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Je vais d’abord prendre connaissance intégrale de cette décision pour en saisir tous les enjeux avant de rédiger le commentaire d’arrêt.
La décision soumise est un jugement du Tribunal judiciaire de Nice du 20 juin 2025 relatif à un litige opposant un assuré à son assureur en matière d’assurance habitation. L’affaire porte sur l’indemnisation de plusieurs sinistres déclarés entre 2018 et 2021 ainsi que sur la résiliation du contrat par l’assureur.
Je rédige maintenant le commentaire d’arrêt.
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Le contentieux de l’assurance habitation illustre fréquemment la tension entre la protection de l’assuré et les exigences probatoires pesant sur les parties. Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nice le 20 juin 2025 offre une synthèse instructive de ces problématiques, tant sur le terrain de la nullité du contrat pour fausse déclaration que sur celui de l’exécution des garanties.
Un particulier avait souscrit le 3 avril 2018 un contrat d’assurance habitation auprès d’une mutuelle d’assurance. Entre octobre 2018 et novembre 2021, il déclara cinq sinistres. L’assureur versa des indemnités pour quatre d’entre eux mais refusa de garantir le dernier, survenu le 6 novembre 2021. Par lettre du 13 janvier 2022, la mutuelle informa l’assuré de la résiliation de son contrat à compter du 31 mars 2022. Un avenant au contrat avait été signé le 8 décembre 2021, portant modification de la cotisation annuelle.
L’assuré assigna son assureur devant le Tribunal judiciaire de Nice le 7 juillet 2022, sollicitant principalement le paiement d’indemnités complémentaires au titre des différents sinistres, des dommages-intérêts pour inexécution contractuelle et pour résistance abusive. En défense, l’assureur opposa la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle, l’assuré ayant déclaré treize pièces dans son logement lors de la souscription avant de réduire ce nombre à dix lors de la signature de l’avenant.
La question principale soumise au tribunal était de déterminer si la déclaration inexacte du nombre de pièces du logement assuré constituait une fausse déclaration intentionnelle de nature à entraîner la nullité du contrat au sens de l’article L. 113-8 du code des assurances. Subsidiairement, il convenait d’apprécier si l’assuré rapportait la preuve des conditions d’ouverture de la garantie pour les sinistres litigieux et si la résiliation du contrat par l’assureur était fautive.
Le tribunal rejeta la demande de nullité du contrat, condamna l’assureur au paiement d’une indemnité complémentaire de 1 028,20 euros pour le sinistre du 29 octobre 2018, mais débouta l’assuré de l’essentiel de ses autres demandes. Le jugement retint que « la Macif ne démontre pas que M. [Z] [P] a déclaré de mauvaise foi un nombre de pièces dans son logement lors de la souscription du contrat pour le tromper sur l’étendue de sa garantie ». Le tribunal releva au surplus que l’assuré « a déclaré, lors de la souscription du contrat, un nombre de 13 pièces principales à assurer au lieu des 10 lors de la signature de l’avenant, impliquant un risque de sinistres plus important, ce qui est incompatible avec la mauvaise foi de cet assuré ».
L’intérêt de cette décision réside dans l’articulation qu’elle opère entre les conditions de la nullité pour fausse déclaration et la charge de la preuve en matière de garantie d’assurance. Elle invite à examiner successivement les exigences probatoires encadrant la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration (I) puis les conditions d’ouverture et les limites de la garantie d’assurance (II).
I. Les exigences probatoires encadrant la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration
Le régime de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle suppose la réunion de conditions cumulatives dont la preuve incombe à l’assureur (A). L’appréciation de la mauvaise foi de l’assuré révèle les difficultés inhérentes à cette démonstration (B).
A. La charge de la preuve pesant sur l’assureur invoquant la nullité
L’article L. 113-8 du code des assurances prévoit que « le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur ». Le tribunal rappelle que ce texte « organise un régime spécifique de nullité du contrat d’assurance en cas de défaut ou de fausse déclaration intentionnelle du risque ».
La juridiction énonce avec précision les conditions cumulatives requises. La nullité suppose d’établir « une fausse déclaration du risque réalisée de mauvaise foi et de nature à changer l’objet du risque ou à en diminuer l’opinion pour l’assureur ». Le jugement insiste sur la répartition de la charge probatoire en relevant qu’« il incombe à l’assureur qui invoque la nullité du contrat de prouver la fausse déclaration du risque mais également la mauvaise foi de l’assuré ou l’intention du souscripteur de le tromper ».
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation. La deuxième chambre civile a régulièrement affirmé que l’assureur doit rapporter la preuve tant de l’inexactitude de la déclaration que de son caractère intentionnel. Le tribunal rappelle opportunément que « la bonne foi est toujours présumée » conformément à l’article 2274 du code civil. Cette présomption constitue un obstacle significatif pour l’assureur qui entend se prévaloir de la nullité.
Le jugement ajoute une exigence supplémentaire tenant à la démonstration de l’incidence de la fausse déclaration sur l’appréciation du risque. La nullité ne peut être prononcée que « si l’assureur prouve que la fausse déclaration a changé l’objet du risque ou en a diminué son opinion, c’est-à-dire qu’il aurait garanti le risque à des conditions différentes dont notamment le montant de la prime d’assurance ». Cette précision souligne l’exigence d’une preuve concrète de l’altération de l’opinion de l’assureur.
B. L’appréciation concrète de la mauvaise foi de l’assuré
L’application de ces principes au cas d’espèce conduit le tribunal à rejeter la demande de nullité. L’assuré avait déclaré treize pièces dans son habitation lors de la souscription avant de modifier cette déclaration à dix pièces le 8 décembre 2022. Le tribunal considère que « ce fait objectif n’est toutefois pas suffisant à rapporter, en lui-même, la preuve d’une fausse déclaration intentionnelle réalisée de mauvaise foi par l’assuré de nature à modifier l’objet du risque ou son opinion par l’assureur ».
