épaule droite sont insuffisantes en termes de répétitivité, durée et intensité pour qu’un lien direct entre l’activité professionnelle et l’affection déclarée soit retenue. » Cette appréciation technique ne lie pas le juge, qui confronte l’avis aux éléments objectifs recueillis lors de l’enquête administrative et au dossier.

II. Application factuelle et portée de la solution

A. Une appréciation concrète des tâches et des durées

L’instruction factuelle est minutieuse et ordonnée, privilégiant des données concordantes sur les tâches, les durées quotidiennes et la fréquence horaire d’exposition. Le tribunal souligne que « Il résulte encore de l’enquête menée par la Caisse que les employeurs interrogés confirment l’ensemble de ces éléments tant concernant les tâches réalisées […] que les temps et durées de travail. » Il retient également que « Les employeurs évaluent ces mêmes travaux de 15 à 30 minutes par heure de travail dans le cadre des tâches ménagères. » Les volumes horaires sont précisés, puisque « Il est fait mention d’un travail à temps plein antérieurement au 01 février 2020 […] », puis d’une réduction conduisant à 85 heures mensuelles à partir d’avril 2021. L’ensemble traduit une exposition significative, quoique hétérogène selon les domiciles, compatible avec la contrainte biomécanique recherchée par le tableau et exigée pour la causalité directe.

B. Conséquences pratiques et limites de la solution

Deux éléments renforcent la solution, qui s’inscrit dans une appréciation concrète de la causalité et des convergences médico‑administratives. D’abord, « Il ne peut pourtant qu’être relevé le caractère contemporain des pathologies déclarées pour chacune des deux épaules. » La reconnaissance antérieure de l’autre épaule éclaire la cohérence des gestes en miroir et conforte l’absence d’étiologie extraprofessionnelle significative. Ensuite, la juridiction marque l’exigence d’effectivité du droit en ordonnant la mesure d’exécution, rappelée ainsi : « Au regard de la nature et de l’ancienneté de l’affaire, l’exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée. » La portée pratique concerne les emplois d’aide à domicile et d’entretien, où la traçabilité des durées d’abduction et des gestes surélevés demeure déterminante, tout comme la valeur probante des confirmations croisées recueillies auprès des employeurs.

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Hassan KOHEN
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