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Le contentieux de l’incapacité permanente partielle consécutive à un accident du travail demeure un terrain fertile d’affrontement entre l’évaluation strictement médicale des séquelles et la prise en compte des répercussions professionnelles subies par la victime. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, le 20 juin 2025, illustre cette dualité avec une particulière acuité.
Un salarié exerçant la profession de soudeur-chaudronnier a été victime d’un accident du travail le 27 septembre 2022, ayant provoqué une torsion du coude droit suivie d’une épicondylite opérée en janvier 2023. La Caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique lui a notifié un taux d’incapacité permanente partielle de 8 %. L’assuré a contesté ce taux devant la Commission médicale de recours amiable, laquelle a rejeté son recours par décision du 7 novembre 2024. Il a alors saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Nantes le 20 décembre 2024, sollicitant la réévaluation de son taux médical à 10 % et l’octroi d’un taux professionnel de 7 %. Il faisait valoir des douleurs invalidantes, un retentissement psychologique, ainsi qu’un licenciement pour inaptitude prononcé le 22 octobre 2024, entraînant une perte substantielle de revenus.
La Caisse, dispensée de comparaître, s’en est rapportée à la décision du tribunal. Le médecin-consultant désigné a confirmé l’existence d’une légère diminution de la flexion du coude droit et la persistance de douleurs épicondyliennes, estimant que le taux de 8 % correspondait à l’application des barèmes indicatifs.
Le tribunal devait déterminer si le taux d’incapacité permanente partielle fixé à 8 % par la Caisse était correctement évalué et si les circonstances professionnelles de l’assuré justifiaient l’attribution d’un coefficient professionnel complémentaire.
Le Tribunal judiciaire de Nantes a maintenu le taux médical à 8 % tout en reconnaissant l’existence d’une incidence professionnelle justifiant l’octroi d’un taux complémentaire de 3 %, portant ainsi le taux global d’incapacité permanente partielle à 11 %.
Cette décision invite à examiner successivement la confirmation du taux médical par référence aux barèmes indicatifs (I), puis la reconnaissance d’une incidence professionnelle distincte du préjudice strictement corporel (II).
I. La confirmation du taux médical par application rigoureuse des barèmes indicatifs
Le tribunal procède à une analyse méthodique des séquelles constatées (A) avant de rejeter les éléments invoqués postérieurement à la consolidation (B).
A. L’évaluation des séquelles au regard des barèmes indicatifs
L’article L. 434-2 alinéa premier du Code de la sécurité sociale dispose que « le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité ». Le tribunal rappelle ce fondement textuel avant de confronter les constatations médicales aux prévisions barémiques.
Le médecin-conseil avait relevé lors de l’examen du 19 avril 2024 « une légère diminution de la flexion du coude droit » et « des signes d’épicondylite droite ». Le médecin-consultant du tribunal confirme ces éléments en constatant « une très légère diminution de la flexion » et « une pronosupination normale ». Le barème indicatif des accidents du travail, chapitre 1.1.2, prévoit un taux de 10 % pour une limitation des mouvements de flexion-extension avec mouvements conservés de 70° à 145° sur le membre dominant. Le barème indicatif des maladies professionnelles, chapitre 8.3.5, retient quant à lui un taux de 5 à 10 % pour l’épicondylite récidivante.
Le tribunal relève que les constatations sont « concordantes » et que « les douleurs et la limitation légère de la flexion du coude dominant ont bien été prises en compte ». Il précise néanmoins que le taux « ne peut être fixé au maximum de la fourchette des deux barèmes dès lors que la limitation de la flexion est peu importante ». Cette motivation traduit une application raisonnée du caractère indicatif des barèmes, lesquels ne constituent pas des instruments d’évaluation automatique mais des guides permettant une appréciation individualisée des séquelles.
B. Le rejet des éléments postérieurs à la consolidation
L’assuré invoquait un retentissement psychologique lié à sa situation. Le tribunal écarte cet argument en relevant que « la notion d’un suivi psychologique apparaît postérieur à la consolidation au vu des documents produits ». Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle seules les séquelles existant à la date de consolidation peuvent être prises en compte pour la fixation du taux d’incapacité permanente.
La date de consolidation constitue en effet le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent. Les troubles apparus ultérieurement relèvent soit d’une aggravation susceptible de donner lieu à révision, soit d’affections distinctes de l’accident initial. Le tribunal applique ainsi avec rigueur le principe de concomitance entre les séquelles indemnisables et la date de consolidation, préservant la cohérence du système d’évaluation médico-légale.
II. La reconnaissance autonome de l’incidence professionnelle
Le tribunal distingue nettement le préjudice médical du préjudice professionnel (A) et en tire les conséquences indemnitaires appropriées (B).
A. La caractérisation de l’incidence professionnelle
Après avoir maintenu le taux médical, le tribunal reconnaît que « le taux d’incapacité permanente partielle peut compenser en partie une incidence professionnelle liée aux conséquences d’un accident du travail ». Cette affirmation trouve son fondement dans l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale qui mentionne expressément les aptitudes et la qualification professionnelle parmi les critères d’évaluation.
Le tribunal relève plusieurs éléments factuels déterminants. L’assuré était âgé de 60 ans lors de la consolidation et a été « licencié pour inaptitude le 22 octobre 2024 ». L’avis du médecin du travail mentionnait qu’il « pourrait être affecté à un poste sans port de charge, sans utilisation d’outils vibrants, sans efforts avec le bras droit et sans mouvements répétés avec le poignet droit ». Ces restrictions fonctionnelles rendaient impossible la poursuite de son activité de soudeur-chaudronnier exercée durant toute sa carrière.
Le tribunal constate en outre une perte de revenus substantielle, l’assuré percevant désormais 1297,50 euros mensuels d’allocation France Travail contre un salaire antérieur moyen de 2000 euros. Il en déduit qu’« il doit par conséquent être considéré qu’il subit une incidence professionnelle du fait des séquelles de l’accident du travail ».
B. La fixation d’un taux professionnel complémentaire
Le tribunal octroie un taux professionnel de 3 %, portant le taux global à 11 %. Cette majoration demeure inférieure aux 7 % sollicités par l’assuré, traduisant une appréciation mesurée de l’incidence professionnelle.
Le coefficient professionnel vise à compenser les répercussions des séquelles sur la capacité de travail et de gain de la victime. Il ne constitue pas une indemnisation intégrale du préjudice économique mais un correctif permettant de tenir compte de la dimension professionnelle dans l’évaluation globale de l’incapacité. Le tribunal opère ainsi une distinction entre le taux médical, objectivant les séquelles anatomiques et fonctionnelles, et le taux professionnel, appréhendant les conséquences concrètes de ces séquelles sur l’insertion professionnelle.
Cette décision s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle favorable à la reconnaissance de l’incidence professionnelle comme composante autonome du taux d’incapacité. Elle rappelle que l’évaluation des séquelles d’un accident du travail ne saurait se réduire à une appréciation purement médicale mais doit intégrer la réalité socioprofessionnelle de la victime. La portée de cette solution demeure toutefois circonscrite aux situations où l’assuré démontre effectivement une perte de capacité de travail liée aux restrictions fonctionnelles consécutives à l’accident.