Tribunal judiciaire de Nanterre, le 19 juin 2025, n°22/04074

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Rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 19 juin 2025, ce jugement statue, en premier ressort, sur les suites d’une assignation en paiement d’une créance scolaire impayée. Une école privée internationale, créancière, a engagé une action en recouvrement à l’encontre d’une débitrice, avant qu’un effacement total des dettes ne soit décidé par la commission de surendettement. Postérieurement, la demanderesse s’est désistée. La défenderesse avait, entre-temps, conclu en irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir et sollicité une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Sur la procédure, l’assignation a été délivrée au printemps 2022. La commission de surendettement a prononcé un effacement total à l’été 2022. La défenderesse a déposé des écritures soulevant une fin de non-recevoir et contestant subsidiairement le bien-fondé. La demanderesse a ensuite demandé qu’il soit pris acte de son désistement, en laissant à chacune des parties ses frais. Le tribunal a d’abord vérifié les conditions du désistement parfait, puis a traité les conséquences financières liées aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La question posée était double. D’abord, le juge devait déterminer si le désistement, intervenu après une défense au fond ou une fin de non-recevoir, pouvait être déclaré parfait malgré l’absence d’acceptation, à la lumière des articles 395 et 396 du code de procédure civile. Ensuite, il convenait de fixer la charge des dépens et d’apprécier l’opportunité d’une indemnisation au titre de l’article 700. Le tribunal répond que, faute de motif légitime de refus, le désistement doit être tenu pour parfait, entraînant l’extinction de l’instance. Il précise encore que, par application du principe, « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte », tout en écartant l’octroi d’une somme sur le fondement de l’article 700, « l’équité » s’y opposant.

I. Les conditions du désistement parfait

A. Le cadre légal: consentement, exception et contrôle
Le juge mobilise le triptyque légal. D’abord, il rappelle que « Le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Ensuite, il vise l’exigence de principe posée par l’article 395: « Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur ». Toutefois, l’acceptation « n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir ». Enfin, il énonce la faculté de dépassement prévue par l’article 396: « Le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime ». La norme dessine un enchaînement clair: droit au désistement, exigence d’acceptation, exception légale, puis pouvoir d’appréciation correctif du juge.

La combinaison des textes organise une balance entre la liberté d’extinction voulue par le demandeur et la protection procédurale du défendeur. L’exigence d’acceptation répond au souci d’éviter une manœuvre dilatoire lorsque le débat contradictoire est engagé. La clause de l’article 396 préserve, inversement, l’efficacité de la clôture lorsqu’aucun intérêt sérieux ne justifie le maintien artificiel de l’instance. Le contrôle du « motif légitime » devient alors le pivot de la solution.

B. L’application à l’espèce: absence de motif légitime et dessaisissement
En l’espèce, une défense avait été présentée avant le désistement, de sorte que, selon la lettre de l’article 395, l’acceptation aurait été requise. Le tribunal recourt pourtant au mécanisme assouplissant de l’article 396. Il constate que la défenderesse « n’allègue d’aucun motif légitime justifiant son refus d’acceptation du désistement ». Dès lors, « il y a lieu en conséquence de déclarer parfait le désistement d’instance », ce qui emporte « l’extinction de l’instance » et le « dessaisissement du tribunal ». La motivation se tient dans un syllogisme sobre: défense antérieure, absence de motif légitime, perfection du désistement.

La décision précise, accessoirement, qu’« il n’y a dès lors plus lieu de statuer sur la fin de non-recevoir », laquelle « au surplus relevait de la compétence du juge de la mise en état ». L’extinction intervient donc avant tout examen des moyens pendants, ce qui confirme la vocation terminale du désistement parfait. La portée pratique est nette: le juge ferme l’instance sans trancher le fond ni la recevabilité.

II. Les effets du désistement sur les frais

A. Le principe des dépens: la charge du demandeur
Le tribunal applique l’article 399 du code de procédure civile selon lequel « le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». En l’absence de stipulation contraire, il met les dépens à la charge du demandeur désistant. Le schéma est classique: celui qui clôt unilatéralement la procédure supporte les frais qu’il a suscités, afin d’éviter une répartition inéquitable des coûts du procès.

La solution est cohérente avec l’économie des textes. Le désistement étant un acte de disposition, il ne saurait faire peser sur l’autre partie les charges procédurales sans son accord. La mise à la charge du demandeur dessine un régime simple, prévisible et conforme à la logique de responsabilisation des initiatives contentieuses.

B. Les frais irrépétibles: l’équité comme critère directeur
S’agissant de l’article 700, le juge rappelle sa liberté d’appréciation. Il énonce que « Dans tous les cas le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ». Il décide ici que « L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile ». La demande d’indemnité pour frais non compris dans les dépens est donc rejetée, malgré l’extinction prononcée aux torts procéduraux du demandeur.

Cette appréciation s’inscrit dans un équilibre entre réparation des frais exposés et évitement d’une double charge. Le tribunal, retenant le principe des dépens à la charge du demandeur, considère qu’une indemnité supplémentaire ne se justifie pas au regard des circonstances, notamment l’effacement des dettes et la nature non contentieuse de la clôture. La combinaison des deux décisions préserve la modération des coûts, sans priver la défenderesse de la garantie principale attachée aux dépens.

La solution atteint un point d’équilibre entre sécurité procédurale et économie du procès. D’un côté, la référence explicite aux textes—« Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur »; « Le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime »—balise la méthode. De l’autre, le rappel prudent des effets—« le désistement emporte […] soumission de payer les frais de l’instance éteinte »; « L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 »—maîtrise l’issue financière, sans surcorriger une situation née d’un désistement tardif.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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