Tribunal judiciaire de Nancy, le 5 septembre 2025, n°24/03068

Tribunal judiciaire de Nancy, 5 septembre 2025, n° RG 24/03068. La juridiction statue sur une demande en divorce autre que par consentement mutuel, dans un contexte présentant un élément d’extranéité. Les questions portent d’abord sur la compétence internationale et la loi applicable, puis sur les effets patrimoniaux immédiats de la dissolution.

Les époux se sont unis en 2023 en France. L’un d’eux réside à l’étranger, ce qui justifie l’examen préalable des chefs de compétence et de conflit de lois. La saisine a conduit à un débat sans audience de plaidoirie, clos par un jugement contradictoire rendu publiquement.

La juridiction reconnaît sa compétence, retient la loi française, constate l’acceptation du principe de la rupture, et prononce le divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du Code civil. Elle fixe la date des effets du divorce entre époux au 4 avril 2024, n’ordonne pas la liquidation judiciaire, et renvoie à un règlement amiable. Elle rappelle enfin l’inopposabilité de l’exécution provisoire et les délais de recours.

I – Le sens de la décision

A – La compétence et la loi applicable en présence d’un élément d’extranéité

La décision s’ouvre sur la vérification des chefs de compétence internationale en matière de divorce et de régime matrimonial. La juridiction se reconnaît compétente et retient la loi française, solution de cohérence avec la localisation du mariage et la vie conjugale en France.

Le dispositif consacre d’abord l’intangibilité des bases procédurales, puis confirme l’ancrage du litige dans l’ordre juridique français. La formule « DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ; » souligne l’absence d’urgence particulière au regard des intérêts en cause, et sécurise le cadre du recours.

L’affirmation de la loi française pour le divorce et le régime matrimonial s’inscrit dans la logique d’un droit applicable universel. La solution correspond aux critères classiques d’habitude de vie en France, et au réflexe de lex fori lorsque les rattachements imposent la cohérence normative.

B – La qualification de divorce accepté et ses effets personnels et patrimoniaux

La juridiction relève l’accord des époux sur le principe de la rupture, ce qui emporte une qualification de divorce accepté. La nature consensuelle porte uniquement sur le principe, non sur les conséquences, que le juge encadre par des rappels utiles.

Le dispositif précise d’abord le cadre des discussions patrimoniales: « CONSTATE que des propositions ont été effectuées quant au règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des parties ; ». Cette mention atteste l’existence de bases de négociation suffisantes, propices à un partage amiable.

S’agissant des effets personnels, la décision rappelle l’accessoire nominal du divorce: « RAPPELLE qu’à la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint conformément aux dispositions de l’article 264 du Code civil ; ». Elle rappelle aussi l’effet automatique sur les avantages: « RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux […] et des dispositions à cause de mort […] ; ». Enfin, le juge fixe la date d’effet patrimonial: « DIT que les effets du divorce, dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, remonteront au 4 avril 2024 ; ».

II – La valeur et la portée de la solution

A – Une solution conforme aux cadres européens et internes de droit international privé

La reconnaissance de la compétence française et l’application de la loi française sont conformes à l’économie des textes européens en matière de divorce, d’application universelle, et à la pratique interne de désignation de la lex fori en présence d’attaches significatives. La cohérence se mesure ici par la réunion d’indices sérieux situés en France.

Le choix de ne pas adjoindre d’exécution provisoire renforce l’équilibre procédural. La formule « DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ; » témoigne d’une appréciation pragmatique des intérêts en présence, l’exécution immédiate n’apportant pas d’utilité décisive dans un cadre d’acceptation du principe.

Les rappels relatifs au nom d’usage et à la révocation des avantages sont classiques, précis, et pédagogiques. Ils offrent un cadrage clair, sans excès de technicité, et sécurisent les effets personnels liés à la dissolution.

B – Une portée pratique centrée sur la date d’effet, le partage amiable et la sécurité du contentieux

La fixation d’une date antérieure pour les effets patrimoniaux consolide la prévisibilité des relations économiques entre époux. En posant que « les effets du divorce […] remonteront au 4 avril 2024 », la juridiction borne les flux patrimoniaux et fixe un repère pour la reconstitution des masses.

Le refus d’ordonner la liquidation judiciaire laisse place à la liberté négociée: « DIT n’y avoir lieu à ordonner la liquidation du régime matrimonial des époux ; ». Cette réserve est prolongée par une invitation encadrée: « RENVOIE les parties à procéder amiablement aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts […] ; ». L’architecture ainsi posée ménage la possibilité d’une saisine ultérieure en cas d’échec, sans rigidifier prématurément le processus.

Cette économie de moyens présente des avantages concrets. Elle évite des coûts procéduraux immédiats, encourage l’accord sur des bases déjà esquissées, et reporte l’intervention juridictionnelle au stade utile. L’orientation demeure lisible, les rappels codifiés et les voies de recours suffisamment détaillées pour assurer la sécurité des parties.

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Hassan KOHEN
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