Tribunal judiciaire de Nice, le 20 juin 2025, n°22/03179

Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nice le 20 juin 2025 illustre le mécanisme procédural du désistement d’instance en matière civile. Cette décision, bien que dépourvue de solution au fond, permet d’examiner les conditions et les effets de cette forme d’extinction de l’instance.

Trois passagères domiciliées en Belgique ont saisi le tribunal judiciaire de Nice par requête du 12 août 2022 aux fins d’obtenir condamnation d’une compagnie aérienne. L’objet exact du litige n’est pas précisé, mais le contexte suggère une action en indemnisation liée au transport aérien. À l’audience du 20 juin 2025, les demanderesses ont déclaré expressément se désister de leur instance. La défenderesse a accepté ce désistement.

La question posée au tribunal était de déterminer si les conditions du désistement d’instance étaient réunies pour en constater la perfection et en tirer les conséquences procédurales.

Le tribunal constate le désistement d’instance, le déclare parfait, prononce l’extinction de l’instance et son dessaisissement, tout en mettant les dépens à la charge des demanderesses.

La présente décision invite à examiner successivement les conditions de perfection du désistement d’instance (I) puis ses effets sur l’instance et les parties (II).

I. Les conditions de perfection du désistement d’instance

A. L’exigence d’une manifestation de volonté non équivoque

Le désistement d’instance constitue un acte unilatéral par lequel le demandeur renonce à poursuivre la procédure engagée. L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut se désister de son instance. Cette faculté traduit le principe dispositif gouvernant le procès civil. Les parties demeurent maîtresses de leur action.

En l’espèce, le tribunal relève que les demanderesses « ont déclaré expressément se désister de leur instance ». L’emploi de l’adverbe « expressément » revêt une importance particulière. Il atteste du caractère non équivoque de la volonté exprimée. Le désistement ne se présume pas. Il doit résulter d’une manifestation claire, exclusive de toute ambiguïté.

La jurisprudence exige que le désistement émane d’une partie capable et pourvue du pouvoir d’y procéder. Le mandataire ad litem, tel l’avocat, dispose en principe de ce pouvoir sans mandat spécial. Ici, les demanderesses étaient représentées par un avocat au barreau de Paris, lui-même substitué à l’audience.

B. La nécessité de l’acceptation du défendeur

L’article 395 du code de procédure civile subordonne la perfection du désistement à l’acceptation du défendeur lorsque celui-ci a présenté une défense au fond ou une fin de non-recevoir. Cette règle protège le défendeur qui a engagé des frais et souhaite obtenir une décision définitive.

Le tribunal constate que « la Société EASYJET a accepté ce désistement ». Cette acceptation purge toute difficulté. Elle rend le désistement parfait au sens de l’article 395. À défaut d’acceptation, le juge aurait dû rechercher si la défenderesse avait présenté une défense au fond. Dans l’affirmative, le désistement n’aurait pu produire effet qu’avec son consentement.

L’acceptation du désistement obéit au même formalisme que le désistement lui-même. Elle peut être expresse ou tacite. Une acceptation expresse à l’audience, consignée au jugement, satisfait pleinement aux exigences légales.

II. Les effets du désistement d’instance

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge

Le dispositif du jugement « constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la présente juridiction ». Ces effets découlent directement de l’article 398 du code de procédure civile. Le désistement parfait met fin à l’instance. Le juge perd sa saisine.

L’extinction de l’instance se distingue de l’extinction de l’action. Le désistement d’instance, contrairement au désistement d’action, n’emporte pas renonciation au droit d’agir. Les demanderesses conservent la faculté d’introduire une nouvelle instance sur le même fondement, sous réserve de la prescription.

Cette distinction revêt une importance pratique considérable. Le demandeur qui se désiste de l’instance pour des raisons d’opportunité peut reprendre ultérieurement son action. Le désistement d’action, en revanche, constitue une renonciation définitive au droit substantiel.

B. La charge des dépens et les conséquences financières

Le tribunal « dit que les dépens de l’instance incomberont au demandeur ». Cette solution découle de l’article 399 du code de procédure civile aux termes duquel le désistement emporte, sauf convention contraire, obligation pour son auteur de payer les frais de l’instance éteinte.

La règle se justifie par l’équité. Le défendeur, attrait en justice sans l’avoir voulu, ne doit pas supporter les conséquences financières d’une instance dont l’abandon procède de la seule volonté du demandeur. Les dépens comprennent notamment les émoluments, les frais d’actes et les droits de plaidoirie.

La convention contraire visée par le texte peut résulter d’un accord transactionnel entre les parties. Le désistement intervient fréquemment à la suite d’une transaction mettant fin au litige. Les parties règlent alors librement le sort des dépens dans leur accord.

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Hassan KOHEN
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