Tribunal judiciaire de Nanterre, le 19 juin 2025, n°23/00103

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Rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 19 juin 2025, le jugement intervient à l’issue d’une procédure de saisie immobilière. Un commandement de payer valant saisie a été délivré le 7 avril 2023 et publié le 24 mai 2023, avant l’orientation de la procédure puis la fixation à l’audience d’adjudication du 19 juin 2025. À cette audience, aucun créancier n’a requis la vente forcée, alors que le débiteur avait réglé tardivement la créance, et que les parties s’étaient accordées sur la charge des frais.

Sur le plan procédural, un cahier des conditions de vente avait été déposé, un jugement d’orientation rendu le 23 mai 2024, puis un jugement du 20 mars 2025 avait ordonné la vente aux enchères des biens saisis. Le créancier poursuivant s’est abstenu de solliciter la vente à l’audience, de sorte que la question s’est déplacée sur les conséquences de cette carence, quant à la caducité du commandement, à sa radiation, et à la répartition des frais de saisie.

La question posée était double, mais étroitement liée. D’une part, l’absence de réquisition de vente à l’audience d’adjudication impose-t‑elle au juge de constater la caducité du commandement de payer valant saisie, avec les mesures de publicité corrélatives. D’autre part, cette caducité emporte-t‑elle de plein droit la charge des frais pour le créancier poursuivant, ou le juge peut‑il, par décision spécialement motivée, les mettre à la charge du débiteur tardivement désintéressé.

La solution est nette. S’appuyant sur le texte, le juge cite que « L’article R.322-27 du code des procédures civiles d’exécution dispose qu’au jour indiqué, le créancier poursuivant ou, à défaut, tout créancier inscrit, alors subrogé dans les poursuites, sollicite la vente. Si aucun créancier ne sollicite la vente, le juge constate la caducité du commandement de payer valant saisie. » Il en déduit que « La vente forcée n’ayant pas été requise par le créancier poursuivant, il convient de constater la caducité du commandement de payer valant saisie », d’en prononcer la radiation et d’ordonner la mention en marge. Quant aux frais, le juge motive que « Les dépens resteront à la charge du débiteur compte tenu du règlement tardif de la créance et de l’accord des parties en ce sens. »

I – La sanction de la carence à l’audience d’adjudication

A – L’exigence d’une réquisition de vente au jour fixé

Le texte vise une audience pivot qui cristallise l’initiative des poursuites. Le jour dit, un créancier doit solliciter la vente, faute de quoi la dynamique de la saisie s’éteint. L’énoncé « au jour indiqué, le créancier poursuivant (…) sollicite la vente » consacre l’idée d’une impulsion procédurale indispensable et vérifiée in limine par le juge de l’exécution.

Ce mécanisme responsabilise les créanciers sur la poursuite effective de la réalisation forcée. Il évite les saisies dormantes et préserve l’économie des audiences d’adjudication. En cas d’abstention, le juge ne dispose d’aucune marge sur le principe de la sanction, qui s’impose de manière objective.

B – La caducité du commandement et ses effets nécessaires

La conséquence est la caducité du commandement, constatée de manière juridiquement automatique. L’affirmation « le juge constate la caducité du commandement de payer valant saisie » exclut toute appréciation discrétionnaire, dès lors que la carence est constatée. Elle emporte des effets concrets, dont la radiation de la publication initiale, et la publicité du jugement en marge.

La décision commentée ordonne ces mesures accessoires, qui sont la traduction pratique de l’effacement de la saisie. Elles rétablissent la situation foncière et purgent les mentions, dans le respect du principe de publicité foncière. Cette cohérence renforce la sécurité juridique des tiers et du débiteur.

II – L’aménagement motivé de la charge des frais de saisie

A – Le principe légal d’imputation au poursuivant défaillant

Le même texte prévoit une allocation des frais reposant en principe sur le créancier défaillant. Le passage « le créancier poursuivant défaillant conserve à sa charge l’ensemble des frais de saisie engagés » opère un renversement logique, rétribuant l’inaction procédurale par la prise en charge des coûts.

Ce principe répond à une finalité d’équité et de discipline des poursuites. Le créancier ne peut instrumentaliser la saisie sans aller au terme, puis faire supporter à autrui l’inanité de la procédure. Le cas échéant, la caducité s’accompagne donc d’une sanction pécuniaire rationnelle.

B – L’exception sous contrôle du juge: motivation spéciale et critères retenus

Le texte ouvre cependant une faculté d’ajustement, « sauf décision contraire du juge spécialement motivée ». Le jugement consacre cette exception en retenant deux critères concrets et circonstanciés. D’une part, « le règlement tardif de la créance » par le débiteur, qui a provoqué l’inutilité de la vente au stade terminal. D’autre part, « l’accord des parties en ce sens », qui confère à la solution une base transactionnelle.

L’articulation de ces deux éléments satisfait l’exigence de motivation spéciale, car elle expose les raisons particulières justifiant l’écart au principe. Elle évite un automatisme défavorable au poursuivant lorsque la caducité résulte d’un désintéressement tardif décidé par le débiteur. Cette orientation, proportionnée, dissuade les règlements à la dernière heure instrumentalisant l’audience d’adjudication.

Cette décision présente une portée mesurée mais utile pour la pratique des saisies immobilières. Elle confirme l’automaticité de la caducité en cas de carence tout en reconnaissant, de manière encadrée, un pouvoir correcteur du juge sur les frais. Elle sécurise la voie d’une allocation pragmatique lorsqu’un paiement tardif rend la vente superfétatoire et qu’un accord éclaire la répartition des charges procédurales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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