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Rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montluçon le 13 juin 2025, le jugement tranche une double difficulté. D’une part, la compétence du juge de l’exécution après l’abrogation partielle de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire. D’autre part, les conditions de maintien d’une saisie conservatoire au regard de l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Le litige naît d’un contrat de sous-traitance conclu le 25 janvier 2021 pour des prestations de façonnage de viandes. Le donneur d’ordre a résilié par lettre recommandée du 6 mars 2024, à effet au 26 avril 2024. À la requête du sous-traitant, une mesure conservatoire a été autorisée le 15 avril 2024 et pratiquée le 27 mai 2024, pour 151 433,91 euros, sur les comptes du donneur d’ordre.
Le sous-traitant a été mis en liquidation judiciaire le 4 juin 2024. Le débiteur a assigné le 14 août 2024 afin d’obtenir la mainlevée, subsidiairement le cantonnement à 100 511,80 euros. Le liquidateur a soulevé l’incompétence, puis a sollicité à titre principal le cantonnement. Deux thèses s’opposaient sur la compétence du juge après l’abrogation différée au 1er décembre 2024 et sur la réunion des conditions légales, en particulier l’existence d’un péril de recouvrement.
La question posée était donc double. Le juge de l’exécution demeure-t-il matériellement compétent pour connaître de la mainlevée d’une saisie conservatoire au regard du nouveau texte. Les conditions de l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, notamment la menace sur le recouvrement, étaient-elles caractérisées. Le juge retient sa compétence, rejette l’exception et ordonne la mainlevée pour défaut de péril.
I. Compétence du juge de l’exécution après l’abrogation partielle de l’article L.213-6 COJ
A. Portée de la censure constitutionnelle et effet dans le temps
La décision s’inscrit dans la temporalité ouverte par la décision n° 2023-1068 du 17 novembre 2023, assortie d’un effet différé au 1er décembre 2024. Le juge rappelle la version désormais applicable et retient un maintien substantiel des attributions. Il cite le texte selon lequel: « Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre. » L’abrogation sanctionne une incompétence négative ciblée, sans emporter disparition générale de l’office du juge de l’exécution.
Le raisonnement articule la règle de droit transitoire et la nature des lois de compétence applicables aux instances en cours. La demande, introduite avant toute décision au fond, demeure soumise au corpus en vigueur au jour où statue le juge. Cette lecture préserve l’accès au juge spécialisé et évite une vacance contentieuse peu compatible avec l’exigence de sécurité juridique.
B. Articulation avec le CPCE et confirmation par l’avis de la Cour de cassation
Le juge combine les articles L.121-2 et R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution avec l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire. Il en déduit une compétence matérielle pour connaître « de la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive » et, spécialement, des contestations relatives aux mesures conservatoires. La motivation s’appuie sur l’avis rendu le 3 mars 2025 par la deuxième chambre civile, ainsi cité: « l’abrogation partielle du premier alinéa de l’article 213-6 du code de l’organisation judiciaire n’a de conséquence sur le texte qu’en tant qu’il n’institue pas de recours en contestation de la mise à prix dans le régime de la saisie des droits incorporels et qu’elle n’a, dès lors, par pour effet de priver le juge de l’exécution de la compétence d’attribution exclusive qu’il tient des dispositions non abrogées de cet article. »
La solution ferme l’exception d’incompétence et réaffirme la cohérence d’ensemble du contentieux de l’exécution. Elle sécurise la voie procédurale de la mainlevée, qui demeure portée devant le juge ayant autorisé ou, à défaut, territorialement compétent selon R.512-2. Cette clarification, attendue, prévient des stratégies dilatoires fondées sur une lecture extensive de la censure constitutionnelle.
II. Conditions de la saisie conservatoire et contrôle du péril de recouvrement
A. Créance paraissant fondée dans son principe: appréciation concrète des pièces
La base légale est clairement rappelée: « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. » L’examen se concentre sur le principe de la créance, distinct du quantum et du péril. Le contrat prévoyait une facturation au kilo, à la pièce ou à la bête, selon des conditions particulières révisables à l’anniversaire. L’annexe mentionnée n’est pas produite, tandis que les factures litigieuses reposent sur un tarif au kilo.
Faute d’écrit probant établissant une clause de prix différente, la surfacturation alléguée n’est pas démontrée. Le juge en tire une conséquence méthodologique mesurée: les créances « paraissent fondées dans leur principe ». Cette appréciation d’espèce illustre le standard probatoire applicable au stade conservatoire, sans préjuger du débat au fond sur l’exacte rémunération due.
B. Charge de la preuve du péril et contrôle renforcé de l’utilité de la mesure
Le cœur de la décision réside dans le contrôle du péril. Le juge cite d’abord l’article R.512-1 du code des procédures civiles d’exécution: « Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies. » Puis il rappelle un principe directeur de l’office judiciaire: « Le risque pesant sur le recouvrement de la créance est souverainement apprécié par les juges du fond. » La motivation vise les indices classiquement retenus, tenant au comportement du débiteur, à l’étendue du patrimoine et aux sûretés existantes.
En l’espèce, aucun élément concret ne démontre un défaut de capacité financière du débiteur ni une résistance abusive. Un règlement partiel était intervenu avant même l’autorisation de la saisie, ce qui affaiblit l’allégation de péril. Le liquidateur, sur qui pèse la charge, ne rapporte pas la preuve de circonstances menaçant le recouvrement. Le juge prononce en conséquence la mainlevée, conformément à l’article L.512-1 qui l’y autorise lorsque les conditions de l’article L.511-1 font défaut.
Cette solution, rigoureuse et cohérente, rappelle l’autonomie des deux conditions légales. La vraisemblance du principe de la créance ne suffit pas; l’utilité de la mesure exige un péril caractérisé et actualisé. La portée pratique est notable, notamment en contexte de liquidation du créancier poursuivant: la procédure collective ne dispense pas de démontrer le risque, sous peine de voir la mesure levée et les frais mis à la charge de la partie succombante.