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Le droit au logement constitue une prérogative à valeur constitutionnelle que le législateur s’efforce de concilier avec les droits du propriétaire bailleur. Cette tension se manifeste particulièrement lorsque le locataire cesse d’honorer ses obligations pécuniaires. Le Tribunal judiciaire de Mulhouse, par un jugement du 17 juin 2025, offre une illustration topique du mécanisme de la clause résolutoire en matière de bail d’habitation.
En l’espèce, un contrat de bail portant sur un logement situé dans le Haut-Rhin avait été conclu le 19 avril 2018 moyennant un loyer mensuel de 584,74 euros charges comprises. Face à l’accumulation d’impayés, la bailleresse fit signifier au preneur, le 15 juillet 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un arriéré de 2 396,02 euros. Ce commandement demeura infructueux. Par exploit du 26 novembre 2024, la bailleresse assigna le locataire devant le juge des contentieux de la protection aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l’expulsion et obtenir condamnation au paiement des sommes dues.
Le défendeur, assigné à l’étude, ne comparut ni ne se fit représenter. Le service logement départemental n’établit aucun diagnostic social et financier.
La bailleresse soutenait que les formalités préalables avaient été accomplies et que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies. Elle réclamait le constat de la résiliation, l’expulsion sous astreinte, le paiement d’un arriéré de 3 766,66 euros et une indemnité d’occupation.
La question posée au tribunal était de déterminer si les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire prévue par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 étaient satisfaites et quelles conséquences devaient en être tirées.
Le Tribunal judiciaire de Mulhouse déclara les demandes recevables, constata que « la clause résolutoire est acquise et le bail résilié depuis le 16 septembre 2024 », ordonna l’expulsion dans les formes légales, fixa l’indemnité d’occupation à 602,30 euros et condamna le preneur au paiement de 3 766,66 euros. Le tribunal refusa toutefois d’assortir l’expulsion d’une astreinte.
Cette décision appelle un examen portant sur le formalisme protecteur encadrant la résiliation du bail d’habitation (I) puis sur les effets patrimoniaux et matériels de cette résiliation (II).
I. Le formalisme protecteur préalable à la résiliation du bail
Le législateur a institué un ensemble de formalités destinées à prévenir les expulsions et à permettre l’intervention des services sociaux (A), auxquelles s’ajoute l’exigence d’un commandement de payer régulier pour activer la clause résolutoire (B).
A. Les formalités administratives préalables
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue des réformes successives, impose plusieurs démarches avant toute assignation en résiliation pour dette locative. Le tribunal rappelle d’abord l’obligation de notification au représentant de l’État « au moins six semaines avant l’audience ». Cette exigence, sanctionnée par l’irrecevabilité, vise à permettre à la préfecture d’identifier les situations de précarité et de mobiliser les dispositifs de prévention des expulsions.
Le jugement constate que la bailleresse « justifie de l’accomplissement de cette formalité dans les délais impartis, la demande en résiliation de bail ayant été notifiée à la Préfecture du Haut-Rhin par voies électronique et écrite le 27 novembre 2024 ». La dualité des modes de transmission, électronique et papier, traduit le souci de garantir l’effectivité de l’information.
S’agissant des bailleurs personnes morales, l’article 24 II impose la saisine préalable de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives. Le tribunal relève la « saisine par voie électronique de la CCAPEX le 15 juillet 2024 ». Cette commission, instituée par la loi du 25 mars 2009, constitue une instance de coordination réunissant l’ensemble des acteurs concernés par la prévention des expulsions.
La valeur de ce formalisme réside dans sa finalité sociale. Il ne s’agit pas d’entraver l’exercice des droits du bailleur mais de ménager un espace de dialogue et de recherche de solutions alternatives à l’expulsion. L’absence de diagnostic social et financier, mentionnée par le jugement, prive toutefois cette démarche de son plein effet en l’espèce.