Le raisonnement du tribunal se distingue par sa finesse. La juridiction observe que l’assuré a déclaré un nombre de pièces supérieur à la réalité, ce qui impliquait « un risque de sinistres plus important ». Cette surdéclaration est jugée « incompatible avec la mauvaise foi de cet assuré ». L’argumentation est pertinente car la fausse déclaration intentionnelle suppose ordinairement une volonté de tromper l’assureur pour obtenir des conditions plus favorables. Une déclaration conduisant à une prime plus élevée ne répond manifestement pas à cette logique frauduleuse.
Le tribunal relève en outre que l’assureur « ne démontre pas que la déclaration inexacte qu’elle invoque a eu pour effet de modifier l’objet du risque ou son opinion de ce risque notamment en produisant des éléments tels qu’une simulation des primes d’assurance qui auraient été dues si le risque avait correctement été déclaré ». Cette carence probatoire scelle le sort de la demande de nullité. L’assureur ne peut se contenter d’invoquer une inexactitude formelle sans établir son incidence concrète sur son appréciation du risque.
II. Les conditions d’ouverture et les limites de la garantie d’assurance
La mise en œuvre de la garantie d’assurance repose sur des exigences probatoires précises pesant sur l’assuré (A). Les modalités de résiliation du contrat par l’assureur sont quant à elles encadrées par des règles dont la portée mérite d’être précisée (B).
A. La charge de la preuve des conditions de la garantie incombant à l’assuré
Le tribunal rappelle le principe selon lequel « s’il incombe à l’assureur, invoquant une exclusion de garantie, de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion, il appartient d’abord à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie ». Cette répartition classique de la charge de la preuve structure l’ensemble du raisonnement relatif aux demandes d’indemnisation.
S’agissant des sinistres de novembre 2021, le tribunal rejette les demandes de l’assuré pour défaut de preuve. Pour le sinistre du 1er novembre 2021, la juridiction relève que l’assuré « fournit un ensemble de factures sans établir le lien de chacune d’elle avec la réparation d’un sinistre déterminé ». Cette exigence de rattachement des justificatifs à un sinistre précis constitue une condition essentielle du droit à indemnisation complémentaire.
Le sinistre du 6 novembre 2021 illustre particulièrement les difficultés probatoires. L’assuré soutenait que des impacts de foudre avaient endommagé ses équipements photovoltaïques. Les attestations produites furent jugées insuffisantes. L’une d’elles n’était pas conforme à l’article 202 du code de procédure civile « en ce qu’elle ne fait pas état qu’elle est établie en vue de sa production en justice ». L’autre relatait des orages en juillet et octobre 2021, dates ne concordant pas avec celle du sinistre déclaré. Ces attestations étaient en outre « contredites par les éléments produits par la Macif qui révèlent qu’il n’y a eu aucune occurrence d’orage ni impact de foudre au sol dans le département des Alpes-Maritimes les 5 et 6 novembre 2021 ».
En revanche, le tribunal fait droit partiellement à la demande relative au sinistre du 29 octobre 2018. L’assureur avait déduit 749 euros correspondant à une prestation prétendument facturée deux fois ainsi qu’un coefficient de vétusté de 279,20 euros. Le tribunal relève qu’« il n’existe cependant aucun élément corroborant le bienfondé d’une telle déduction » et que l’assureur ne produit aucune pièce justifiant l’application d’un coefficient de vétusté « à un matériel neuf ». Cette solution rappelle que l’assureur qui entend réduire l’indemnité due doit justifier les déductions qu’il opère.
B. L’encadrement de la résiliation unilatérale par l’assureur
L’assuré contestait la régularité de la résiliation intervenue le 13 janvier 2022 pour effet au 31 mars 2022. Il invoquait le non-respect du délai d’un an prévu par l’article L. 113-12 du code des assurances, estimant qu’un avenant signé le 8 décembre 2021 avait fait courir un nouveau délai.
Le tribunal rejette cette argumentation en énonçant que « la conclusion d’un avenant ne vaut pas conclusion d’un nouveau contrat faisant courir un nouveau délai d’un an avant que soit ouverte la faculté de le résilier par l’assureur ». Cette solution, conforme à la nature juridique de l’avenant qui modifie un contrat préexistant sans le novater, préserve la faculté de résiliation de l’assureur. L’avenant ne crée pas un nouveau rapport contractuel mais aménage les stipulations d’une convention déjà en cours d’exécution.
Sur la motivation de la résiliation, le tribunal adopte une approche pragmatique. L’article L. 113-12-1 du code des assurances impose que la résiliation unilatérale par l’assureur soit motivée. La lettre du 13 janvier 2022 indiquait que la résiliation visait à « préserver l’équilibre de la mutuelle dans l’intérêt de l’ensemble des sociétaires » et que « l’analyse de votre contrat nous contraint à ne pas reconduire votre contrat ». Le tribunal considère que cette lettre « contient en réalité les motifs de l’assureur pour rompre le contrat », la décision ayant été prise « en raison du nombre de sinistres importants déclarés en moins de trois ans ».
Cette appréciation souple de l’obligation de motivation mérite d’être relevée. Le tribunal se satisfait d’une motivation implicite déduite du contexte factuel. Cette position pourrait être discutée au regard de l’objectif de protection de l’assuré poursuivi par l’exigence de motivation. La transparence des motifs permet en effet à l’assuré d’apprécier le bien-fondé de la décision et d’exercer utilement son droit de contestation.