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Le désistement d’instance en matière de divorce constitue une prérogative essentielle du demandeur qui entend mettre un terme à la procédure engagée. Cette faculté, encadrée par le Code de procédure civile, emporte des conséquences procédurales significatives que le juge doit constater et tirer.
Par ordonnance du 19 juin 2025, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse a statué sur une demande en divorce autre que par consentement mutuel introduite sur le fondement de l’article 1107 du Code de procédure civile. Une épouse avait assigné son conjoint en divorce. Au cours de la procédure, la demanderesse a manifesté sa volonté de se désister de l’instance qu’elle avait introduite.
La procédure s’est déroulée de manière contradictoire, les deux parties étant représentées par avocat. L’épouse demanderesse, par l’intermédiaire de son conseil, a exprimé son désistement. Le défendeur, également assisté, a été mis en mesure de faire valoir ses observations sur ce désistement.
La question juridique soumise au juge aux affaires familiales était de déterminer les conséquences à tirer du désistement d’instance formulé par la demanderesse dans le cadre d’une procédure de divorce contentieux.
Le juge a donné acte à l’épouse de son désistement, ordonné le dessaisissement de la juridiction, constaté l’extinction de l’instance et condamné la demanderesse aux dépens. Cette solution appelle un examen des conditions du désistement d’instance (I), puis de ses effets juridiques (II).
I. Les conditions du désistement d’instance en matière de divorce
Le désistement d’instance obéit à un régime juridique précis qui gouverne tant sa recevabilité (A) que les modalités de son acceptation (B).
A. La recevabilité du désistement d’instance
Le désistement d’instance constitue un acte unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre la procédure qu’il a engagée. L’article 394 du Code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Cette faculté appartient donc exclusivement à celui qui a pris l’initiative de l’action en justice.
En l’espèce, l’épouse avait introduit une demande en divorce sur le fondement de l’article 1107 du Code de procédure civile, qui organise la procédure de divorce contentieux. En sa qualité de demanderesse, elle disposait de la faculté de renoncer à poursuivre l’instance. Le juge a constaté cette qualité en « donnant acte à Mme [épouse] de son désistement ». Cette formule consacre la reconnaissance par la juridiction de la manifestation de volonté exprimée par la demanderesse de mettre un terme à la procédure.
Le désistement peut intervenir à tout stade de la procédure, tant que le jugement définitif n’a pas été rendu. La circonstance que l’instance ait été introduite en matière familiale ne fait pas obstacle à l’exercice de cette faculté. Le caractère d’ordre public de certaines règles du divorce n’affecte pas la liberté du demandeur de renoncer à son action, dès lors que cette renonciation ne porte que sur l’instance et non sur le droit substantiel lui-même.
B. L’acceptation du désistement par le défendeur
L’article 395 du Code de procédure civile précise que « le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Cette exigence connaît toutefois une exception importante : l’acceptation n’est pas requise « si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ».
La décision commentée ne mentionne pas expressément l’acceptation du défendeur. Le caractère contradictoire de la procédure, souligné dans l’ordonnance qui statue « contradictoirement », indique néanmoins que le conjoint défendeur a été mis en mesure de faire valoir ses observations. L’absence de contestation du désistement par le défendeur, représenté par avocat, permet d’en déduire soit une acceptation expresse ou tacite, soit l’absence de défense au fond rendant cette acceptation superflue.
Le juge aux affaires familiales n’avait pas à rechercher les motifs du désistement. La volonté de l’épouse de renoncer à la procédure de divorce suffit, indépendamment des raisons qui l’ont conduite à cette décision. Cette solution préserve l’autonomie des parties dans la conduite de leur procès.
II. Les effets du désistement d’instance sur la procédure
Le désistement produit des effets tant sur l’office du juge (A) que sur le sort des frais de justice (B).
A. Le dessaisissement de la juridiction et l’extinction de l’instance
Le juge aux affaires familiales a tiré deux conséquences du désistement : le dessaisissement de la juridiction et l’extinction de l’instance. Ces effets, bien que liés, présentent une autonomie conceptuelle.
Le dessaisissement signifie que le juge perd sa compétence pour connaître du litige. L’ordonnance énonce expressément qu’elle « ordonne le dessaisissement de la juridiction ». Cette formulation traduit l’effet automatique du désistement régulièrement formé : le juge ne peut plus statuer sur le fond de l’affaire. Il conserve néanmoins le pouvoir de constater le désistement et d’en tirer les conséquences procédurales, ce qu’il fait précisément par la présente ordonnance.
L’extinction de l’instance, que le juge « constate », constitue la conséquence directe du dessaisissement. L’article 398 du Code de procédure civile précise que « le désistement d’instance emporte extinction de l’instance ». Cette extinction met fin au lien d’instance qui unissait les parties devant la juridiction saisie. Le rapport procédural disparaît, libérant les parties de l’obligation de poursuivre la procédure engagée.
Il convient de distinguer le désistement d’instance du désistement d’action. Le premier, seul en cause ici, « laisse subsister le droit d’action » selon l’article 398 précité. L’épouse conserve donc la faculté d’introduire ultérieurement une nouvelle demande en divorce. Le désistement d’action aurait, au contraire, emporté renonciation au droit d’agir lui-même.
B. La condamnation aux dépens comme conséquence financière
L’ordonnance « condamne Mme [épouse] aux dépens ». Cette solution applique l’article 399 du Code de procédure civile qui dispose que « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ».
La charge des dépens incombe ainsi à celui qui a pris l’initiative de l’action puis y a renoncé. Cette règle se justifie par l’idée que le demandeur qui se désiste reconnaît implicitement le caractère injustifié ou prématuré de sa demande. Il serait inéquitable de faire supporter au défendeur les frais d’une procédure à laquelle il a été contraint de participer et qui s’achève par l’abandon du demandeur.
L’ordonnance ne fait pas mention d’une convention contraire entre les parties. En l’absence d’un tel accord, la règle supplétive de l’article 399 s’applique. Les dépens comprennent notamment les frais de procédure, à l’exclusion des honoraires d’avocat qui relèvent de l’article 700 du Code de procédure civile. L’ordonnance ne statue pas sur ce dernier fondement, ce qui laisse chaque partie supporter la charge de ses propres honoraires.
Cette décision illustre l’application rigoureuse des règles procédurales gouvernant le désistement d’instance. Elle rappelle que la liberté de mettre fin à une procédure s’accompagne de la responsabilité d’en assumer les conséquences financières.