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Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse, par un jugement réputé contradictoire du 19 juin 2025, statue sur l’action en paiement d’une caution subrogée contre un locataire placé en liquidation judiciaire.
Un bail d’habitation a été conclu le 28 avril 2023 pour un logement situé à Mulhouse, moyennant un loyer mensuel de 700 euros outre 50 euros de charges. Un organisme s’est porté caution selon le dispositif Visale. Face à des impayés, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié le 19 décembre 2023. Le 11 mars 2024, le tribunal judiciaire de Mulhouse a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’égard du locataire.
La caution, ayant réglé les arriérés au bailleur, a assigné le locataire le 28 mai 2024 aux fins de résiliation du bail et de paiement. Une réouverture des débats a été ordonnée pour mettre en cause le mandataire judiciaire. A l’audience du 20 mars 2025, la demanderesse a limité ses prétentions au paiement de la somme de 3 155,48 euros au titre des loyers postérieurs au jugement d’ouverture, le locataire ayant quitté les lieux le 7 septembre 2024.
La question posée au tribunal était de déterminer si une caution subrogée peut obtenir condamnation d’un débiteur en liquidation judiciaire au paiement de loyers nés postérieurement au jugement d’ouverture.
Le juge reconnaît la qualité à agir de la caution subrogée, déclare l’action recevable et condamne le débiteur, représenté par son liquidateur, au paiement des loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective.
La décision mérite examen en ce qu’elle consacre les droits de la caution subrogée dans le contexte d’une procédure collective (I), tout en délimitant le sort des créances locatives selon leur date de naissance (II).
I. La reconnaissance des droits de la caution subrogée dans le cadre d’une procédure collective
Le tribunal affirme la qualité à agir de la caution ayant désintéressé le créancier (A), avant d’admettre la recevabilité de son action malgré l’existence d’une procédure collective (B).
A. L’affirmation de la subrogation légale au profit de la caution solvens
Le juge fonde sa décision sur l’article 2309 du code civil selon lequel « la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur ». Cette disposition organise un transfert de créance au profit de la caution qui s’est exécutée. Le tribunal précise que le dispositif Visale prévoit que l’organisme ayant réglé au bailleur les loyers impayés « est subrogé dans tous ses droits et actions, y compris ceux aboutissant à la rupture du bail ».
La production des quittances subrogatives suffit à établir cette qualité. Le juge relève que la demanderesse a versé aux débats « les quittances par lesquelles [la bailleresse] l’a subrogée dans ses droits d’obtenir paiement des arriérés et rupture du bail ». La subrogation confère ainsi à la caution l’ensemble des droits et actions attachés à la créance, y compris les accessoires et garanties.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui reconnaît à la caution subrogée le droit d’agir en paiement contre le débiteur principal. Le mécanisme protège l’organisme de cautionnement contre le risque d’insolvabilité du locataire tout en lui permettant de récupérer les sommes avancées au bailleur.
B. L’articulation entre l’action de la caution et la procédure collective
L’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire le 11 mars 2024 aurait pu paralyser l’action en paiement. Le tribunal ordonne pourtant une réouverture des débats pour permettre la mise en cause du mandataire judiciaire, reconnaissant implicitement la recevabilité de l’action pour les créances postérieures.
Le juge vérifie que les conditions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 sont respectées et déclare la demande « régulière et recevable ». La déclaration de créance effectuée le 23 mai 2024 vaut pour les créances antérieures à l’ouverture. L’action en condamnation demeure possible pour les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture, qui échappent à la discipline collective.
Le tribunal refuse de déclarer le jugement opposable au mandataire judiciaire au motif que « ce dernier n’est pas un tiers mais une partie à la procédure ». Cette précision procédurale illustre l’intégration du liquidateur dans l’instance. La condamnation est prononcée contre le débiteur « représenté par » son liquidateur, ce qui respecte le dessaisissement du débiteur prévu par l’article L. 641-9 du code de commerce.
II. La délimitation du sort des créances locatives en fonction de leur antériorité
Le jugement distingue nettement les créances antérieures, soumises à l’effacement, des créances postérieures exigibles (A), et tire les conséquences de cette distinction sur le quantum de la condamnation (B).
A. L’effacement des dettes antérieures et l’exigibilité des créances postérieures
Le tribunal énonce que la procédure de liquidation judiciaire « emporte, à l’égard [du locataire], effacement des dettes antérieures – en ce compris la dette de loyers – à l’ouverture de la procédure ». Cette formulation reprend le principe posé par l’article L. 643-11 du code de commerce. Les créances de loyers antérieures au 11 mars 2024 sont donc éteintes à l’égard du débiteur personne physique.
En revanche, le juge affirme que « les dettes de loyers et charges postérieures au 11 mars 2024 d’une part, sont dues et devaient être payées [par le locataire] à l’échéance et d’autre part, ne bénéficient pas de l’effacement ». Cette distinction temporelle est essentielle. Les créances postérieures au jugement d’ouverture constituent des créances de la procédure, nées de la continuation du bail, et demeurent à la charge du débiteur.
La solution retenue s’explique par la nature même du bail d’habitation. La jouissance du logement postérieurement au jugement d’ouverture génère une contrepartie financière qui ne saurait être effacée sans enrichissement injustifié du débiteur. La caution subrogée peut donc poursuivre le recouvrement de ces sommes.
B. La fixation du quantum et le régime des intérêts
Le tribunal condamne le débiteur au paiement de 3 155,48 euros, correspondant à 375,48 euros pour la période du 12 au 31 mars 2024 et 2 780 euros pour les mois d’avril à août 2024. Ce calcul illustre la proratisation effectuée pour le mois de mars 2024, seule la fraction postérieure au jugement d’ouverture étant retenue.
Le juge applique un régime différencié pour les intérêts. Ceux-ci courent « à compter du 19 décembre 2023 sur la somme de 2 250 € et pour le surplus à compter de l’assignation ». Cette distinction reprend les règles de l’article 1231-6 du code civil relatives à la mise en demeure. Le commandement de payer vaut interpellation suffisante pour les sommes qu’il vise, tandis que l’assignation produit cet effet pour les créances postérieures.
La condamnation aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile complète l’indemnisation de la caution. Le tribunal alloue 800 euros au titre des frais irrépétibles, « compte tenu des démarches judiciaires » accomplies. Cette somme couvre partiellement les frais exposés pour le recouvrement, renforçant l’efficacité du recours subrogatoire.