B. L’exigence d’un commandement de payer conforme
La clause résolutoire, stipulation contractuelle permettant la résiliation automatique du bail en cas de manquement, ne produit effet qu’après délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux pendant deux mois. Le tribunal vérifie scrupuleusement cette condition en relevant que « le commandement est régulier en la forme en ce qu’il reproduit la clause résolutoire insérée au contrat de location, ainsi que les mentions ou informations imposées à peine de nullité par l’article 24 § I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ».
Le commandement de payer constitue ainsi un acte formaliste dont le contenu est strictement encadré. Il doit notamment reproduire la clause résolutoire, informer le locataire des aides existantes et mentionner les voies de recours. Ces exigences procèdent d’une volonté de protection du preneur qui doit être parfaitement éclairé sur les conséquences de son inaction.
La portée de cette exigence formelle se mesure à l’aune de sa sanction. Un commandement irrégulier ne peut fonder la résiliation, ce qui contraint le bailleur à reprendre l’intégralité de la procédure. Le contrôle opéré par le tribunal revêt donc une importance considérable pour la sécurité juridique des parties.
II. Les conséquences patrimoniales et matérielles de la résiliation
Le constat de l’acquisition de la clause résolutoire emporte résiliation du bail et ouvre droit à diverses condamnations pécuniaires (A), tandis que l’expulsion obéit à un régime protecteur du locataire défaillant (B).
A. L’obligation de restituer les lieux et de régler les sommes dues
Le tribunal constate que « les causes du commandement n’ont pas été réglées dans les deux mois de sa délivrance de telle sorte que les conditions de résiliation du bail étaient réunies de plein droit dès l’expiration de ce délai de deux mois ». Cette formulation traduit le caractère automatique de la résiliation qui s’opère par le seul jeu de la clause contractuelle, sans qu’une décision de justice soit nécessaire pour la constituer.
Le jugement précise que le preneur « n’a plus aucun droit ni titre pour occuper les immeubles litigieux ». Cette qualification d’occupant sans droit ni titre entraîne des conséquences juridiques importantes. Le maintien dans les lieux devient fautif et justifie le versement d’une indemnité d’occupation.
Le tribunal caractérise cette indemnité comme revêtant « un caractère mixte indemnitaire et compensatoire dans la mesure où elle est destinée, à la fois, à rémunérer le propriétaire de la perte de jouissance du local et à l’indemniser du trouble subi du fait de l’occupation illicite de son bien ». Cette analyse, conforme à la jurisprudence constante, justifie que l’indemnité soit fixée au montant du loyer avec charges qui aurait été dû.
La condamnation au paiement de l’arriéré locatif repose sur la charge de la preuve définie par l’article 1353 du Code civil. Le tribunal relève que le défendeur « ne justifie par hypothèse d’aucun paiement libératoire supplémentaire ». L’absence de comparution du locataire le prive de toute possibilité de contester le quantum de la créance.
B. Les modalités protectrices de l’expulsion
Le tribunal ordonne l’expulsion mais encadre strictement ses modalités d’exécution. Il rappelle le délai légal de deux mois prévu par l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution, délai courant à compter de la signification du commandement de quitter les lieux. Ce délai incompressible constitue une protection minimale accordée à l’occupant pour organiser son relogement.
Le jugement refuse d’assortir l’expulsion d’une astreinte au motif que « le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre » le locataire à quitter les lieux. Cette solution traduit un refus d’ajouter une sanction pécuniaire à la contrainte physique de l’expulsion. Elle révèle également que l’astreinte n’est pas de droit mais relève de l’appréciation souveraine du juge.
Le rappel des dispositions relatives au sort des meubles, prévu par les articles L. 433-1 et R. 433-3 du Code des procédures civiles d’exécution, complète le dispositif de protection. Ces textes organisent une procédure de séquestre des biens mobiliers permettant au locataire expulsé de les récupérer dans un délai déterminé.
L’exécution provisoire de droit, rappelée par le tribunal en application de l’article 514 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, confère à la décision une efficacité immédiate. La bailleresse pourra entreprendre les démarches d’expulsion sans attendre l’expiration du délai d’appel, sous réserve du respect des délais légaux protégeant l’occupant.