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Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, a rendu le 20 juin 2025 (n° RG 22/00768) un jugement relatif à la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des arrêts de travail consécutifs à une pathologie déclarée comme maladie professionnelle. La salariée avait signalé une tendinopathie du poignet gauche, avec pertes de force et de mobilité, suivie de prolongations d’arrêt jusqu’en mai 2022. L’organisme social a reconnu la maladie au titre du tableau n° 57, tandis que l’employeur contestait la durée des arrêts au‑delà du 25 octobre 2021. Après un recours préalable resté silencieux auprès de la commission médicale de recours amiable, l’employeur a saisi la juridiction. Il sollicitait l’inopposabilité de la prise en charge postérieure au 25 octobre 2021, à titre subsidiaire une expertise. L’organisme défendait la décision, n’envisageant une expertise qu’à titre subsidiaire et sur un périmètre restreint.
La question posée consistait d’abord à vérifier la recevabilité du recours après le silence de la commission, puis à déterminer si la présomption d’imputabilité couvrait les arrêts au‑delà du 25 octobre 2021, au regard des éléments médicaux produits. Le tribunal admet la recevabilité, rejette l’inopposabilité, refuse l’expertise et condamne l’employeur aux dépens.
I. Le cadre normatif retenu et sa mise en œuvre
A. La recevabilité après le silence de la commission
Le jugement s’appuie sur la combinaison des articles R. 142‑8‑5 et R. 142‑1‑A du code de la sécurité sociale. Il rappelle que « l’absence de décision de la commission médicale de recours amiable dans le délai de quatre mois à compter de l’introduction du recours préalable vaut rejet de la demande. À l’issue de ce délai, le requérant peut se pourvoir devant le Pôle social du tribunal judiciaire dans un délai de deux mois ». Ayant saisi la juridiction dans ce dernier délai, l’employeur est déclaré recevable. Le raisonnement demeure classique, clair et strictement calé sur les textes, sans ajout prétorien.
Cette solution sécurise la phase précontentieuse en fixant un point de départ certain pour le délai contentieux. Elle prévient les incertitudes liées aux retards de traitement des commissions, tout en maintenant l’équilibre entre filtrage médical et contrôle juridictionnel effectif.
B. L’étendue de la présomption d’imputabilité et la charge probatoire
Le tribunal reprend d’abord la règle de fond. « Il résulte des articles L. 411‑1 et L. 461‑2 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité […] s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation ». Il ajoute que « [i]l appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire ou, à tout le moins, de produire un faisceau d’éléments concordants […] ». Ces deux extraits structurent l’analyse, en fixant la norme applicable et le fardeau de la preuve.
En application, la juridiction relève que l’unique pièce déterminante avancée par l’employeur est un rapport de son conseil médical, isolé et non étayé par des éléments « précis, objectifs et matériellement vérifiables ». Elle note encore que si un certificat du 25 octobre mentionne une pathologie du coude, l’avis médical de l’organisme n’a pas remis en cause l’imputabilité des autres symptômes au poignet, persistants et cohérents avec la maladie professionnelle reconnue. L’inopposabilité est donc rejetée, de même que la demande subsidiaire d’expertise, la carence probatoire ne pouvant être suppléée par une mesure d’instruction de portée exploratoire.
II. Portée et appréciation de la solution
A. Une exigence probatoire cohérente avec la protection attachée aux tableaux
La décision conforte un principe d’économie probatoire, inhérent aux tableaux des maladies professionnelles. La présomption déploie ses effets jusqu’à la consolidation, sauf preuve d’une cause totalement étrangère ou d’un état évoluant pour son propre compte. En exigeant un « faisceau d’éléments concordants » et vérifiables, le tribunal garantit une ligne claire, respectueuse de la finalité des tableaux et du rôle d’objectivation médicale qu’ils assurent.
Cette rigueur protège la victime contre les contestations spéculatives portant sur la durée des arrêts, fréquentes dans les affections périarticulaires. Elle incite l’employeur à documenter précisément l’existence d’un facteur étranger autonome, au besoin par des données cliniques, paracliniques ou ergonomiques concordantes, plutôt que par des appréciations générales.
B. La mesure d’instruction, entre nécessité médicale et refus de suppléer la preuve
Le refus d’ordonner une expertise s’inscrit dans une conception mesurée de l’office du juge. La mesure d’instruction éclaire un débat technique, elle ne corrige pas un défaut d’allégation précise ni une insuffisance d’objectivation. Le jugement souligne d’ailleurs que les constatations médicales favorables à l’imputabilité n’ont pas été infirmées, hors l’épisode relatif au coude, insuffisant pour renverser la présomption attachée au poignet.
Cette position présente deux effets. Elle évite des expertises de convenance, sources de délais et de coûts, lorsque la base factuelle fait défaut. Elle peut toutefois contraindre, dans des situations cliniques complexes, en réduisant l’accès à une évaluation indépendante. L’équilibre retenu demeure pertinent ici, compte tenu de l’absence d’indices matériels probants et de la cohérence des éléments médicaux relatifs à la symptomatologie du poignet.
I. L’assise textuelle de la recevabilité et de la présomption
A. Le mécanisme du rejet implicite et le délai subséquent
B. La couverture continue jusqu’à la consolidation et la preuve contraire
II. Les enseignements pratiques du contrôle exercé
A. La densité requise du faisceau d’éléments concordants
B. L’expertise comme instrument subsidiaire, non palliatif de la preuve