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Le divorce pour altération définitive du lien conjugal, consacré par la loi du 26 mai 2004 et codifié aux articles 237 et 238 du code civil, constitue un mode de dissolution objectif du mariage fondé sur la rupture prolongée de la vie commune. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nanterre le 16 juin 2025 illustre les modalités d’application de ce cas de divorce ainsi que les conséquences personnelles et patrimoniales qui en découlent.
En l’espèce, deux époux de nationalité marocaine s’étaient unis le 2010 au Maroc. De cette union étaient nés deux enfants mineurs. Les époux avaient cessé toute collaboration le 23 octobre 2023. L’épouse avait fait assigner son conjoint en divorce le 14 mars 2025, sollicitant le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Le Juge aux affaires familiales de Nanterre avait préalablement statué sur les mesures provisoires par jugement du 19 juillet 2025. L’épouse demandait le prononcé du divorce, l’exercice exclusif de l’autorité parentale, la fixation de la résidence des enfants à son domicile, la réserve du droit de visite et d’hébergement du père ainsi que la fixation d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. L’époux ne s’opposait pas au principe du divorce mais formulait des observations sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
La question posée au juge était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal étaient réunies. Il convenait ensuite de statuer sur les conséquences du divorce à l’égard des enfants, notamment sur l’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale à un seul parent.
Le Tribunal judiciaire de Nanterre prononce le divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil. Concernant les enfants, le juge attribue l’exercice exclusif de l’autorité parentale à la mère, fixe la résidence habituelle des enfants à son domicile, réserve le droit de visite et d’hébergement du père et fixe la contribution alimentaire à la somme de 80 euros par mois et par enfant.
Cette décision appelle un examen du prononcé du divorce fondé sur la cessation prolongée de la communauté de vie (I), avant d’analyser les mesures relatives aux enfants marquées par l’attribution exceptionnelle de l’exercice exclusif de l’autorité parentale (II).
I. Le prononcé du divorce fondé sur la cessation prolongée de la communauté de vie
Le tribunal caractérise les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (A) et en tire les conséquences sur le plan patrimonial (B).
A. La caractérisation des conditions légales du divorce objectif
L’article 237 du code civil dispose que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ». L’article 238 précise que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de l’assignation en divorce ».
Le tribunal relève que les époux avaient cessé toute collaboration le 23 octobre 2023. L’assignation en divorce ayant été délivrée le 14 mars 2025, le délai d’un an prévu par l’article 238 du code civil était manifestement dépassé. La condition temporelle objective se trouvait remplie.
Ce cas de divorce, introduit par la réforme du 26 mai 2004, présente la particularité d’être un divorce pour cause objective. Le juge constate une situation de fait sans avoir à rechercher les causes de la mésentente conjugale. La rupture prolongée de la vie commune suffit à justifier la dissolution du mariage. Le législateur a ainsi consacré une conception réaliste du lien matrimonial. Lorsque la communauté de vie a cessé depuis suffisamment longtemps, le maintien artificiel du mariage ne se justifie plus.
La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a réduit le délai de séparation de deux ans à un an. Cette modification témoigne de la volonté du législateur de faciliter l’accès au divorce pour les époux séparés de fait. Le tribunal fait une application rigoureuse de ces dispositions en vérifiant que le délai légal est écoulé au jour de l’assignation.
B. Les effets patrimoniaux de la dissolution du mariage
Le tribunal « dit que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de la cessation de collaboration entre les époux, soit à la date du 23 octobre 2023 ». Cette solution découle de l’article 262-1 du code civil qui prévoit que le jugement de divorce prend effet dans les rapports patrimoniaux entre époux à la date de la cessation de la cohabitation et de la collaboration.
Le report de la date des effets patrimoniaux à la cessation effective de la vie commune protège les intérêts de chaque époux. Les acquêts réalisés postérieurement à cette date n’entrent pas dans la masse commune à partager. Cette règle évite qu’un époux bénéficie d’enrichissements auxquels il n’a pas contribué.
Le tribunal « donne acte aux époux de leur accord sur la liquidation de leur régime matrimonial » et les invite à procéder amiablement aux opérations de compte, liquidation et partage. Cette formulation traduit la faveur du droit contemporain du divorce pour les solutions négociées. L’accord des parties sur la liquidation simplifie les suites du divorce en évitant un contentieux patrimonial distinct.
Le constat de la révocation des avantages matrimoniaux et des dispositions à cause de mort prenant effet à la dissolution du régime ou au décès d’un époux constitue une conséquence automatique du divorce. L’article 265 du code civil organise cette révocation qui protège les intérêts du conjoint divorcé contre les libéralités consenties pendant l’union.
II. Les mesures relatives aux enfants marquées par l’exercice exclusif de l’autorité parentale
Le tribunal déroge au principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale (A) et organise les modalités de contribution à l’entretien des enfants (B).
A. L’attribution exceptionnelle de l’exercice exclusif de l’autorité parentale
Le tribunal « dit que l’autorité parentale à l’égard des enfants sera exercée à titre exclusif » par la mère. Cette décision constitue une dérogation au principe posé par l’article 372 du code civil selon lequel « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».
L’article 373-2-1 du code civil prévoit que « si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents ». Cette mesure exceptionnelle suppose la démonstration de circonstances particulières justifiant l’éviction d’un parent des prérogatives de l’autorité parentale. Les motifs de la décision étant occultés, il convient de rappeler que la jurisprudence retient généralement le désintérêt manifeste d’un parent, son absence prolongée ou son incapacité à participer aux décisions concernant l’enfant.
Le tribunal tempère cette mesure en rappelant que « le parent n’exerçant pas l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation des enfants, qu’il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ces derniers ». Cette précision conforme à l’article 373-2-1 alinéa 5 du code civil maintient un lien juridique entre le père et ses enfants.
La réserve du droit de visite et d’hébergement du père constitue également une mesure significative. Le tribunal ne fixe pas immédiatement les modalités d’exercice de ce droit, ce qui suggère l’existence de difficultés rendant impossible leur détermination. Cette réserve préserve toutefois la possibilité pour le père de solliciter ultérieurement la fixation de son droit de visite.
B. L’organisation de la contribution alimentaire et son recouvrement
Le tribunal fixe la pension alimentaire à la somme de 80 euros par mois et par enfant, soit 160 euros au total. Cette contribution répond aux exigences de l’article 371-2 du code civil selon lequel « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ».
Le montant retenu paraît modeste au regard des besoins habituels d’un enfant. Cette fixation s’explique vraisemblablement par les capacités contributives limitées du débiteur. Le juge doit en effet tenir compte de la situation financière réelle du parent tenu au paiement de la pension.
Le tribunal ordonne que « la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant sera versée par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations familiales ». Ce mécanisme d’intermédiation financière instauré par la loi du 23 mars 2019 et généralisé par la loi du 24 décembre 2019 vise à sécuriser le paiement des pensions alimentaires. La CAF ou la MSA collecte la pension auprès du débiteur et la reverse au créancier, évitant ainsi les impayés.
Le rappel des voies d’exécution et des sanctions pénales encourues pour abandon de famille revêt une fonction dissuasive. Le tribunal mentionne la saisie-arrêt, le paiement direct entre les mains de l’employeur et le recouvrement public par l’intermédiaire du Procureur de la République. Ces dispositions témoignent de la volonté du législateur de garantir l’effectivité des pensions alimentaires dans l’intérêt supérieur des enfants.