Tribunal judiciaire de Nice, le 20 juin 2025, n°24/03892

Le contentieux aérien nourrit depuis plusieurs années un dialogue constant entre les juridictions nationales et le droit européen. Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nice le 20 juin 2025 en offre une illustration singulière, par la voie procédurale de l’homologation d’accord.

Un passager avait déposé une requête le 1er juillet 2024 à l’encontre d’une compagnie aérienne, vraisemblablement à la suite d’un retard ou d’une annulation de vol. L’affaire fut appelée à l’audience du 25 avril 2025. À cette occasion, les parties ont conclu un accord transactionnel portant sur le versement d’une somme de 676,98 euros au passager, sur le fondement du Règlement CE 261/2004. Les parties ont ensuite sollicité conjointement l’homologation de cet accord.

Le tribunal devait déterminer s’il convenait d’homologuer le protocole d’accord conclu entre les parties et, par voie de conséquence, de lui conférer force exécutoire.

Le tribunal judiciaire de Nice, statuant par jugement contradictoire et en dernier ressort, a homologué le protocole d’accord, condamné la compagnie aérienne au paiement de la somme convenue, laissé les dépens à la charge de chaque partie et rappelé l’exécution provisoire de droit.

Cette décision invite à examiner successivement le cadre procédural de l’homologation judiciaire des accords transactionnels (I), puis la portée du Règlement européen 261/2004 comme fondement de l’indemnisation aérienne (II).

I. Le cadre procédural de l’homologation judiciaire

A. Les conditions légales de l’homologation

Le tribunal vise expressément « les dispositions de l’article 1565 du code de procédure civile ». Ce texte, issu de la réforme des modes alternatifs de règlement des différends, permet aux parties de soumettre à l’homologation du juge l’accord auquel elles sont parvenues. L’homologation confère à cet accord la force exécutoire, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure contentieuse classique aboutissant à un jugement sur le fond.

Le juge n’exerce qu’un contrôle restreint. Il vérifie que l’accord ne heurte pas l’ordre public et qu’il préserve les droits dont les parties ont la libre disposition. En l’espèce, le tribunal constate laconiquement que « les parties sollicitent l’homologation de l’accord qu’elles ont conclu et il convient d’y faire droit ». Cette motivation minimaliste témoigne du caractère quasi automatique de l’homologation lorsque l’accord porte sur des droits disponibles, ce qui est assurément le cas d’une créance indemnitaire entre un passager et une compagnie aérienne.

B. Les effets attachés à l’homologation

L’homologation produit un double effet remarquable. Elle transforme un accord de volontés privées en titre exécutoire, permettant au créancier de recourir aux voies d’exécution forcée en cas de défaillance du débiteur. Le jugement « condamne » ainsi la compagnie aérienne au paiement, alors même que celle-ci avait déjà consenti à cette obligation dans le protocole.

Le tribunal rappelle en outre que « le présent jugement est assorti de droit de l’exécution provisoire ». Cette mention, qui résulte des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, souligne l’efficacité immédiate du titre obtenu. Le passager dispose ainsi d’un instrument juridique pleinement opérationnel sans attendre l’expiration des délais de recours. Cette efficacité procédurale répond aux exigences de célérité qui caractérisent le contentieux de masse du transport aérien.

II. Le fondement substantiel de l’indemnisation aérienne

A. Le Règlement CE 261/2004 comme source de l’obligation

L’accord homologué se fonde sur « les dispositions du Règlement CE 261/2004 ». Ce texte, entré en vigueur le 17 février 2005, établit des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard important d’un vol. Il prévoit notamment, en son article 7, des indemnités forfaitaires variant de 250 à 600 euros selon la distance du vol concerné.

Le montant de 676,98 euros convenu entre les parties ne correspond pas exactement aux paliers forfaitaires du Règlement. Il est donc probable que cette somme inclut, outre l’indemnité forfaitaire, des frais annexes ou une indemnisation complémentaire au titre du préjudice effectivement subi. L’article 12 du Règlement réserve en effet le droit des passagers à une indemnisation complémentaire, permettant de dépasser les montants forfaitaires lorsque le dommage excède ces derniers. La transaction a pu intégrer ces différents chefs de préjudice dans une somme globale et transactionnelle.

B. L’effectivité du droit européen par la voie transactionnelle

Cette décision illustre une évolution significative du contentieux aérien. Les passagers, mieux informés de leurs droits grâce à la publicité croissante du Règlement 261/2004 et à l’émergence de sociétés spécialisées dans le recouvrement de ces indemnités, saisissent plus fréquemment les juridictions. Les compagnies aériennes, confrontées à un risque contentieux certain, acceptent souvent de transiger pour éviter les aléas d’une procédure et les frais qu’elle engendre.

L’homologation judiciaire de ces accords présente un avantage considérable pour les passagers. Elle garantit l’exécution de l’engagement souscrit par la compagnie, tout en préservant les ressources judiciaires. Le tribunal, en entérinant rapidement ces accords, participe à l’effectivité du droit européen de la protection des consommateurs. La Cour de justice de l’Union européenne a d’ailleurs, dans une jurisprudence constante initiée par l’arrêt Sturgeon du 19 novembre 2009, interprété ce Règlement de manière favorable aux passagers, renforçant l’incitation des compagnies à transiger plutôt qu’à contester.

La décision du tribunal judiciaire de Nice s’inscrit ainsi dans un mouvement plus large de résolution négociée des litiges de consommation, encouragé tant par le législateur européen que par le droit processuel français contemporain.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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