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La possibilité de rendre commune une mesure d’expertise ordonnée en référé à des tiers susceptibles d’être concernés par un litige futur constitue un mécanisme procédural essentiel. Le tribunal judiciaire de Nice, dans une ordonnance de référé du 13 juin 2025, apporte des précisions sur les conditions et les limites de cette extension, tout en rappelant l’articulation nécessaire entre les différentes voies de recours.
Des époux, propriétaires d’un box au sein d’une copropriété, avaient obtenu par ordonnance de référé du 2 août 2024 la désignation d’un expert judiciaire aux fins de déterminer l’origine et la cause de désordres affectant leur bien. Le syndicat des copropriétaires avait interjeté appel de cette décision, contestant la régularité de son assignation. Parallèlement, les époux ont assigné en déclaration d’ordonnance commune la propriétaire de l’appartement situé au-dessus de leur box, tandis que le syndicat des copropriétaires a appelé en intervention forcée son assureur. Les demandeurs sollicitaient subsidiairement une nouvelle expertise judiciaire.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice était saisi d’une double question. Il lui appartenait de déterminer si l’ordonnance d’expertise pouvait être déclarée commune à des tiers non parties à la procédure initiale. Il devait également statuer sur l’opportunité d’ordonner une nouvelle mesure d’expertise alors qu’un appel était pendant contre la décision ayant ordonné la première.
Le tribunal a accueilli les demandes de déclaration d’ordonnance commune à l’égard de la propriétaire voisine et de l’assureur du syndicat. Il a rejeté en revanche la demande subsidiaire d’expertise au motif de l’effet dévolutif de l’appel en cours.
Cette décision illustre les conditions d’extension d’une mesure d’expertise en référé (I) et révèle l’articulation entre cette procédure et les voies de recours ordinaires (II).
I. Les conditions de l’extension de la mesure d’expertise aux tiers
Le juge des référés admet l’extension de l’ordonnance d’expertise à des tiers en se fondant sur l’intérêt légitime des parties (A), tout en précisant les limites de ce mécanisme procédural (B).
A. L’intérêt légitime comme fondement de l’extension
Le tribunal fonde sa décision sur les articles 145 et 331 du code de procédure civile. Il relève que les demandeurs « justifient d’un intérêt légitime à voir déclarer commune et exécutoire » l’ordonnance de référé aux tiers concernés. La propriétaire de l’appartement situé au-dessus du box litigieux devait être associée aux opérations dès lors que sa « participation aux opérations d’expertise apparaît nécessaire ». Le syndicat des copropriétaires justifiait quant à lui d’un intérêt à rendre l’ordonnance opposable à son assureur.
Cette motivation consacre une conception fonctionnelle de l’intérêt légitime. Le juge ne se contente pas d’une appréciation abstraite. Il vérifie concrètement que la présence des tiers est utile à l’établissement de la preuve. La proximité physique du bien de la propriétaire voisine et la qualité d’assureur du syndicat constituent des éléments objectifs justifiant leur participation aux opérations. Cette approche pragmatique permet d’anticiper les contentieux futurs en constituant dès le stade probatoire un contradictoire élargi.
B. Les limites tenant à la qualité de partie préexistante
Le tribunal refuse de déclarer l’ordonnance commune au syndicat des copropriétaires, estimant cette demande « sans objet dans la mesure où ce dernier est déjà partie à la mesure en l’état de l’ordonnance de référé du 2 août 2024 rendue à son contradictoire, nonobstant l’absence de représentation de ce dernier à cette instance ». Cette précision révèle l’autonomie de la qualité de partie par rapport à la comparution effective.
Le syndicat avait pourtant contesté par voie d’appel la régularité de son assignation initiale. Le juge des référés n’en tire aucune conséquence sur sa qualité de partie à l’expertise ordonnée. Il distingue ainsi la question de la validité de l’acte introductif d’instance de celle de l’opposabilité de la décision. Cette position assure la stabilité des opérations d’expertise en cours, indépendamment des contestations procédurales portées devant la juridiction d’appel.
II. L’articulation entre l’expertise et l’effet dévolutif de l’appel
Le rejet de la demande subsidiaire d’expertise révèle le respect de l’autorité de la juridiction d’appel (A), tout en préservant l’efficacité des mesures déjà ordonnées (B).
A. La primauté de l’effet dévolutif sur la compétence du juge des référés
Le tribunal refuse d’ordonner une nouvelle expertise « eu égard à l’ordonnance du 2 août 2024 qui a déjà été rendue en ce sens et à l’effet dévolutif de l’appel formé à l’encontre de cette décision ». Il précise que cet appel « a pour effet de remettre la chose jugée en question devant cette dernière, à qui il appartient de statuer à nouveau en fait et en droit ». Le juge des référés reconnaît ainsi la compétence exclusive de la cour d’appel pour apprécier l’opportunité de la mesure contestée.
Cette solution s’inscrit dans une logique de cohérence juridictionnelle. Elle évite que deux mesures d’expertise concurrentes portant sur les mêmes désordres ne soient ordonnées par des juridictions différentes. Le juge des référés fait preuve de retenue en présence d’un recours pendant, préférant laisser la cour d’appel trancher définitivement la question de l’opportunité de l’expertise initiale.
B. La préservation de l’efficacité des mesures en cours
Le tribunal ordonne néanmoins les mesures nécessaires à la poursuite effective de l’expertise. Il enjoint aux demandeurs de communiquer « sans délai » l’ensemble des pièces et notes d’expertise aux parties nouvellement appelées. Il prescrit à l’expert de « désormais convoquer et associer » ces tiers aux opérations.
Ces dispositions pratiques garantissent l’utilité de la déclaration d’ordonnance commune. Elles permettent aux nouveaux contradicteurs de participer pleinement aux opérations sans attendre l’issue de l’appel en cours. Le juge des référés concilie ainsi le respect des voies de recours avec l’efficacité de la mesure probatoire. Cette articulation témoigne d’une gestion pragmatique du temps judiciaire, évitant que les contestations procédurales ne paralysent l’établissement des preuves nécessaires à la résolution du litige au fond.