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Le divorce pour altération définitive du lien conjugal constitue depuis la réforme du 26 mai 2004 l’une des voies permettant la dissolution du mariage en l’absence de consentement mutuel. Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 20 juin 2025 illustre les modalités d’application de ce fondement juridique ainsi que ses conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales.
En l’espèce, deux époux s’étaient mariés le 17 septembre 2005. Le mari a introduit une demande en divorce le 31 janvier 2023. Une ordonnance fixant les mesures provisoires a été rendue le 16 août 2023, suivie d’un arrêt d’appel le 18 avril 2024. Deux enfants mineurs sont issus de cette union, nés respectivement en 2007 et 2010.
Le demandeur sollicitait le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement des articles 237 et suivants du code civil. La défenderesse ne s’y opposait pas. La question des conséquences patrimoniales du divorce, notamment l’octroi d’une prestation compensatoire, ainsi que l’organisation de l’exercice de l’autorité parentale sur les enfants mineurs, constituaient les points essentiels du litige.
Le juge aux affaires familiales a prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il a condamné le mari à verser une prestation compensatoire de 30 000 euros à son épouse. La résidence habituelle des enfants a été fixée au domicile du père, la mère bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement. Une pension alimentaire de 50 euros mensuels a été mise à la charge de la mère pour l’entretien de l’un des enfants.
Le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal emporte des conséquences tant sur le plan de la dissolution du lien matrimonial (I) que sur celui de l’organisation de la vie familiale postérieure (II).
I. La dissolution du lien matrimonial fondée sur l’altération définitive
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal repose sur des conditions légales précises (A) et produit des effets patrimoniaux significatifs (B).
A. Les conditions du divorce pour altération définitive
L’article 237 du code civil dispose que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ». L’article 238 précise que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce ».
En l’espèce, le tribunal a retenu que les conditions légales étaient réunies. Les effets du divorce dans les rapports entre époux concernant leurs biens ont été fixés au 11 décembre 2022, date qui marque la cessation de la communauté de vie. Cette rétroactivité des effets patrimoniaux répond à l’exigence de l’article 262-1 du code civil selon lequel le juge peut fixer les effets du jugement à la date de la séparation effective.
Le jugement rappelle également que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union ». Cette mention traduit l’application de l’article 265 du code civil qui organise les conséquences automatiques du divorce sur les libéralités entre époux.
La décision illustre le caractère objectif de ce cas de divorce. Contrairement au divorce pour faute, le juge n’a pas à rechercher l’existence d’un comportement fautif imputable à l’un des époux. La seule constatation de la durée de la séparation suffit à justifier le prononcé du divorce.
B. Les conséquences patrimoniales du divorce
Le tribunal a condamné le mari à verser une prestation compensatoire de 30 000 euros. L’article 270 du code civil prévoit que « le divorce met fin au devoir de secours entre époux » mais que « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».
Le montant retenu par le juge résulte nécessairement de l’application des critères énoncés à l’article 271 du code civil, qui impose de prendre en considération notamment la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits pendant la vie commune, ainsi que le patrimoine estimé des époux.
La fixation d’une prestation compensatoire de 30 000 euros en capital correspond à la forme privilégiée par le législateur depuis la réforme de 2000. L’article 274 du code civil dispose en effet que le juge décide des modalités de versement de la prestation et que « le versement d’un capital doit être préféré ». Les intérêts au taux légal courent dans les conditions de l’article 1231-7 du code civil.
Le jugement renvoie les parties à procéder amiablement aux opérations de liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. Cette solution traduit l’application du principe selon lequel le prononcé du divorce n’implique pas nécessairement la liquidation judiciaire du régime matrimonial. Les époux conservent la faculté de régler leurs intérêts patrimoniaux par voie conventionnelle.
La dissolution du mariage ne règle cependant pas toutes les questions familiales. L’existence d’enfants mineurs impose au juge de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
II. L’organisation de l’exercice de l’autorité parentale
Le jugement fixe les modalités de résidence des enfants et les droits du parent non hébergeant (A), tout en organisant la contribution financière de chaque parent à leur entretien (B).
A. La fixation de la résidence et du droit de visite
Le tribunal a fixé la résidence habituelle des deux enfants mineurs au domicile du père. Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’article 373-2-9 du code civil qui prévoit que « la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ».
Le jugement précise que les enfants ont été entendus conformément aux dispositions de l’article 388-1 du code civil. Cette audition, qui s’est tenue le 26 mai 2023, permet au juge de recueillir le sentiment des mineurs capables de discernement sans que leur avis ne lie le tribunal.
La mère bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement organisé de manière différenciée selon les enfants. Pour l’aîné, ce droit s’exerce « exclusivement à l’amiable », ce qui suppose l’accord des deux parents sur les modalités pratiques. Pour la cadette, le droit de visite et d’hébergement est fixé selon le schéma classique des fins de semaine impaires et de la moitié des vacances scolaires.
Le tribunal rappelle les obligations découlant de l’exercice en commun de l’autorité parentale. Les parents doivent « prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé, l’orientation scolaire, l’éducation religieuse et le changement de résidence des enfants ». Ils doivent également « s’informer réciproquement, dans le souci d’une indispensable communication entre les parents, sur l’organisation de la vie des enfants ».
La mention de mesures prises « sous réserve des décisions prises ou à prendre par le Juge des enfants » indique l’existence d’une procédure d’assistance éducative parallèle. Cette précision traduit l’articulation nécessaire entre les compétences du juge aux affaires familiales et celles du juge des enfants lorsque des mesures de protection sont ordonnées.
B. La contribution à l’entretien et l’éducation des enfants
La décision opère un renversement de la charge contributive. La pension alimentaire initialement due par le père à la mère pour l’entretien de l’enfant cadette est supprimée. Symétriquement, la mère est condamnée à verser une pension alimentaire de 50 euros mensuels pour l’entretien de l’enfant aîné, dont la résidence est désormais fixée chez le père.
L’article 371-2 du code civil dispose que « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ». Le montant modeste de la pension mise à la charge de la mère traduit vraisemblablement la prise en compte de ressources limitées.
Le jugement organise le versement de cette pension par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations sociales, conformément à l’article 373-2-2 du code civil modifié par la loi du 23 décembre 2019. Ce mécanisme d’intermédiation vise à sécuriser le recouvrement des pensions alimentaires et à prévenir les impayés.
La pension alimentaire pour l’enfant majeur issu de l’union est supprimée rétroactivement à compter de septembre 2024. Cette suppression s’explique par l’obligation, rappelée dans le jugement, selon laquelle « la pension alimentaire restera due au-delà de la majorité de l’enfant sur justification par le parent qui en assume la charge que l’enfant ne peut normalement subvenir lui-même à ses besoins ». L’absence de telle justification entraîne logiquement la cessation de l’obligation alimentaire.
Le tribunal précise enfin que les frais exceptionnels seront partagés par moitié entre les parents, sous réserve de leur accord préalable. Cette formulation impose une concertation systématique pour les dépenses non récurrentes, ce qui peut constituer une source de difficultés pratiques en cas de mésentente persistante entre les parents.